Les États-Unis de Biden et l’Union européenne tentent d’ouvrir, en octobre 2024, un autre foyer de tensions avec la Russie, en déstabilisant la Géorgie. Les élections législatives du 26 octobre sont gagnées par le parti au pouvoir « Rêve géorgien », avec 53,93 % des voix contre 37,79 % pour l’alliance des partis d’opposition. Ces résultats sont contestés par la présidente géorgienne favorable à un rapprochement avec l’Union européenne, Salomé Zourabichvili – dont les fonctions sont essentiellement honorifiques – qui, avec la caution de Bruxelles, engage un bras de fer avec le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, et le Parlement issu des élections législatives du 26 octobre, en annonçant qu’elle ne quittera pas la présidence à l’issue de son mandat. Alors que le 16 novembre, la commission électorale réfute l’accusation de fraude émise par l’opposition – accusation soutenue par Bruxelles et Washington – et confirme les résultats du 26 octobre, des manifestations pro-européennes menées par Salomé Zourabichvili se déroulent à Tbilissi autour du parlement géorgien. Le 14 décembre 2024, Mikhaïl Kavelachvili est élu président de Géorgie par un vote du parlement, boycotté par l'opposition. L'Union européenne conteste « la légitimité du scrutin », et dénonce « les violations des principes démocratiques », sous prétexte du rapprochement du nouveau président avec la Russie. L'ambassade des États-Unis en Géorgie déclare, « que les lois inspirées par le Kremlin » – votées démocratiquement par le parlement géorgien – « sont incompatibles avec le désir clair du peuple géorgien » – qui a élu démocratiquement ce parlement – « d'intégrer l'Europe et son développement démocratique ».
Accusations de fraude portées par les Occidentaux, aussi en Roumanie, où le premier tour de l’élection présidentielle a porté en tête du scrutin le candidat pro-russe Călin Georgescu. Le 1er décembre 2024, avec 31 % des voix contre 22,4 % aux sociaux-démocrates, les résultats de l’élection du Parlement roumain confirment la percée des forces qui s’opposent au soutien à Kiev dans la guerre russo-ukrainienne. Washington et Bruxelles vont-ils aussi tenter de déstabiliser la Roumanie ? Ou l’Allemagne, où les sociaux-démocrates ont été largement battus le 23 février 2025 avec 120 sièges obtenus au Bundestag, contre 152 sièges à l’extrême droite et 208 sièges à la droite conservatrice ? C’est ce que l’ancien commissaire va-t-en-guerre européen, Thierry Breton, et la bureaucrate présidente non élue de l’UE, Ursula von der Leyen, préconisent à la veille de cette élection, après s’être félicités d’avoir imposé à Bucarest l’annulation de l'élection présidentielle, « au nom de la démocratie ». Le « grand démocrate européen » déclare le 10 janvier 2025 sur RMC / BFM TV : « Faisons appliquer nos lois en Europe lorsque celles-ci risquent d’être circonvenues et qu’elles peuvent, si on ne les applique pas, conduire à des interférences. On l’a fait en Roumanie, il faudra évidemment le faire si c’est nécessaire en Allemagne ». Ainsi, « le putschiste » et « la petite cheffe » prônent une ruse scélérate pour imposer le pouvoir des technocrates de Bruxelles : « le coup d’État démocratique ». Cette autocratie électorale qu’est l’Europe de la finance, défenseuse à géométrie variable des principes démocratiques, nous éclaire sur ses visées expansionnistes, et sa volonté d’imposer ses laquais dans les pays qu’elle prétend vouloir intégrer, ou dans ceux qui tentent de contester son autorité. Poutine et Trump, auraient-ils fait des émules au fief des eurofédéralistes ?
Aujourd’hui, la fébrilité manifestée par le président Macron, autopromu chef de guerre d’une Europe expansionniste, réunissant à tout-va : chefs d’État, ministres, chefs militaires, partis politiques, pour susciter un climat de peur dans l’opinion et créer une Union sacrée contre la Russie, s’inscrit dans ce processus de déclin démocratique qui précède les conflits armés. Cette hystérie belliqueuse vise à justifier le passage d’une économie en crise à une économie de guerre, dans le contexte d’une guerre programmée. La crise économique, l’inflation, l’appauvrissement des classes moyennes et populaires, les réformes antisociales, la restriction des libertés, la montée du racisme, la banalisation de l’extrême droite et de la violence, la spéculation financière, le krach boursier, la guerre, sont la conséquence des crises cycliques du capitalisme. Le fascisme est un mode de gouvernance qu’imposent les puissances de l’argent, quand la démocratie formelle – ou démocratie libérale – n’est plus en mesure de défendre leurs intérêts. Mussolini disait : « Le Fascisme devrait plutôt s’appeler Corporatisme, puisqu’il s’agit en fait de l’intégration des pouvoirs de l’État et des pouvoirs du marché ».
Au-delà de la montée de l’extrême droite – conséquence des crises économiques, sociales et politiques – le vote des peuples géorgiens et roumains exprime leur opposition au soutien apporté par l’Union européenne à la guerre en Ukraine, sans avoir consulté les peuples d’Europe. Le fait de dénoncer les méthodes antidémocratiques utilisées par les technocrates de Bruxelles, ne signifie pas soutenir le candidat ou le parti arrivé en tête d’un scrutin défavorable à notre idéal démocratique, mais de condamner la parodie de démocratie qu’est l’UE. Qui porte la responsabilité de la montée de l’extrême droite, sinon ces politiciens qui trahissent leurs promesses électorales et gouvernent en servant les intérêts des puissances financières ? Sinon, ces monarques présidents qui méprisent le peuple, et qui au nom d’un blanc-seing délivré par des bulletins de vote, exercent le pouvoir pour imposer leur vision du monde ? Un monde où le peuple est intelligent lorsqu’il est docile et vote en faveur des défenseurs des intérêts de la classe dominante ; mais immature lorsqu’il conteste la légitimité du pouvoir politique à lui imposer ses dictats pour le mener à la guerre. Toutes ces tentatives de déstabilisation, en Géorgie, en Roumanie, au Groenland, au Panama, en Syrie, au Liban, relèvent d’un processus guerrier menant à des annexions économiques, ou territoriales, et au recours à l’économie de guerre pour répondre aux exigences et aux intérêts des puissances industrielles et financières. Dans ce contexte de crise du capitalisme, les intérêts d’une Amérique en perte d’influence, s’opposent aux intérêts d’une Europe expansionniste, et à ceux des puissances émergentes.
Jean Jaurès affirmait que « les guerres sont provoquées par le choc des intérêts capitalistes, et qu’il est du devoir de la classe ouvrière de s’y opposer ». Que ceux qui aujourd’hui se réclament hypocritement de Jean Jaurès, et qui s’apprêtent à entrer dans une nouvelle Union sacrée guerrière – à l’instar de leurs prédécesseurs par le passé – tirent les enseignements de l’histoire et méditent les pensées du tribun socialiste. Jaurès considérait qu’il est du devoir de la classe ouvrière de s’opposer à la guerre, comme il est du devoir de ceux qui prétendent défendre les intérêts du peuple, de s’y opposer aussi. La guerre ne sert que les intérêts du pouvoir de l’argent, et non les intérêts des peuples. Comme l’écrivait Anatole France : « On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels ». Jaurès a été assassiné dans son combat pour la paix. Lutter pour la paix est plus courageux que de brailler des slogans guerriers, en envoyant mourir nos enfants sur les champs de bataille, au profit d’oligarchies financières, qui une fois la guerre terminée s’unissent pour exploiter ceux qui ont survécu.