Manger comme des porcs chez Miyazaki

Cinéma alimentaire #5 Manger comme des porcs dans Le Voyage de Chihiro

Les parents de Chihiro et leur fille découvrent un parc d’attraction désert dans lequel il y a de nombreux restaurants. Aucun client en vue, certes. Et pourtant un restaurant est ouvert et très accueillant. Ils s’y précipitent. 
Abondance, parfums engageants, le choix des places et des plats. Tout est parfait pour eux qui ont faim. Chihiro est sur sa réserve (cela dit depuis le début).

« Mange, on paiera plus tard. » annonce la mère de Chihiro.
La voracité des parents de Chihiro les affranchit de savoir si le restaurant est vraiment ouvert et à qui il faut s’adresser pour commander. Ils s’empressent. De toutes façons, comme le fait remarquer le père, il a son porte-feuille et ses cartes de crédit.
Pas besoin de se souvenir du code. La métamorphose a déjà commencé.

Les bruits de mastication, la consommation ininterrompue, c’est le capitalisme sauvage qui est en marche. Un capitalisme qui les métamorphose - pauvres bêtes - en porcs.
Jusqu’à l’os.
« Même les os sont délicieux ».

En 1998 sortait Vivre et penser comme des porcs (pauvres bêtes) de Gilles Châtelet. Trois ans plus tard, le spectateurs assistaient à ce spectacle dégradant pour l’homme (et pour les porcs).

Dans un parc d’attraction sans vie et donc une société qui tourne à vide, l’avidité est une manière de se donner une consistance.
Je consomme donc je suis. Aveugle et omnivore.

Pendant leur repas, les parents de Chihiro suent le consumérisme, ils sont sourds à toute remarque, à toute nuance. Cholestérol en flèche. Les parents se vautrent. À parents trompeurs, fille débrouillarde ? Elle va se coltiner les spectres et la sorcière.

L’apprentissage de Chihiro est rude, brutal, elle va devoir s’en sortir toute seule (elle trouvera de l’aide, bien sûr).
Les apparences sont trompeuses, c’est un mal pour un bien, Chihiro va profiter de l’expérience pour grandir.

Bien sûr cette métamorphose renvoie à celle des compagnons d’Ulysse dans L’Odyssée d’Homère. Ces compagnons qu’une gloutonnerie a rendu aveugles à la trahison de la magicienne Circé.

À Ulysse de se débrouiller pour que ses hommes ne restent pas aux porcs et puissent enfin atteindre le port d’Ithaque.

À Chihiro de faire en sorte que ses parents retrouvent leur apparence et leur rôle.