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Billet de blog 27 février 2023

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ET SI CES GRANDS MÉDIAS SE METTAIENT À INFORMER ?

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets. » Hippolyte Taine

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L’information sur la guerre en Ukraine par les médias officiels est devenue, pour les uns un enjeu d’audience médiatique ou de promotion mégalomaniaque, pour les autres l’outil de propagande au service de l’idéologie guerrière des puissances financières qui tirent profit de ce conflit. La mission d’informer – y compris pour certains journalistes de médias indépendants tombés dans l’hystérie d’une croisade des « gentils occidentaux » contre le « méchant Poutine » (coupable indiscutablement de l’invasion de l’Ukraine) – s’est fourvoyée dans une vision simpliste et opportuniste de ce conflit. Ainsi, ces vertueux journalistes puisent l’information dans la propagande officielle de Washington et de Kiev, et interdisent les expressions contraires à la pensée dominante, y compris quand elles proviennent de personnalités difficilement cataloguables de « pro-Poutine ». Aussi, j’invite ces informateurs à respecter, un tant soit peu, la mission qu’ils sont supposés devoir exercer en publiant intégralement deux interviews de personnalités militaires autres que celles – qui en quête de popularité – sont quotidiennement présentées sur les plateaux de télévision :

Interview du général de l’armée allemande Harald Kujat, ex-chef d’état-major, président du comité militaire de l’OTAN de 2022 à 2005, accordée au journal suisse Zeitgeschehen im Fokus le 18 janvier 2023

 Extraits :

  • « La guerre en Ukraine n’est pas seulement un conflit militaire ; C’est aussi une guerre économique et une guerre de l’information. Dans cette guerre de l’information, on peut devenir un participant à la guerre si l’on adopte des informations et des arguments que l’on ne peut ni vérifier ni juger sur la base de sa propre compétence. En partie, les motifs moralement compris ou idéologiques jouent également un rôle. Cela est particulièrement problématique en Allemagne, car les médias ont principalement leur mot à dire en tant qu’« experts » qui n’ont aucune connaissance et expérience en matière de politique de sécurité et de stratégie et expriment donc des opinions qu’ils obtiennent à partir de publications d’autres « experts » ayant une expertise comparable. De toute évidence, cela renforce également la pression politique sur le gouvernement fédéral. Le débat sur la fourniture de certains systèmes d’armes montre clairement l’intention de nombreux médias de faire eux-mêmes des politiques. Il se peut que mon malaise face à cette évolution soit une conséquence de mes nombreuses années de service au sein de l’OTAN, notamment en tant que président du Conseil OTAN-Russie et de la Commission des chefs d’état-major OTAN-Ukraine. Je trouve particulièrement ennuyeux que les intérêts de sécurité allemands et les dangers pour notre pays posés par une expansion et une escalade de la guerre reçoivent si peu d’attention. Cela témoigne d’un manque de responsabilité ou, pour utiliser un terme démodé, d’une attitude hautement antipatriotique. Aux États-Unis, l’un des deux principaux acteurs de ce conflit, la gestion de la guerre en Ukraine est beaucoup plus nuancée et controversée, mais toujours guidée par des intérêts nationaux. »
  • […] « j’ai toujours cru que cette guerre devait être évitée et qu’elle aurait pu l’être. J’ai également commenté publiquement cela en décembre 2021. Et au début du mois de janvier 2022, j’ai publié des propositions sur la manière de parvenir à un résultat mutuellement acceptable dans les négociations qui éviterait encore la guerre. Malheureusement, les choses se sont passées différemment. Peut-être la question se posera de savoir qui voulait cette guerre, qui ne voulait pas l’empêcher et qui ne pouvait pas l’empêcher.»
  • « Plus la guerre dure, plus il devient difficile de parvenir à une paix négociée. L’annexion par la Russie de quatre territoires ukrainiens le 30 septembre 2022 est un exemple d’évolution difficile à inverser. C’est pourquoi j’ai trouvé si regrettable que les négociations qui se sont tenues à Istanbul en mars aient été interrompues après de grands progrès et un résultat tout à fait positif pour l’Ukraine. Dans les négociations d’Istanbul, la Russie avait apparemment accepté de retirer ses forces au niveau du 23 février, c’est-à-dire avant le début de l’attaque contre l’Ukraine. Aujourd’hui, le retrait complet est demandé à plusieurs reprises comme condition préalable aux négociations.[…] Selon des informations fiables, le Premier ministre britannique de l’époque, Boris Johnson, est intervenu à Kiev le 9 avril et a empêché une signature. Son raisonnement était que l’Occident n’était pas prêt pour la fin de la guerre. »

