La méthode et les modalités de ces perquisitions, sans précédent dans les affaires de même nature instruites par la justice : Fillon, Le Pen, Modem, PS, EELV, LR, ou LREM jamais perquisitionnée, alors que le candidat Macron a bénéficié de ristournes conséquentes ayant échappé à la Commission nationale des comptes de campagne, interpellent notre bon sens. Avec une quinzaine d’interventions simultanées et un déploiement policier spectaculaire, jamais dans ce type d’affaire, des perquisitions n’avaient été effectuées à une telle échelle. Perquisitions qui font dire au journaliste Franz-Olivier Giesterg sur LCI : « Quand vous avez 100 policiers pour faire une perquisition, on est dans un monde de fou ! », « il y a eu acharnement », « 100 policiers, c’est beaucoup plus que pour Redoine Faïd » (l’ennemi public numéro). L’empressement du Premier ministre, et de la ministre de la Justice, à monter au créneau pour proclamer que « la justice est indépendante » nous amène à poser la question : à qui profite le crime ? L'article 5 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant sur la loi organique relative au statut de la magistrature stipule : « Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l'autorité du garde des sceaux, ministre de la justice. À l'audience, leur parole est libre ». La Cour européenne des droits de l’homme refuse, elle, d’assimiler le ministère public français à une véritable autorité judiciaire au sens de l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, qui garantit le droit à la liberté et à la sûreté. La Cour de cassation a été ainsi conduite à reconnaître que le ministère public n’était pas une autorité judiciaire au sens de l'article 5, § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, car il ne présente pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par ce texte, et qu'il est partie poursuivante.
Le procureur, nommé par décret en Conseil des ministres, exerçant sous l’autorité de la garde des sceaux, est donc dépendant de la tutelle du pouvoir politique. Pour preuve, il y a trois semaines, le président de la République et le Premier ministre s’impliquaient dans la nomination du successeur de François Molins au poste de procureur de Paris. Alors que la garde des sceaux comptait proposer au Conseil supérieur de la magistrature, les noms de Nicole Belloubet, Maryvonne Caillibotte, et Marie-Suzanne Le Quéau, l’Elysée faisait part de sa réserve, amenant la chancellerie à lancer un nouvel appel à candidature. Aussi, proclamer aujourd’hui, comme l’ont fait le Premier ministre et la ministre de la Justice, que la justice est indépendante, relève de l’imposture. Un juge est indépendant, un procureur non. Dès lors, penser que ces perquisitions, du fait de leur nature et de leur ampleur, sont une provocation délibérée du pouvoir macroniste envers la principale force d’opposition, est une hypothèse crédible. Les méthodes employées lors des auditions aussi interpellent. Le témoignage de Hélène Magdo, ex-collaboratrice toulousaine de Jean-Luc Mélenchon, publié le 20 octobre par la LADEPECHE.fr sur ses 4h30 d’audition par la police à Carcassonne, révèle des méthodes d’intimidation inadmissibles, pratiquées dans une enquête menée à charge : « On a fouillé ma vie. » « Ils étaient très bien renseignés sur mon activité. Ils ont retracé tout mon parcours professionnel depuis que j'ai eu mon bac dans les années 2000. Mes emplois, mon travail, les conditions dans lesquelles j'ai été recrutée. Ma vie professionnelle, ma vie militante, ma vie associative quand je m'étais occupée d'enfants, ils voulaient tout savoir. C'était un balayage complet de ma vie. Y compris personnelle sur l'emploi et les activités de mon conjoint ».
La colère de Jean-Luc Mélenchon n’empêchera pas la justice de faire son travail, dès lors que l’enquête sera menée par un juge impartial, et non à charge par un procureur aux ordres de l’exécutif. Le piège grossier dans lequel Jean-Luc Mélenchon a sombré est grotesque. Il caractérise l’hypocrisie et le cynisme auxquels le pouvoir nous a accoutumé depuis 18 mois. Si d’un point de vue humain sa colère est compréhensible, par son mandat et par l’espoir qu’il incarne, le courroux de Jean-Luc Mélenchon est une faute politique. De même, attaquer tout azimut la presse, que tout le monde sait détournée de sa mission pour servir le pouvoir (médias publics), ou par soumission aux grands patrons de l’industrie et de la finance à qui elle appartient, est une erreur stratégique. Dénoncer sans discernement l’agissement des journalistes, dont beaucoup sont, il est vrai, des portes-micros ou des propagandistes de l’idéologie dominante, est contre-productif. Ces erreurs, la France insoumise risque de les payer chèrement lors des prochaines échéances électorales, et la gauche aussi.