Dans ce calendrier de l’avent 2022, il y aura des écrivains déguisés en adjectifs. Ils se sont fait des noms tout seuls. On en a fait des adjectifs. Un inventaire à la Prévert avec ses ratons laveurs. Tout ça pour patienter avant de se voir offrir des livres à Noël.

Balzac (1799-1850) eut un projet dantesque : concurrencer l’état civil et raconter la comédie humaine. Des romans écrits de 1829 à 1850. Plus de 12 tomes en Pléiade. Un état civil tellement bien concurrencé qu’au moment de mourir l’écrivain appelait Bianchon, c’est-à-dire un de ses personnages, le médecin fictif de sa Comédie humaine. Dantesque jusqu’à ce que la fiction devienne réalité. Un pari littéraire réussi. Avec Paris pour décor. La construction de son œuvre, l’architecture de sa Comédie donnent aussi du sens à l’adjectif.
L’intitulé choisi par Balzac pour regrouper ses romans, La Comédie humaine, était une référence à La Comédie de Dante. À l’adjectif « divine » (non choisi par Dante), Balzac substitua l’adjectif « humaine ». Dieu/Homme. Paradis, enfer, purgatoire laissant place au ras des pâquerettes, au ras du bitume, au désespérément humain.
Balzacien : toute une humanité.
La comédie humaine est un projet éminemment balzacien. L’adjectif apparaît sous la plume de Théophile Gautier (Le Roman de la momie, Le Capitaine Fracasse), en 1872. Ce qui relève du balzacien a de l’ampleur, du contraste, de l'élévation.
Balzacien est un adjectif qui fut frappé de soupçon dans les années 60.
Celui qui, à travers des dizaines et des dizaines de romans, avait fait sa marque de fabrique (de labeur) du retour de ses personnages fut accusé d’être sur le retour, d’être un Has-B. Pour un peu on lui aurait reproché d’avoir écrit : « La marquise sortit à cinq heures. » La querelle entre Les Anciens et les Modernes toujours recommencée. Entre partisans du Gardarem Lou Balzac et les partisans de Balzac No Future.
Robbe-Grillet d'abord puis Sarraute s’inquiétant qu’on pense que, dans le roman, rien n’avait bougé depuis Balzac.
Et aujourd’hui que reste-t-il du balzacien ? En dehors des romans du maître et de ses épigones.
« À nous deux maintenant ! » semblent dire les substantifs à l’avance ivres des complexités de l’adjectif.
Il y a des personnages, des héros, des destins balzaciens. Des ascensions un peu louches, portées par l’ivresse de la réussite, avec leurs arrangements nombreux dans un monde fourmillant d’individus (Balzac en invente plus de 2000, dont 600 réapparaissent).
Balzaciens, ils le sont, ces chefs d’entreprise, ces financiers ou ces hommes politiques. Un côté véreux et bien trouvé.
Parfois, une œuvre colossale et des personnages qui vont et viennent suffisent à justifier le terme de balzacien. C’est le cas de la saga Star Wars qui, à défaut d’être véritablement balzacienne, est sans doute Honoré.