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Billet de blog 13 février 2023

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Une forte mobilisation sociale contre une réforme vieillotte et caduque

« Ceux qui vivent sont ceux qui luttent » (Jean Jaurès)

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La veille de la manifestation du 19 janvier 2023, le président Macron déclare qu’il « ne croit pas à une victoire de l’irresponsabilité » et proclame que cette mobilisation « ne reflète pas l'état d'esprit réel des Français ». À la veille de la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, le 31 janvier, Macron invite dans le plus grand secret des éditorialistes politiques à déjeuner. Lors de la révolte des Gilets jaunes, nous avons découvert les « journalistes de préfecture », aujourd’hui le président Macron s’entoure de « journalistes de palais » pour leur communiquer les bons éléments de langage. Comme le dit la journaliste Ève Roger sur France 5 : « C’est qu’Emmanuel Macron distille la bonne parole, donne lui-même les éléments de langage aux dix journalistes les plus influents de la presse parisienne, afin que la parole présidentielle influe dans l’opinion et pourquoi pas l’influence ». L’ampleur des manifestations du 31 janvier 2023, anéantit tout espoir aux journalistes invités de l’Élysée de pouvoir manipuler l’opinion.  

Si la veille des grèves et des manifestations du 19 janvier, le président de la République a formulé des affirmations contredites par la mobilisation d’ampleur dans la rue et les enquêtes d’opinion ; et tenté de manipuler la presse la veille de la journée d’action du 31 janvier ; il sera sans doute plus discret sur le rapport d’enquête accablant du Parquet national financier (PNF), qui soupçonne son ministre du Travail – porteur du projet de réforme des retraites – de délit de favoritisme. Le 3 février 2023, Mediapart révèle qu’Olivier Dussopt est menacé d’un procès dans une affaire de marché truqué. Une enquête préliminaire sur les relations entre Olivier Dussopt, alors député et maire d’Annonay en Ardèche, et le groupe privé de l’eau Saur, avait été ouverte en juin 2020 par le PNF. Mediapart écrit « qu’à l’occasion d’une perquisition menée chez le ministre, les enquêteurs de l’Office anticorruption (OCLCIFF) de la police judiciaire ont notamment mis la main sur des échanges entre Olivier Dussopt et l’entreprise semblant laisser peu de doute sur l’existence d’un arrangement autour d’un marché public daté de 2009-2010. »

Alors que le soutien de l’opinion au mouvement social se renforce, avec 72% des personnes interrogées favorables aux manifestations (+7 points), et 69% favorables aux grèves (+10 points) selon un sondage Ipsos Sopra Steria pour France info et France Télévision ; le 6 janvier 2023 à l’Assemblée nationale, le pouvoir tire ses dernières cartouches pour amener les députés LR à voter la réforme. Des élus pour beaucoup pris en tenaille entre une posture purement idéologique, et le risque de perdre l’adhésion de bon nombre d’électeurs solidaires des revendications qu’exprime la rue. Sur les plateaux de télévision, les « grands médias » eux font de la pédagogie sur les méthodes de comptage des manifestants utilisées par la police et les syndicats (sans doute pour justifier les chiffres que communiquera la police le 7 janvier au soir). Or, la mobilisation contre la réforme des retraites – hier combattue par Élisabeth Borne et Olivier Dussopt socialistes, aujourd’hui défendue par la Première ministre Borne et le ministre du Travail Dussopt –, ne peut pas se résumer à un simple chiffrage. Ce jeu médiatique par lequel le pouvoir tente systématiquement de minimiser la participation aux cortèges qui lui sont hostiles est risible. Aux écarts dans les comptages annoncés après chaque manifestation par la police et les syndicats (écarts allant du simple au double, et parfois de 1 à 7) – enjeu d’une bataille destinée à gagner l’adhésion de l’opinion –, s’ajoute la confusion apportée par le comptage du cabinet Occurrence, qui en 2017 communiquait ridiculement aux médias des chiffres à l’unité près ; et qui le 31 janvier comptabilise 55 000 manifestants à Paris, contre 87 000 comptés par la police et 500 000 par les syndicats. Les prestations de ce cabinet prétendu indépendant sont payées par les grands patrons de presses (dont BFM TV, Le Figaro, Le Monde, etc.) et les médias officiels de France Télévisions. Son fondateur, Assaël Adary, connu pour ses sympathies macronistes est cité par le journal Marianne dans son édition du 2 février 2023 : « ancien président du BDE (bureau des élèves) de l’école de communication – c’est en tout cas ce qu’indique son compte LinkedIn – et président de l’association des anciens élèves de l’établissement, Assaël Adary avait aussi apporté son soutien sur Twitter à Aurore Bergé, tout juste élue députée sous les couleurs de la Macronie à l’Assemblée nationale en 2017, après qu'elle avait essuyé des insultes sur le réseau social. " Aurore : à ta disposition pour t'aider ! Mon réseau, mes compétences… et une certaine idée de la politique … on ne siffle pas, on combat ! »

Le succès des manifestations du samedi 11 janvier dans plus de 240 cortèges en France, réunissant plus de 2 500 000 personnes, démontre l’ampleur et l’ancrage de la contestation grandissante dans les villes et les villages de France. L’appel de toutes les centrales syndicales à mettre « la France à l’arrêt » le 7 mars, faisant de ce cinquième acte contre cette réforme une journée de grèves reconductibles, s’appuie sur un mécontentement croissant de toutes les couches sociales touchées par la crise énergétique, l’inflation des prix et la perte du pouvoir d’achat. L’aveuglement de la Macroni à vouloir défendre « quoi qu’il en coûte » les intérêts des ultra-riches et des multinationales, et la vision hors-sol d’un monarque président rendent sourd le pouvoir aux doléances de cette immense majorité de Français qui rejettent cette réforme. La vision archaïque de la société qu’ont les macronistes, rend le pouvoir imperméable aux aspirations de millions d’ouvriers, d’employés, de cadres, d’artisans, d’agriculteurs, de libéraux et de petits patrons, qui après avoir subi, hier la pandémie et la crise sanitaire du Covid ; aujourd’hui l’inflation galopante et les conséquences de la guerre en Ukraine sur leur pouvoir d’achat, aspirent à vivre autrement en établissant de nouvelles relations au travail.

Cette idéologie moyenâgeuse, exigeant du plus grand nombre de « travailler plus, et plus longtemps, afin de produire toujours plus » pour enrichir toujours davantage une minorité de possédants – dans l’espoir de voir l’accumulation de leurs richesses ruisseler sur le mal vivre et la misère des démunis – est anachronique. Dans le monde d’aujourd’hui, les gains de productivité et l’accroissement des richesses qu’apportent le développement des nouvelles technologies et la robotisation, devraient servir à améliorer la condition humaine et non à la dégrader. Le débat ouvert par ce puissant mouvement social est celui de la répartition des richesses et du choix de société, dont l’âge et les conditions de départ à la retraite font partie. Ce combat d’arrière-garde mené par ces partis conservateurs de droite pour imposer une réforme vieillotte et caduque, a pour finalité de détourner les richesses produites par le travail au profit des rentes financières.

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