Ce leader socialiste assassiné en juillet 1914, qui déclarait que « les guerres sont provoquées par le choc des intérêts capitalistes, et qu’il est du devoir de la classe ouvrière de s’y opposer », devrait inspirer ceux qui aujourd’hui militent dans ce parti dont il a été l’un des principaux fondateurs. Le mensonge, la calomnie et les diffamations à l’encontre du parti le plus radicalement opposé à la politique antisociale de la Macronie ont jalonné cette campagne électorale, sans que cela émeuve les autres alliés du Nouveau Front populaire. Aujourd’hui, l’ego des uns, les postures partisanes des autres, les intérêts de parti et la soumission aux puissances de l’argent ont anéanti l’espoir né au soir du deuxième tour des législatives.
La trahison est une caractéristique constante dans l’histoire de la social-démocratie :
- En 1932, face à la montée du fascisme en Allemagne, les communistes allemands proposent aux socialistes de s'accorder sur une candidature commune aux élections présidentielles. Les socialistes refusent cette union et décident de voter pour Hindenburg, qui réélu avec 53 % des voix, appelle Hitler au pouvoir en janvier 1933.
- En 1936, le France de Léon Blum signe avec l’Angleterre un accord de non-intervention en Espagne, permettant à Hitler et à Mussolini d’aider Franco à renverser la jeune République espagnole, et de faire de cette guerre civile un laboratoire de guerre, comme le sont aujourd’hui l’Ukraine et Gaza.
- En 1956, lors de la campagne des élections législatives, Guy Mollet anime un Front républicain qui prône une paix négociée en Algérie. Le leader socialiste considère alors que la guerre d’Algérie est « imbécile et sans issue » et que « l'indépendance est dictée par le bon sens. » En janvier 1956, après la victoire du Front républicain aux législatives, Guy Mollet, nommé président du Conseil, forme son gouvernement et s'engage dans une politique répressive en Algérie. Refusant toute solution négociée, le 12 mars 1956, il obtient, avec l’appui de la droite, le vote des pouvoirs spéciaux et la création d'une procédure de justice militaire de « traduction directe » sans instruction, ainsi que l'attribution des pouvoirs de police à l’armée.
- Le 26 janvier 2012 au Bourget, François Hollande harangue la foule : « Mon ennemi, c’est le monde de la finance. » Élu président, sur les conseils de son secrétaire général adjoint – un nommé Emmanuel Macron venu de la banque Rothschild –, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, qui devait réformer en profondeur la finance, reste une promesse de campagne. Hollande renie d’autres engagements, comme la suppression des stock-options, l’encadrement des bonus, ou encore la limitation des salaires des patrons. Allègement des charges sur les entreprises, loi travail dite loi El Khomri imposée par le 49.3, démantèlement des services publics, privatisation des aéroports, mesures d’austérité dictées par Bruxelles, de 2015 à 2017 le président socialiste s’emploie à trahir toutes ses promesses de campagne ; à servir les intérêts de la finance ; et conduit au pouvoir la divinité de la mondialisation capitaliste, Emmanuel Macron.
- Lors des élections législatives de 2022, avec ses 152 députés, la Nupes devient la première force d’opposition à l’Assemblée nationale. Le programme économique de la Nupes est soutenu par plus de 170 économistes engagés à gauche, dont Thomas Piketty, Bernard Friot, Julia Cagé, Gabriel Zucman, Jacques Généreux, Emmanuel Saez et Lucas Chancel. Un programme qui, selon les signataires d’une tribune dans les pages du journal Le Monde, marque une « rupture avec le néolibéralisme » et rompt avec les « politiques qui accroissent les inégalités, fragilisent les services publics et abîment les écosystèmes ». Dès le printemps 2023, écologistes, communistes et socialistes désertent la Nupes. En avril 2023 à Marseille, le congrès du Parti communiste confirme l’orientation sociale-démocrate de Fabien Roussel appelant à « une nouvelle union allant bien au-delà de l’alliance de gauche. » En juin 2023, réunis à Montpellier, des cadres du Parti socialiste préparent le divorce des socialistes avec la Nupes, et l’abandon de son programme de rupture avec la politique néolibérale menée depuis sept ans, par les libéraux et les sociaux-démocrates réunis au sein de la Macronie. L’échéance des élections européennes le 9 juin 2024, acte la fin de l’alliance de gauche créée après la réélection par défaut de Macron.
