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Billet de blog 27 avril 2023

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De la crise institutionnelle à la crise démocratique

« Ceux qui vivent sont ceux qui luttent » (Jean Jaurès)

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Si le report de la visite en France du monarque d’Angleterre occupe, au lendemain de la mobilisation sociale massive du 23 mars 2023, les hâbleurs en quête de notoriété – comme Sylvie Bermann se montrant sur les plateaux de télévision, tantôt sous l’étiquette « d’ex-ambassadrice à Moscou pour commenter la guerre en Ukraine, tantôt sous celle « d’ex-ambassadrice » à Londres pour commenter le report de la visite de Charles III en France –, se dessine déjà le schéma d’une campagne d’intoxe médiatique, avec la diffusion en boucle d’images de violences et des propos corporatistes de policiers syndicalistes ; de commentateurs et commentatrices – telle l’opportuniste « madame sait tout », Roselyne Bachelot, défendant la réforme macroniste des retraites ; et de journalistes savants au service d’une élite gouvernante qui ne connait, ni le dur labeur des travailleurs qui se lèvent tôt, ni les fins de mois difficiles. 

Dans ce contexte de crises et de désordre politique émergent les stigmates d’un régime en déliquescence. Alors que la secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative fait la couverture de Playboy, le 29 mars 2023, une enquête du journal Marianne et de L’Œil du 20 heures diffusée sur France 2, révèle une affaire concernant des attributions opaques de subventions publiques du Fonds Marianne – initié en 2020 par Marlène Schiappa – au profit d’associations douteuses. Selon l’enquête, parmi les 17 associations bénéficiant de ces subventions figure « Reconstruire le commun » qui a bénéficié de 330 00 euros d’argent public, et dont l’un de ses membres a été interpellé en octobre 2020 pour avoir profané la mosquée de Pantin. À ce jour, la plainte déposée par le recteur de la mosquée contre l’individu membre de l’association subventionnée par le gouvernement, et interpellé en flagrant délit n’a toujours pas abouti. Mediapart révèle que l’association a diffusé « des contenus politiques à l’encontre d’opposants-es d’Emmanuel Macron, pendant les campagnes présidentielles et législatives ». Autre association, « l’USEPPM (Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire) » – dont l’objet serait sans lien évident avec les objectifs du fonds –, qui a bénéficié de 355 000 euros de subventions, et dont les deux dirigeants se seraient partagé 120 000 euros de salaires, alors que le statut de l’association stipule : « Les membres de l'Union ne peuvent recevoir aucune rétribution à raison des fonctions qui leur sont confiées. » Alors ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa – « dans le cadre de la défense des valeurs de la République et de la lutte contre les discours séparatistes » – lançait un appel à projets – le fond Marianne – doté de 2,5 millions d’euros. 

À la crise sociale, dont la réforme des retraites n’est qu’une facette du prisme, s’ajoute une crise politique et institutionnelle née de l’ambiguïté d’une élection présidentielle, dont la seule légitimité dont peut se réclamer le président réélu est le barrage fait à la candidate de l’extrême droite. L’absence de majorité à l’Assemblée nationale et la défiance de son allié naturel, le parti LR en proie à des dissensions internes, privent la Macronie de toute capacité à gouverner, et accentue une crise institutionnelle déjà révélée par le mouvement des Gilets jaunes. C’est l’aveu fait par Élisabeth Borne le 27 avril lors de la présentation de la feuille de route des « 100 jours » décrétés par Emmanuel Macron, en annonçant le report à l’automne de la loi immigration, annoncée comme prioritaire deux jours avant par le président de la République en déclarant : « Je veux une loi efficace et juste, en un seul texte tenant cet équilibre ».  

Cette crise institutionnelle conduit aujourd’hui à une crise démocratique, avec des atteintes répétées aux libertés. Les manifestations réprimées dans la violence ; les interpellations abusives lors des mobilisations sociales ; l’interdiction des casseroles imposée par le préfet de l’Hérault par un arrêté pris avant la visite de Macron à Ganges ; l’interdiction des cortèges, des défilés, des rassemblements et des dispositifs sonores amplificateurs de son dans le Loir-et-Cher ; la Ligue des Droits de l’Homme menacée de se voir supprimer ses subventions, amènent Claire Hédon défenseure des droits nommée par le président Macron, à multiplier les prises de parole pour s’alarmer des « risques d’atteintes aux droits et libertés » en France, et de prévenir : « Il va bien falloir une désescalade de la violence. C’est de la responsabilité de l’État ». Le 28 mars 2023, elle déclare au journal Le monde : « Je condamne tout acte de violence, et j’ai une pensée pour toutes les victimes, que ce soient les manifestants ou les forces de l’ordre. Il est aussi important de redire que la liberté de manifester est un principe fondamental de notre Etat de droit. Le premier objectif du maintien de l’ordre est d’ailleurs ce respect de la liberté de manifester avec, pour corollaire, la protection et la sécurité des personnes. Les témoignages et les images qui nous parviennent montrent des situations inacceptables. »

La répression policière est la méthode qu’utilise le pouvoir pour tenter d’étouffer les mouvements sociaux. Or, les policiers sont confrontés aux mêmes difficultés que les autres couches sociales victimes d’un pouvoir violent, dont sa mission est de servir les intérêts d’une aristocratie financière méprisante à l’égard du peuple. Que des policiers reprennent à leur compte les propos politiciens du ministre de l’Intérieur destinés à manipuler l’opinion – accusant l’extrême gauche d’être à l’origine des violences – est choquant. Que des policiers se mettent à servir la propagande du pouvoir interroge sur le sens qu’ils donnent à leur mission. Les syndicats policiers devraient s’abstenir de cautionner, comme lors de la crise des Gilets jaunes, l’utilisation violente des forces de l’ordre contre le peuple, pour sauver un pouvoir monarchique qui bafoue la démocratie et met en danger la République.

La criminalisation de la contestation sociale par ce pouvoir monarchique et violent, fondé sur une logique de classe et exercé par une élite sociale méprisante du peuple et aux pratiques obscures, nous conduit inexorablement vers un régime fascisant. Aujourd’hui gouvernée par un clan sans légitimité populaire, la France s’enfonce dans une crise institutionnelle et démocratique mettant en péril notre démocratie. Quand le garant de la concorde et de l’unité nationale fracture le pays par le déni ; bafoue les corps intermédiaires ; gouverne avec arrogance et mépris en pratiquant un exercice autoritaire et violent du pouvoir, il ouvre la voie de la gouvernance à l’extrême droite. La défiance des Français envers le monarque président atteint un point de non-retour. Un sondage BFM TV du 24 avril 2023 confirme le record d’impopularité d’Emmanuel Macron, avec 69% des Français qui estiment que la réélection d’Emmanuel Macron a été une mauvaise chose pour le pays, et 56% comprennent les insultes proférées à l’encontre du président, puisque sa politique et sa façon de s’exprimer provoque une très forte colère.

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