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Billet de blog 18 mars 2024

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L’ÉLECTION DE POUTINE ET LES FANTASMES DE L’OCCIDENT

« Le plus grand mythe sur la Russie est que Poutine est un dictateur hors normes, que la Russie est un enfer absolu et que sa seule opposition est Navalny. » Katya Kazbek

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La Russie n’est pas un modèle de démocratie, c’est vrai. Le nôtre est loin d’être un idéal démocratique. Quant à ceux des amis de la France macroniste qui les arme, encore moins : la dictature Égyptienne qui persécute son peuple ; la monarchie absolue fondamentaliste d’Arabie saoudite qui assassine ses journalistes, et tue les enfants au Yémen ; la monarchie autoritaire du Qatar qui bafoue les droits humains et emprisonne ses opposants ; le régime d’extrême droite d’Israël qui massacre les populations civiles palestiniennes ; etc… etc… la liste est longue. A-t-on vu les macronistes s’élever contre ces régimes non démocratiques ? A-t-on vu nos « grands médias » dénoncer les répressions, les crimes et les massacres commis par ces « grands amis » de la France ? Bien sûr que non !

Ces bonnes consciences macronistes et acolytes libérales, et journalistiques, qui critiquent librement l’élection de Poutine en direct de la Russie – alors que les médias russes sont interdits en France et en Europe – foisonnent sur les plateaux de télévision et les studios de radio, pour cracher leur venin anti-Poutine, osant même parfois la désinformation. Si Poutine est un autocrate et le pouvoir politique russe entre les mains des oligarques, comme en Ukraine – et chez nous entre les mains des serviteurs des multinationales et de la finance –, l’image propagandiste que donnent les médias occidentaux est loin de la réalité qu’expose en janvier 2021, l’écrivaine russe Katya Kazbek* qui vit à New York.

Le mythe Navalny que les Occidentaux vénèrent, comme ils vénéraient Eltsine, Katya Kazbek le décrit, comme un « populiste qui aime suivre les tendances » (…) « Par exemple, lors de la primaire démocrate américaine, il a soutenu Bernie Sanders parce que les marqueurs culturels américains l’attirent. » (…) « Il s’identifiait ouvertement comme nationaliste et participait à des rassemblements nationalistes. » (…) « Il a ensuite créé son mouvement “The People” contre l’immigration clandestine et a enregistré des vidéos ouvertement xénophobes où il comparait les gens du Caucase Sud à des caries dentaires et les migrants à des cafards : l’une de ces vidéos est toujours sur sa chaîne YouTube vérifiée. » (…) « Il n’est pas assez nazi pour l’extrême droite, trop à droite pour les gauchistes, effraie certains libéraux avec sa position pro-armes et sa position incertaine sur la Crimée. »

Le soutien des Russes à Poutine, Katya Kazbek l’explique par « le coup d’État de Boris Eltsine, soutenu par Bill Clinton et les Médias américains », qui a certainement marqué la conscience des Russes. Remplacer Poutine – qui a libéré la Russie de l’emprise de l’OTAN – par Navalny, « c’est voir un nouveau dirigeant pro-occidental – comme avec Eltsine – arriver au pouvoir avec un autre groupe d’oligarques et de capitalistes. » (…) « Poutine a quelque chose que Navalny n’a pas : un bilan factuel en tant que dirigeant du pays. Et même si ce bilan est en effet profondément entaché de corruption, d’intrusions et de choses que beaucoup trouvent désagréables, la vie sous Poutine s’est améliorée par rapport aux années 90 appauvries. »

L’écrivaine russe Katya Kazbek vivant aujourd’hui à New York dit : « Je veux que tout le monde se rende compte que l’écrasante majorité des journalistes occidentaux sont occupés à communiquer leur propre récit, qui n’a rien à voir avec la situation réelle sur le terrain ; cependant, il reflète trop souvent les opinions des départements d’État des pays de l’OTAN. Les voix mécontentes de la diaspora et les libéraux anglophones bruyants à Moscou sont également incroyablement partiaux. La majorité de la présence en ligne russe se fait en russe et en grande majorité sur VK. com et Telegram. Il est donc trompeur et dangereux de juger le pays par ce que l’on entend le plus souvent à son sujet. Honnêtement, je pense que la même chose s’applique à la plupart des pays qui ne sont pas considérés comme des alliés par les États-Unis et l’UE, mais à la Russie plus que d’autres en raison de cette nouvelle guerre froide que nous avons à portée de main. Le plus grand mythe sur la Russie est que Poutine est un dictateur hors normes, que la Russie est un enfer absolu et que sa seule opposition est Navalny. »

*(Cofondatrice du magazine en ligne Supamodu, Katya Kazbek est une écrivaine, journaliste et attachée de presse basée à New York. Elle enseigne à l’Université Columbia.)

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