Imaginez Poutine prêtant serment sur la Bible orthodoxe pour que Dieu bénisse la Russie dans l’ambition d’annexer l’Ukraine, la Pologne, la Lituanie, l'Estonie, la Lettonie, la Biélorussie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, Kazakhstan, et au-delà de ces frontières communes le Groenland. Imaginez la clameur de protestations que cela soulèverait auprès des « grands médias » et de leurs serviteurs journalistes, et de nos « grands démocrates » gouvernants occidentaux. Or, ni les pitreries d’un Trump travesti en empereur des Amériques, ni le salut nazi d’un Musk instigateur d’un retour du fascisme en Europe n’émeuvent ni nos informateurs bien-pensants, ni nos chefs d’État soumis aux puissances financières qui ont porté Trump au pouvoir.
Les commentaires entendus sur les plateaux de télévision sur cette frénésie Trumpiste, allant de la fascination à la bienveillance, témoignent de l’allégeance au pouvoir de l’argent de cette presse des grands patrons de l’industrie et de la finance. Un pouvoir financier – incarné aux États-Unis par les Musk (X), Bezos (Amazon), Zuckerberg (Meta), Cook (Apple), Pichai (Google) – qui finance l’accession au pouvoir des extrêmes droites en Europe et aux États-Unis, comme le faisaient les trusts germano-américano-britanniques dans les années précédant la Deuxième Guerre mondiale, en finançant la venue au pouvoir du fascisme en Espagne avec Franco et en Allemagne avec Hitler. Comment ne pas s’inquiéter de l’une des premières mesures prises par Trump de gracier les émeutiers du Capitole, dont les leaders de l’ultra-droite américaine que les hâbleurs journalistes et commentateurs savants de cette presse dite libre tentent de relativiser.
La scénarisation burlesque de l’investiture du 47e président des États-Unis, et l’image projetée d’une Amérique conquérante revenue aux temps du western, où l’envahisseur blanc massacrait le peau rouge sauvage pour lui voler sa terre ; où les patrons des compagnies de chemin de fer et les puissants éleveurs chassaient les culs-terreux pour confisquer leurs terres et leurs pâturages ; pourrait faire rire si derrière ce fantasme ne se cachait l’idéologie fasciste d’un impérialisme cherchant à conquérir les ressources et les marchés. Une réalité que les informateurs des « grands médias » tentent de dissimuler par des élucubrations et des hypothèses fantaisistes.
Bérengère Viennot, traductrice et autrice de « La langue de Trump », écrit que Donald Trump « a toujours fait preuve d’un grand mépris envers ceux qu’il estime être des " losers", que ce soit les soldats morts au combat ou mutilés, les migrants clandestins qui représentent pour lui le summum de l’échec, mais aussi les femmes, qu’il regarde du haut de son machisme comme des instruments du plaisir des hommes ». (…) « Son vocabulaire est très limité, tant en nombre de mots qu’en qualité de nuance, sa syntaxe très embrouillée. Or, si vous vous penchez sur des chercheurs qui ont analysé la langue du nazisme, par exemple, comme Victor Klemperer dès 1933 en Allemagne, ou plus près de nous, Olivier Mannoni, auteur, entre autres, de Traduire Hitler, vous vous apercevez que les mécanismes des dirigeants et des régimes qui aspirent à la dictature sont toujours les mêmes, et qu’ils sont tout à fait saillants chez Donald Trump : un vocabulaire primaire, qui empêche de formuler une pensée complexe et donc de parvenir à des nuances dans le discours ; une syntaxe décousue, qui crée un chaos intellectuel et facilite l’imposition de l’arbitraire ».
Olivier Mannoni écrit que « la simplification extrême du discours constitue la voie la plus sûre vers la violence. Or, le fascisme, c’est ça : la non-pensée complexe, l’arbitraire des règles (on ne sait jamais si on n’en enfreint pas une) et, bien entendu, la loyauté totale à l’homme au pouvoir. Là-dessus, Donald Trump est clair : pour lui, la loyauté à sa personne est plus importante que la loyauté à la Constitution de son pays ».