L’erreur historique de Poutine d’envahir l’Ukraine donne lieu, un an après cette intervention militaire inacceptable, à des démonstrations médiatiques hystériques contre la Russie. Cette propagande savamment orchestrée par les penseurs de l’idéologie dominante d’un capitalisme en crise, est un rideau de fumée pour cacher la stratégie guerrière d’un Occident qui a prospéré par la colonisation, en dépouillant l’Afrique et l’Asie de leurs richesses, et en asservissant et en exploitant les populations autochtones. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les mouvements ouvriers luttent pour arracher aux possédants – parfois au prix du sang – une infime part de cette prospérité que les pouvoirs politiques au service de la finance tentent aujourd’hui de confisquer. Des acquis sociaux sacrifiés sur l’autel des profits capitalistes par les lois antisociales de Sarkozy, de Hollande et de Macron sur injonction de l’Union européenne. Cette Union européenne guerrière qui aujourd’hui appelle les peuples au sacrifice pour servir les intérêts des multinationales et de la finance.
Aujourd’hui, l’Allemagne est redevenue une puissance économique dominante, leadership d’une Europe inféodée aux intérêts financiers américains. L’instrument politico-militaire qu’est l’OTAN permet aux États-Unis d’imposer au vieux continent ses visées géostratégiques, et de lui dicter ses règles économiques et financières au profit des intérêts stratégiques américains. Une Amérique impérialiste en concurrence avec la montée en puissance des grands pays émergents que sont la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Le déclin de l’hégémonie américaine se vérifie par la perte d’influence de Washington en Amérique du Sud, en Afrique, et par l’échec des interventions militaires US ces dernières années. Les États-Unis demeurent la puissance dominante sur la péninsule coréenne, avec une présence militaire importante au Japon, mais pour combien de temps ? La Chine, avec un excédent commercial de 690 milliards de dollars, étend son influence en réalisant son projet industriel de « nouvelle route de la soie », la reliant par voie terrestre à l’Europe via l’Asie centrale, l’Asie mineure, le Caucase et les Balkans ; et par voie maritime, via la mer de Chine, l’océan Indien et le golfe Persique pour atteindre la Méditerranée. L’enjeu à court terme pour les États-Unis est de défendre en Asie une vaste zone économique disputée par la Chine.
En voulant uniformiser le monde et mondialiser l’économie pour pérenniser sa prospérité, l’Occident a aussi provoqué une crise de civilisation. Les pays libérés de la colonisation n’entendent plus se laisser imposer les modèles socioculturels de leurs anciens maîtres, supports idéologiques d’un néo-colonialisme qui a permis à l’Occident ces dernières décennies de spolier les pays d’Afrique et d’Asie en pillant leurs matières premières. La crise climatique – conséquence de la surexploitation et de la gestion anarchique des ressources de la planète au profit de sociétés consuméristes –, provoque l’exode des populations des pays pauvres vers les pays « dits riches ». Elle désorganise les modes de production du système capitaliste. À ces crises, après la pandémie de Covid-19, s’ajoutent les crises alimentaires, énergétiques et financières qui secouent le monde, créant une conjoncture de tensions géopolitiques. Cette crise périodique du capitalisme est le produit de l’organisation de l’économie mondiale, après la fin de la dernière guerre, par l’impérialisme économique américain, en contrôlant la finance et le commerce international ; et des guerres commerciales auxquelles se livrent les puissances financières et industrielles depuis la décolonisation et la dislocation du bloc soviétique. La guerre en Ukraine s’inscrit dans ce contexte de guerre économique menant les pays à s’engager dans une économie de guerre et basculant vers un conflit armé généralisé. Le conflit russo-ukrainien est né en avril 2008 au Sommet de Bucarest, après le déploiement de missiles « MD » américains aux frontières de la Russie (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Slovaquie), et que le projet d’adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN a été acté. Un acte initié par Washington qui fait que l’intervention russe – indiscutablement condamnable – est une guerre défensive.
Les prises de position occidentales à la Conférence de Munich en février 2023 – avec la déclaration guerrière d’Emmanuel Macron demandant aux Européens de s’engager dans une économie de guerre –, la visite scénarisée de Biden à Kiev – avec l’annonce de nouvelles livraisons d’armes à Zelensky –, et le discours agressif du président américain à Varsovie expriment la volonté des États-Unis d’ouvrir un front en Europe face à la Russie, et dans le Pacifique de créer les conditions d’une confrontation avec la Chine. Pour accomplir ce dessein, l’Amérique a besoin de pouvoir compter sur l’autorité d’un puissant allié à la tête d’une coalition européenne militarisée. Or, l’État qui répond à ces exigences est de toute évidence la puissance économique dirigée par le social-démocrate Olaf Scholz, pour qui « L’OTAN reste le garant de notre sécurité », et qui s’engage « à élargir l’Union européenne aux États des Balkans occidentaux, à l’Ukraine, à la Moldavie et, à long terme, à la Géorgie ». Washington a un autre allié sûr en Europe, l’ex-ministre fédérale allemande de la Défense Ursula von der Leyen, aujourd’hui présidente de la Commission européenne dont son hostilité envers la Russie est viscérale. Berlin offre une autre garantie à Washington, une russophobie de plus en plus affirmée qui trouve ses racines dans le traitement de faveur dont ont bénéficié bon nombre de nazis allemands aux États-Unis, utilisés pendant la guerre froide par la CIA. Si, comme il est couramment entendu, la Seconde Guerre mondiale a été une revanche allemande sur la défaite de Guillaume II en 1918 – ce qui de mon point de vue est une idée erronée, répandue pour esquiver le débat sur la vraie cause des guerres, la crise du capitalisme –, on peut aussi considérer qu’en Allemagne subsiste un esprit revanchard à l’égard de l’armée – soviétique – qui est entrée victorieuse à Berlin, héritage d’un antisoviétisme animé par l’Amérique durant les années de guerre froide. Un revanchisme qui en aucun cas pourrait être la cause d’une confrontation armée avec la Russie, pas plus que l’origine de la guerre en Ukraine ne peut être expliqué par les prétendues visées impérialistes d’un Poutine. Mais la haine que suscite – comme dans tous les conflits armés – la propagande de guerre donne naissance à des réflexes irrationnels, qui dans le contexte de la guerre en Ukraine, utilisés pour justifier une posture belliqueuse, traduisent un esprit de revanche. C’est ce qu’exprime le chancelier allemand le 29 août 2022 à Prague en déclarant : « Où sera la ligne de démarcation à l’avenir entre cette Europe libre et une autocratie néo-impériale ? » […] « Je m’engage à élargir l’Union européenne aux États des Balkans occidentaux, à l’Ukraine, à la Moldavie et, à long terme, à la Géorgie ».