La prestation télévisée de Macron dans son palais élyséen le 22 mars 2022 à 13h00, en présence de deux porte-micro le remerciant de les recevoir – alors qu’on leur a demandé de s’y rendre pour servir le schéma du discours décalé et provocateur d’un monarque menteur exprimant son mépris envers le peuple –, tourne en dérision un pouvoir monarchique coupé des réalités sociales du pays. Qu’un monarque président mente cyniquement en affirmant que l’inter-syndicale n’avait fait aucune proposition sur la réforme des retraites, et que les deux titulaires d’une carte de presse – censés être là pour l’interviewer –, se contentent d’esquisser benoitement un léger sourire au coin des lèvres en lui adressant des hochements de tête complices, en dit long sur la crédibilité de ces pseudo-journalistes. Que ce monarque – sans doute convaincu d’être né de la cuisse de Jupiter –, se croyant investi du pouvoir divin d’avoir à penser et à décider pour le peuple, insulte les millions de grévistes et de manifestants qui expriment leur colère, en les comparant aux factieux trumpistes prenant d’assaut le Capitole à Washington (lui qui a tant léché les bottes à Trump), ou aux fascistes brésiliens (alors qu’il n’a pas levé le petit doigt pour condamner l’emprisonnement scandaleux de Lula par Bolsonaro) – sans que ces figurants journalistes ne sourcillent –, interroge sur la pratique de ce métier, en particulier sur les chaînes publiques, par des carriéristes payés par nos impôts.
Si le passage en force par le 49.3 a été un détonateur dans l’explosion des colères sociales, la prestation burlesque du monarque adressée essentiellement à un électorat macroniste minoritaire de retraités privilégiés, de rentiers et actionnaires parasites, de patrons et financiers repus, a amplifié la colère populaire, mobilisé massivement la jeunesse, et fait descendre dans la rue 3 500 000 manifestants, dont 150 000 à Toulouse parmi lesquels j’étais. J'ai participé aux cortèges de l’inter-syndicale contre cette réforme, dont celui du 7 mars qui avait rassemblé 120 000 personnes et au cours desquels – les forces de l’ordre étant cantonnées dans des rues perpendiculaires hors de vue des manifestants –, aucun incident notable ne s’était produit. Or, par le dispositif mis en place par le préfet ce 23 mars, avec le stationnement de forces de police et d’un canon à eau sur la place Jeanne d’Arc à gauche de l’avenue, le stationnement de forces de police à la droite de l’avenue et d’autres face au cortège – alors que, comme lors des précédentes manifestations, la destination du cortège était la place Jean Jaurès à 400 mètres de là où les dispersions se font sans incident – démontre de toute évidence que l’objectif des forces de l’ordre était de mettre fin à la manifestation avant sa destination en créant les conditions d’une confrontation violente. Il convient aussi de signaler que les « blak-blocs » (dénomination fourre-tout utilisée par les commentateurs des plateaux de télévision) n’étaient – comme lors des précédentes manifestations – que quelques dizaines d’individus à l’avant du cortège, alors qu’il y avait plusieurs milliers de jeunes dans ce défilé. Lors des précédentes manifestations, avec ces mêmes « blak-blocs » en tête de cortège scandant les mêmes slogans anticapitalistes, par l’efficacité du service d’ordre des syndicats et la décision de la Préfecture de maintenir la police loin des manifestants, aucun affrontement avec les forces de l’ordre ne s’était produit. Manifestement, ce comportement des forces de l’ordre répond aujourd’hui à une stratégie destinée, après que le président pyromane a allumé l’incendie, à pourrir et à discréditer le mouvement social. Cette stratégie répressive n’est pas nouvelle, puisqu’elle a été élaborée et appliquée durant la crise des Gilets jaunes.
