À voir les députés socialistes applaudir le Premier ministre Lecornu annonçant l’hypothétique suspension de la réforme des retraites, après que les macronistes aient dégainé le 49-3 pour l’imposer, on en oublierait presque l’unité syndicale, les grèves et la mobilisation sans précédent qui s’y sont opposées. En proclamant sa victoire au journal télévisé de 20h00 de TF1, au soir de la déclaration de politique générale du Premier ministre, ce qu’omet d’annoncer Olivier Faure, ce sont les 30 milliards d’euros que devront payés les classes moyennes et populaires programmés par le budget « Bayrou bis », présenté par le gouvernement Lecornu II. Les tractations politiciennes cachées qui ont suivi la pitoyable séquence Bayrou, et qui aujourd’hui aboutit à la parodie d’un accord de non-censure entre un Parti socialiste cohabitationniste et une Macronie à la dérive, sont illustrées le lendemain de cette « victoire socialiste » à l’Assemblée nationale, le 15 octobre 2025 au cours des questions au gouvernement, par l’art à la diversion exercé par le groupe socialiste esquivant le débat sur le budget d'austérité présenté par la droite, en faisant l’éloge du voyage de Macron en Égypte pour soutenir le plan Trump pour Gaza, diversion relayée par le Premier ministre congédié, Michel Barnier devenu député, rendant un hommage appuyé aux victimes du Hamas sans nommer le génocide qui a fait plus de 67 000 morts palestiniens. Manifestement, le pacte est assumé.
Cet accord tacite et cynique passé entre la Macronie et le Parti socialiste – entre le pouvoir de l’argent et des élus fossoyeurs d’un programme auquel ils doivent leur mandat – présenté comme une victoire honteuse déjà écartée du discours par le groupe socialiste lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, est explicité par Lecornu devant cette assemblée, en annonçant que cette hypothétique suspension de la réforme des retraites serait inscrite au budget de la Sécurité sociale, et en dévoilant l’intention des droites d’orienter le système vers une retraite par capitalisation. La taxe Zucman jetée à la poubelle, cette arnaque s’offre le luxe de diviser par deux la contribution des plus riches, et de faire payer l’addition aux plus modestes. Ainsi, Lecornu donne hypocritement d’une main ce qu’il reprend de l’autre en remettant sur la table « l’année blanche de Bayrou » : blocage des pensions de retraites ; gel du barème des impôts ; gel des prestations sociales dont les APL, suppression des APL pour les étudiants étrangers, baisse de la rémunération des apprentis, doublement des franchises médicales.
Que vaut l’abandon du 49-3, alors que pour passer en force, le gouvernement dispose de l’article 40 de la Constitution pour empêcher la création de nouvelles dépenses, ou l’article 47 qui lui permet de faire adopter le budget par ordonnance ? Que vaut la prétendue victoire clamée par le Parti socialiste, quand la suspension de la réforme des retraite devra passer par le vote du budget de la Sécurité sociale ? Soit les socialistes ont passé un pacte honteux avec la Macronie, qui les conduira à voter le budget Bayrou II, soit ils participent à la pire arnaque que la Macronie n’ait jamais tendue aux Français. Élus d’un programme commun aux composantes du NFP ; fossoyeurs de l’unité de la gauche sous l’étendard Bayrou ; initiateurs d’un Front anti-LFI ; aujourd’hui acolytes d’une Macronie résidu d’un socle commun éclaté ; où ces sociaux-démocrates veulent-ils mener la France ? Dans un contexte de tensions sociales où les classes moyennes et populaires affrontent un patronat et des droites de combat, le Parti socialiste tente – comme il l’a fait dans d’autres épisodes de notre histoire – d’affaiblir ceux qui luttent, afin de servir les intérêts des puissances de l’argent. Puissances financières qui – comme dans d’autres renoncements historiques – s’apprêtent à porter au pouvoir l’extrême-droite. Pathétique spectacle, que celui offert par BFM TV, où une députée LFI est soumise aux feux croisés de trois pseudo-journalistes suffisants, interrompant sans cesse sa parole, et bienveillants à l’égard du député PS hilare. Une séquence qui illustre l’alliance entre les gestionnaires d’un pouvoir macroniste moribond et les faiseurs de récits socialistes – une alliance inavouée qui ouvre grand les portes du pouvoir au Rassemblement national.