À une semaine d’intervalle, deux sommets sur l’Europe ont réuni, à Versailles le 6 mars, l'Allemande Angela Merkel, l'Espagnol Mariano Rajoy, l'Italien, Paolo Gentiloni, et François Hollande, et à Rome les 11 et 12 mars, les formations européennes de la gauche alternative.
À Versailles, le mini-sommet du rafistolage a réuni deux chefs d’État en fin de mandat dont l’un, le français, est en partance, et l’autre, l’allemande, sur le point de l’être. Quant à l’Espagnol et l’Italien, l’un gouverne par défaut, sans majorité, et l’autre, successeur fidèle d’un Matteo Renzi sévèrement battu lors du referendum sur son projet de réforme constitutionnelle, prolonge la politique désavouée par les urnes. La conclusion de ce mini-sommet : une plaidoirie pour une Europe à plusieurs vitesses, est le constat de l’échec de cette Europe des marchands et de la finance. En ce 60ème anniversaire du traité de Rome, cette Europe qui se voulait être un gage de paix, se voit, sous l’impulsion d’un président politiquement affaibli, le plus impopulaire de la Vème République, tentée de devenir une Europe guerrière. Triste destin pour une « Union » qui promettait aux peuples paix et prospérité, que de devoir, selon le chef de l’Etat français, compter sur sa défense, donc sur des perspectives de guerre, pour « relancer » le projet commun.
À Rome, le quatrième sommet du plan B, tente de trouver une solution pour reconstruire l’Union Européenne. Si des divergences existent entre les participants sur les solutions à proposer, ils sont unanimes pour constater l’échec dans lequel, libéraux et sociaux-démocrates, ont plongé l’Europe ; et l’urgence qu’il y a, à mobiliser les peuples pour sortir de cette crise. « Le Brexit n’est pas, comme certains le croient, une cause profonde de l’éclatement de l’Union européenne. Il est au contraire un effet, une retombée de politiques très lourdes et d’une crise économique exacerbée par la structure de l’UE, où dominent logique mercantile et dévaluation de l’emploi. » (Nicola Fratoianni, Gauche italienne).
En ouverture de ce sommet de Rome, Stefano Fassina, économiste au FMI jusqu’en 2005 et fondateur du parti Gauche italienne, déclare : « Cette Union me fait penser au naufrage du Titanic. L’iceberg est de plus en plus proche de nous. (…) Ce n’est pas un problème de conjoncture mais la conséquence de tous les principes qui soutiennent les traités et de l’agenda toujours à l’œuvre, malgré les échecs répétés des politiques d’austérité. »
Face au naufrage de l’Europe du libre-échange et de la mondialisation, deux tendances s’expriment au sein des gauches alternatives européennes. L’une, inspirée par Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise, propose de réorienter la construction européenne dans le cadre de l’euro. C’est la plan A : « abandon du pacte de stabilité, modification des statuts de la BCE, harmonisation de l’assiette consolidé de l’impôt sur les sociétés et des taux, capacité budgétaire accrue financée par l’emprunt et l’impôt européen sur les sociétés, création d’un Trésor européen contrôlé par un Parlement aux pouvoirs renforcés, accords d’échanges automatiques d’informations pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, introduction du principe de séparation des activités de détails et d’affaires dans l’union bancaire, abandon de la directive Travailleurs détachés, révision des textes interdisant les aides d’État, abandon des traités de libre échange CETA et TAFTA, activation du principe de préférence communautaire. »
Ces propositions contredisent la propagande entretenue par bon nombre de journalistes, qui assimilent les propositions de Jean-Luc Mélenchon sur l’Europe, avec celle de Marine Le Pen qui veut quitter l’Europe. Bien entendu, si l’intransigeance de l’Allemagne faisait que l’Europe ne puisse être réorientée, et donc pour la France, de continuer à se voir imposer des règles qui ne servent que les intérêts allemands, alors oui, un plan B permettrait une sortie ordonnée de l’euro. L’autre tendance des gauches alternatives européennes, en particulier les grecs, échaudés par l’humiliation et le dictat que Berlin leur a imposé, préconise la rupture avec les traités européens sans passer par un plan A. La résolution finale du sommet de Rome, résume ces plans comme suit : « Le plan A combine diverses propositions de profonde réorientation du projet européen. Le plan B est un désengagement progressif de l’Union européenne dans le cas où Bruxelles continue dans un chemin antidémocratique et néolibéral de s’opposer, et propose un nouveau type de coopération entre États, y compris sur la coopération monétaire ».
Les réflexions se poursuivent au sein des gauches alternatives européennes. Comme le dit Jeanne Chevalier, secrétaire nationale à l’économie et au plan B du Parti de gauche : « Différents scénarios sont encore à l’étude. L’un des scénarios possibles, c’est la réintroduction de monnaies nationales sous le parapluie d’une monnaie commune qui servirait dans les échanges internationaux : c’est la solution proposée par Frédéric Lordon notamment. Il y en a d’autres, comme celle qui rejoint le système de l’étalon-or de Bretton Woods, avec l’idée d’une unité de compte internationale sur laquelle pourraient s’appuyer les monnaies européennes. »
L’Europe des patrons, de la finance et de la guerre se meurt. Une autre Europe est possible : celle des peuples. Elle peut émerger de réformes profondes des institutions existantes, ou naître d’une nouvelle fondation démocratique décidée par les pays d’Europe du sud. L’Europe à plusieurs vitesses, proposée par le quatuor de Versailles, est non seulement le constat d’un échec, mais annonce à terme, la désintégration programmée de l’Europe.
Lire l’article d’Amélie Poinssot : A Rome, les gauches européennes cogitent sur l’« édifice branlant » de l’UE. MEDIAPART du 12 mars 2017.
À lire aussi : Un insoumis devrait dire çà… de Liêm Hoang Ngoc, chargé des questions économiques au sein de la France insoumise.