Cette stratégie répressive du pouvoir, justifiée sur les plateaux de télévision par des journalistes et commentateurs de salon, se vérifie ce jour 25 mars à Sainte-Soline où se déroule une manifestation contre les méga-bassines. Des plateaux de télévision sur lesquels la parole est abondamment donnée au syndicat de l’agro-industriel, la FNSEA, pour légitimiser le prélèvement de l’eau sur les nappes phréatiques au profit de riches agriculteurs, et à des porte-paroles policiers pour justifier la violence répressive utilisée contre les manifestants. Là aussi, le pouvoir macroniste défend les intérêts privés d’une minorité d’agriculteurs confisquant le bien commun qu’est l’eau, alors qu’une sécheresse historique sévit dans le pays. Ces « bassines » – cratères à ciel ouvert recouverts d'une bâche en plastique pouvant contenir 650 000 m3 d’eau, soit 260 piscines olympiques, – sont remplies par pompage de l'eau des nappes phréatiques superficielles l'hiver, et stockée pour irriguer l'été. Lors de la manifestation précédente en octobre 2022, le ministre Darmanin insultait les manifestants en les traitant d’éco-terroristes. Aujourd’hui, pour servir la communication du monarque président, il attribue les violences provoquées par la présence de 3 200 gendarmes mobiles et CRS à « l’extrême gauche et à l’ultra-gauche ». Une récupération politique destinée à masquer la stratégie élyséenne de provocation et de violence à l’égard du mouvement de défense de l’eau, pour tenter de discréditer et d’affaiblir le puissant mouvement social contre la réforme des retraites. Or, cette « guerre de l’eau » déclarée par un pouvoir décrié et affaibli, ne peut que galvaniser des colères profondes refoulées depuis la réélection d’un président autocrate n’ayant pour légitimité, que le vote de barrage d’une majorité de citoyens à la candidate de l’extrême droite. Que ce chaos organisé dans les Deux-Sèvres par un ministre de l’Intérieur irresponsable aboutisse à 5 blessés graves – 2 gendarmes et 3 manifestants, dont l’un avec le pronostic vital engagé –, ternit un peu plus l’image d’un président hors sol.
Si le report de la visite en France du monarque d’Angleterre occupe, en ce lendemain de mobilisation massive, les hâbleurs en quête de notoriété – comme Sylvie Bermann se montrant sur les plateaux de télévision, tantôt sous l’étiquette « d’ex-ambassadrice à Moscou pour commenter la guerre en Ukraine, tantôt sous celle « d’ex-ambassadrice » à Londres pour commenter le report de la visite de Charles III en France –, se dessine déjà le schéma d’une campagne d’intoxe médiatique, avec la diffusion en boucle d’images de violences et des propos corporatistes de policiers syndicalistes, et de journalistes savants au service d’une élite gouvernante qui ne connait, ni le dur labeur des travailleurs qui se lèvent tôt – pas pour pavoiser devant les caméras le temps d’une opération de communication élyséenne –, ni les fins de mois difficiles. À la crise sociale, dont la réforme des retraites n’est qu’une facette du prisme, s’ajoute une crise politique et institutionnelle née de l’ambiguïté d’une élection présidentielle, dont la seule légitimité dont peut se réclamer le président réélu est le barrage fait à la candidate de l’extrême droite. L’absence de majorité à l’Assemblée nationale et la défiance de son allié naturel, le parti LR en proie à des dissensions internes, privent la macronie de toute capacité à gouverner, et accentue une crise institutionnelle déjà révélée par le mouvement des Gilets jaunes. La répression policière est la méthode qu’utilise le monarque pour tenter d’étouffer les mouvements sociaux. Or, les policiers sont confrontés aux mêmes difficultés que les autres couches sociales victimes d’un pouvoir dont sa mission est de servir les intérêts des plus riches. Que des policiers reprennent à leur compte les propos politiciens du ministre de l’Intérieur destinés à manipuler l’opinion – accusant l’extrême gauche d’être à l’origine des violences – est choquant. Que des policiers se mettent à servir la propagande du pouvoir interroge sur le sens qu’ils donnent à leur mission. Les syndicats policiers devraient réfléchir avant de cautionner, comme lors de la crise des Gilets jaunes, l’utilisation violente des forces de l’ordre contre le peuple, pour sauver un pouvoir monarchique qui bafoue la démocratie et met en danger la République.