Interview accordée au journal L’Eclaireur le 22 novembre 2022 par le colonel de l’armée américaine Douglas Macgregor, diplômé de West Point et titulaire d’un doctorat en relations internationales de l’Université de Virginie, ex- directeur de la planification stratégique et du centre d’opération interarmes du commandement suprême de l’Otan durant l’intervention de 1999 au Kosovo.

Extraits :

  • […] « Je pense également que de plus en plus d’Européens commencent à douter des informations que leur bombardent les médias mainstream, qu’ils soient publics ou privés. Hier, par exemple, un sondage a été publié en Allemagne qui montre que 40% des Allemands doutent de la véracité de ce qu’on leur dit au sujet de la Russie et de ce qui se passe en Ukraine. Mais une fois encore, il faudra que la crise s’aggrave. Et à mesure que les économies européennes s’effondreront, on pourra peut-être voir des changements. Il ne m’étonnerait pas que la plupart des gens aujourd’hui au pouvoir en Europe ne soient plus là au printemps ou début de l’été prochain. »
  • « Les problèmes auxquels est confronté l’Union européenne sont les mêmes que ceux de l’Alliance atlantique. Personne ne voit ce qui se passe en Europe de l’Est à travers le même prisme. Ce qu’on considère comme un problème ou une menace est contingent d’où on est situé, d’où l’on habite. Je pense que l’Europe fonctionnait nettement mieux quand elle ne se préoccupait que du marché commun et n’avait pas fait sacerdoce d’imposer un Etat supranational. Il est possible qu’à l’avenir cette obsession fédérale s’estompe, qu’on retourne vers quelque chose qui sera – comment dire ? – moins uniforme dans sa manifestation politique, plus focalisé sur ce qui est bon économiquement pour l’Europe. La multiplicité des points de vue et des d’intérêts, c’est compliqué.»
  • « Les Italiens, par exemple, n’ont pas envie de sanctionner la Russie. Ce sont nous les Américains qui avons décidées et imposées les sanctions. Nous ne semblons pas comprendre que quand nous sanctionnons un pays économiquement – que ce soit par des droits de douane ou autre chose – nous menons une guerre économique, ce qui est un conflit bien réel. Et nous avons été en guerre contre tous ceux qui ont une vision du monde différente de la nôtre. Nous sanctionnons des pays qui ne font montre d’aucune hostilité à notre égard, afin de les forcer à faire ce que nous disons. Sinon, ils souffrent. Après tout, nous contrôlons le système financier. La finance et le commerce mondial sont dollarisés. Nous contrôlons les institutions (de Bretton-Woods, ndlr), Fonds monétaire international comme Banque mondiale. Tout cela est autant d’instruments que nous avons utilisés pour punir ceux qui ne nous soutiennent pas ou ne se sont pas alignés sur nos positions. Cela date de la guerre du Vietnam. En fait, on peut même remonter jusqu’à la crise de Suez en 1956. Je pense que les Européens en ont soupé de nos arguties et vont découvrir que ce bonhomme, Stoltenberg (le secrétaire général de l’Otan, ndlr), comme ses prédécesseurs, n’est que le pantin de Washington. Est-ce vraiment là ce que les Européens attendent de l’Otan ? Est-ce bien ce que les Européens veulent de l’UE ? »
  1. Interviews à lire dans leur intégralité sur N° 1 du 18 janvier 2023 - Focus sur l’actualité (zeitgeschehen-im-fokus.ch) et Douglas Macgregor : "Quels sont les intérêts de la France qui justifient sa participation à une coalition antirusse en Europe de l’Est ? " (breizh-info.com)

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