Calendrier de l'Avent 2023. Chaque jour, une chanson. « J’écoute uniquement les chansons parce qu’elles disent la vérité. Plus elles sont bêtes, plus elles sont vraies. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes." (Fanny Ardant dans La Femme d'à côté de François Truffaut).

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Dans les chansons des Pogues, on a souvent le mot « dream » à la bouche. Toute la famille, le verbe, le nom. Radical Dreamer.
Pêle-mêle, ça donne : « I dreamed I met with Behan » (« Streams Of Whiskey »), « I dream a dream » (Ah ! le poignant et mémorable vers à polyptote de la première strophe de « Dirty Old Town »), « I turned my face away And dreamed about you / You took my dreams from me » (« Fairytale of New York »), « I play Deji Pachi / In my Pachinko dream » (« Pachinko ») (entre hallucination et rêve sincère...
Puis il y a « The measure of my dream » dans la chanson « Rainy Night of Soho».
Loin des Big is Beautiful et autre ronflant Bigger than life. The measure of my dream, comme une maille à poésie, un filet à brouillard pour saisir l’insensible. Ce quelque chose, ce something in the air.
Difficile de parler d’une chanson dans laquelle il est dit « Now the song is nearly over / We may never find out what it means ».
Une façon aussi de rappeler qu’on ne décortique pas les chansons comme des noix. À un journaliste qui cherchait à faire l’exégèse lexicale de l'album "Rum, Sodomy & The Lash", Spider Stacy lança avec la belle insolence des Pogues (en concert, il lançait parfois autre chose) : « How many tracks are about fish ? ».
La chanson parle d’une « ginger lady by my bed ». Whisky ? Métaphore ? Et si sur la table de chevet, il y avait aussi du Baudelaire ? « Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous ! »
Enivrons-nous de « Rainy Night of Soho » et de sa belle et triste nostalgie.
« The Measure of my dreams », c’est l’expression qu’a empruntée l’épouse du chanteur comme épitaphe pour annoncer sa mort.

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C’est pratique pour la presse. Les poètes s’occupent de leur mort avec des mots. Ils ont l’élégance de laisser des mots de circonstance. C’est aussi cette expression que l’Irish Daily Mail a reprise, titrant en Une : « Shane, you Had the measure of our dreams »
Dreams.
Dans les colonnes de l’Irish Mirror, on trouve les résultats d’une enquête sur les rêves les plus fréquents des Irlandais. https://www.irishmirror.ie/news/irish-news/what-does-my-dream-mean-29105812
Dans le top 3, le serpent, les araignées et les dents.
"The Snake", c’est le nom du premier album solo de MacGowan (1995).
Spider, c’est le surnom de son acolyte des Pogues, le maestro du tin whistle : Spider Stacy. Et sacré chanteur, aussi.
Teeth, c’est l’attribut définitif du chanteur (ou ce qu'il en resta, pendant longtemps). Cimetière dentaire d’anthologie. L’une des causes de son rire si particulier.
Le quatrième, Death. La mort de MacGowan n’est qu’un mot, le poète a l’éternité. Rendez-vous dans cent ans.
Shane MacGowan, irlandais jusqu'au plus profond de ses rêves.
Et si on aime les Pogues (ou si on est curieux), je rappelle à tout hasard l'existence de ces deux livres :
https://www.editionsdensite.fr/pogues.html
https://www.fnac.com/a18300957/Yan-Liotard-The-Pogues-Fairytale-of-New-York