- Constitué le 10 juin 2024 sous la pression populaire – au lendemain des élections européennes et de la dissolution de l’Assemblée nationale par un président de la République à la dérive – le Nouveau Front populaire, avec son programme de rupture avec les politiques néolibérales des Sarkozy, Hollande et Macron, fait naître l’espoir pour des millions de Français de voir leurs conditions de vie s’améliorer. Si cet espoir est conforté par les résultats du deuxième tour des législatives, qui donne au Nouveau Front populaire une majorité relative à l’Assemblée nationale, la validation par le PS de la candidature autoproclamée de François Hollande sous l’étiquette du NFP – alors qu’en 2022, il considérait que l’accord sur la plateforme de la Nupes était « inacceptable » – préfigure la stratégie du Parti socialiste, d’abandon du programme de rupture élaboré avec les autres partis de gauche et les écologistes.
- Le 12 juillet 2024, lors des négociations internes du Nouveau Front populaire pour soumettre le nom d’un Premier ministre au président de la République, Fabien Roussel annonce que le Parti communiste souhaite proposer Huguette Bello, présidente du Conseil régional de la Réunion. Alors que La France insoumise soutient la proposition de Fabien Roussel, le 13 juillet 2024, le Parti socialiste refuse de valider la candidature d’Huguette Bello à Matignon, et propose celle d’Olivier Faure. Du côté des écologistes, Marine Tondelier déclare que leur parti reste indécis sur la candidature d'Huguette Bello. L’absence de consensus sur la candidature d’Olivier Faure, conduit le Parti socialiste à proposer Laurence Tubiana au poste de Premier ministre. Une candidature compatible avec les macronistes, que Macron avait sollicitée par le passé. Au lendemain du résultat du deuxième tour des législatives, dans une tribune du journal Le Monde, Laurence Tubiana exhorte le Nouveau Front populaire à « sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine et d’un gouvernement ». Ainsi, les initiateurs de cette candidature passent à la trappe le programme du Nouveau Front populaire ; s’asseyent sur les engagements pris envers les électeurs ; se plient aux exigences des partis de droite, porte-parole des milieux d’affaires et de la finance.
Au lendemain de la réélection « magouillée » par les macronistes et les LR à la présidence de l’Assemblée nationale de Yaël Braun-Pivet, la candidate d’une Macronie largement battue à l’élection européenne et aux élections législatives de 2024, le Parti socialiste – qui a contribué au retrait de la candidature de Huguette Bello – veut aujourd’hui imposer un vote pour légitimer sa candidate, Laurence Tubiana. L’alibi du « front républicain » a permis l’élection par défaut de Macron au deuxième tour des présidentielles en 2017 et en 2022, et à la Macronie de survivre aux législatives de 2024. Le monarque président poursuit l’imposture en méprisant les Français – dont leurs votes ont largement rejeté le pouvoir macroniste et sa politique antisociale – et en complotant pour imposer la poursuite d’une gouvernance au profit des intérêts financiers du grand patronat et des multinationales, dont les superprofits confirment l’accaparement des richesses par leurs dirigeants et les actionnaires, au détriment du pouvoir d’achat des Français et de l’emploi. C’est cette manœuvre politicienne que le Parti socialiste s’apprête à cautionner en abandonnant le programme du Nouveau Front populaire sur lequel ses députés ont été élus, et en voulant imposer la candidature au poste de Premier ministre d’une personnalité compatible avec la Macronie.
Les querelles d’ego de certains, les postures opportunistes des autres, et la dérive politique d’un parti historiquement voué à être la roue de secours des puissances de l’argent, font mourir l’espoir. Une trahison qui conduit au discrédit de ceux, qui au soir du 9 juin 2024 feignaient d’entendre la jeunesse leur dire « ne nous trahissez pas ! », et qui ouvrent inéluctablement les portes du pouvoir à l’extrême droite. Jean Jaurès disait : « Je ne me plierai pas. Je ne m’en irai pas en silence. Je ne me soumettrai pas. Je ne me retournerai pas. Je ne me conformerai pas. Je ne me coucherai pas. Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. »