Le 16 octobre 2016, dans Challenges.fr – faisant référence à Hollande –, Macron déclare qu’il ne croit pas « au président normal, cela déstabilise les Français ». Dans cette interview Macron décrit Macron : « Je suis un produit du système méritocratique français, pas un produit du système politique français. » […] « Désormais une poignée de détracteurs m'accusent d'être un "populiste light". » […] « Si j'étais populiste, je mentirais, je promettrais des choses intenables et inconséquentes. » […] « Ecouter le peuple, c’est entendre ce qu’il veut, ce à quoi il est prêt. Cette connexion est l’essence de la démocratie. Or cette dernière a été prise en otage. »
Que Macron soit un produit issu du haut de la pyramide sociale au service des puissances de l’argent, qui pourrait en douter ? Qu’en bon populiste il mente au peuple, les faits semblent le confirmer. N’a-t-il pas justifié sa réforme par la menace qui pèserait sur la pérennité du régime des retraites (alors que devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale Pierre-Louis Bras, président du Conseil d'orientation des retraites contredit le prétendu déséquilibre financier en déclarant : « Les dépenses des retraites ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées, dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme. » ? N’a-t-il pas fini par invoquer les marchés financiers en déclarant : « Je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands. » ? N’a-t-il pas, avec sa Première ministre, le ministre du Travail, et tous les porte-voix de la Macronie annoncé une « retraite minimale à 1 200 euros » au profit de 1,8 million de retraités, puis de 40 000 bénéficiaires, avant que sous la pression du député Jérôme Guedj, co-président de la Mission d’évaluation des comptes de la Sécurité sociale, le ministre Olivier Dussopt ne reconnaisse que « les services estiment, selon les générations, qu’entre 10 000 et 20 000 personnes franchiront le seuil des 1 200 euros par cette seule mesure » ? Quant à « Ecouter le peuple, c’est entendre ce qu’il veut, ce à quoi il est prêt », de qui se moque-t-il, des 70% des Français et des 93% des actifs qui rejettent sa réforme des retraites ? « Cette connexion est l’essence de la démocratie. Or cette dernière a été prise en otage » déclare-t-il, mais qui prend la France en otage en répondant aux citoyens de ce pays par le mépris, l’arrogance et la répression policière ?
Dans cette interview accordée à Challenges.fr Macron déclare : « François Hollande avait su faire passer l’espérance d'une France en mesure de dépasser les clivages qui la minent. Hélas, l'apaisement par la pacification des mœurs n'est pas suffisant. Les Français attendaient aussi un projet collectif fondé sur une idéologie claire, et cela n’est jamais venu. Par manque de clarification idéologique. » De quel projet collectif nous parle-t-il ? De celui d’un nouveau monde au service des intérêts des plus riches supprimant l’impôt sur la fortune, et dans lequel « les jeunes Français devraient avoir envie de devenir milliardaires » ? Quant « au manque de clarification idéologique », l’imposture de ce président se proclamant ni de gauche, ni de droite, se faisant réélire par défaut en abusant les électeurs face au danger de l’extrême droite, fait de lui l’homme d’État le plus ambigu de la cinquième République. Ambiguïté entretenue à l’occasion de la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale le 11 novembre 2018 en déclarant : « Pétain a aussi été un grand soldat. » Ou dans sa référence à Jeanne d’Arc le 16 octobre 2016 dans Challenges.fr : « Je me suis intéressé à Jeanne d'Arc et certains me l'ont reproché. Mais quel était le sens de ma démarche ? Non pas utiliser Jeanne d'Arc comme le symbole qu’il est devenu pour une partie seulement des Français, mais au contraire comme une volonté de réconcilier les histoires. » […] « Les Français, peuple politique, veulent quelque chose de plus. De là l'ambiguïté fondamentale de la fonction présidentielle qui, dans notre système institutionnel, a partie liée avec le traumatisme monarchique. C’est bien pourquoi le Président de la République, dans notre représentation collective, ne peut être tout à fait "normal". »
Que les « Français forment un peuple éminemment politique », nul besoin que le monarque président ne l’affirme, la mobilisation contre sa réforme des retraites le démontre. Que les Français veuillent « quelque chose de plus » que l’illusion du ruissellement des cadeaux fiscaux faits aux ultra-riches est une évidence ! Les Français réclament de la justice sociale et davantage de démocratie. Déclarer que le président de la République « dans notre représentation collective, ne peut être tout à fait "normal" » relève du fantasme d’un technocrate hors-sol se prenant pour le dieu Jupiter. Dans cette interview Macron déclare : « Je suis convaincu que pour dégager une véritable autorité politique, pour faire émerger des symboles forts et clairs, pour définir une lecture du monde et l'assumer, il faut dégager des consensus et non pas des compromis. Soyons précis : la fonction présidentielle exige le consensus construit dans la clarté plutôt que le compromis entre chien et loup. » Mais quel compromis préparait ce président vertueux en négociant le vote de sa réforme avec le groupe LR à l’Assemblée nationale, avant que faute de consensus il n’utilise le 49.3, et après que ses ministres ont tenté de marchander les voix de certains députés LR ? Est-ce cela le « consensus construit dans la clarté » ?
Pourrait-il, Jupiter, avoir la même clairvoyance dans l’analyse de la crise qu’il a déclenchée avec sa réforme des retraites, que celle dont il fait preuve dans sa critique du capitalisme résumée dans l’interview accordée à Challenges.fr : « Car il ne faut pas exclure que nous ayons atteint un stade ultime du capitalisme qui se trouve aujourd’hui pris dans sa propre incapacité à réguler ou laisser réguler ses excès : la sur-financiarisation, les conséquences climatiques et environnementales de son développement, etc. »