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Billet de blog 25 juillet 2023

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L’ORDRE POLICIER

Un pouvoir de moins en moins démocratique, dans un État de plus en plus policier.

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À la suite de l’enquête sur des violences commises dans la nuit du 1er au 2 juillet à Marseille en marge des émeutes, et la mise en examen de 4 policiers de la BAC soupçonnés de violences contre un jeune de 21 ans – dont l’un d’eux est placé en détention provisoire –, le directeur de la police nationale et le préfet de police de Paris se livrent à ce que le sociologue Sebastian Roché, interviewé sur France info le 24 juillet 2023, qualifie d’une « sorte de fronde organisée à l'intérieur de l'État ». La déclaration du directeur de la police : « qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison » fait dire à Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS : « On a en face de nous quelque chose qui est sans précédent. C'est-à-dire qu'on a l'administration policière, parce qu'un chef de police est un administrateur, qui devient le quatrième pouvoir à côté du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif et du pouvoir judiciaire. L'administration décide comment l'État doit fonctionner. C'est une sorte de fronde organisée à l'intérieur de l'État, dont je n'ai pas les tenants et les aboutissants, mais c'est quelque chose sans précédent. »

À la question du journaliste : « Le directeur général de la police nationale Frédéric Veaux et le préfet de police de Paris peuvent-ils prendre de telles positions sans que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin soit informé ? », Sebastian Roché répond : « Ça semble quasiment impossible. Le préfet de police de Paris, c'est quelqu'un qui a le doigt sur la couture du pantalon. Il ne peut pas faire le moindre geste sans l'approbation du ministre. Et c'est pareil pour le directeur général de la police nationale. Ce sont des fonctionnaires ultra-politisés. Ils dépendent complètement de leur relation à l'autorité politique. C'est ce qui caractérise le système français, complètement différent dans d'autres pays. Qu'ils se prononcent ensemble, consécutivement et presque simultanément, cela démontre une planification. Je ne sais pas exactement quoi, mais il y a une tactique politique, à mon avis, qui est planifiée et qui vient de plus haut. » Le silence du ministre Darmanin et l’absence de condamnation par le président Macron confirment ce constat du sociologue. Or, le chef de l'État est le garant des institutions et de l'indépendance de l'autorité judiciaire, une exigence inscrite dans la Constitution.

Ces pressions permanentes de l’institution policière sur la justice avec la complicité du pouvoir politique – une dérive dangereuse vers des pratiques inspirées par l’extrême droite –, nous mènent vers un État de non-droit. Des méthodes pratiquées à Mayotte où deux avocats – dans un rapport d’une cinquantaine de pages envoyé au président Macron –, dénoncent « les violations opérées par l’administration française ». Selon le rapport, la préfecture de Mayotte expulse à tour de bras (jusqu’à 70 personnes par jour), sans consultation d’un juge. « Il n’est pas rare que des personnes soient intégrées au centre de rétention administrative en fin d’après-midi ou dans la soirée et soient éloignées dès le lendemain matin » dit le rapport. […] « La préfecture de Mayotte éloigne régulièrement les personnes retenues la veille de l’audience. » Emmenés au poste par la police, souvent sous la contrainte et menottés, sans avocat et sans les informer de leurs droits, les étrangers sont placés dans le centre de rétention administrative. Les policiers indiquent systématiquement sur leurs PV « que l’intéressé a refusé de faire valoir ses droits », dit le rapport. Les étrangers en voie d’expulsion ayant droit à un interprète, les policiers font venir des traducteurs qui « ne parlent pas la langue mentionnée », ou ne font tout simplement pas appel à un traducteur. Au mois d’avril 2023, un juge constate que le nom d’un interprète est celui d’un agent de la police aux frontières.

Selon Le Monde, le 23 avril, premier jour de l’opération anti-migrants Wuambushu à Mayotte, « la CRS-8 envoyée pour la première fois en outre-mer, a fait usage de pas moins de 650 grenades lacrymogènes, 85 grenades de désencerclement et 650 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) ». Comme le souligne Patrick Bruneteaux, chercheur en sociologie politique au CNRS, la raison d’exister de la CRS-8 – envoyée à Rennes en mars 2023 pour réprimer les manifestations contre la réforme des retraites –, est « avant tout politique ». […] « Le but de ces unités “d’élites”, ce n’est pas de maintenir l’ordre − les CRS “classiques” le font déjà très bien − c’est d’aller à la castagne et de réprimer la contestation sociale ».

Allons-nous, comme en Israël où Benyamin Nétanyahou et l’extrême droite au pouvoir font voter une loi restreignant l’action de la justice, voir se concrétiser le vœu de notre monarque président, de constituer une « majorité d’échange » entre les macronistes, les LR, et les RN pour affaiblir le pouvoir judiciaire et faire régner l’ordre policier ?

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