Calendrier de l'Avent 2023. Chaque jour, une chanson. « J’écoute uniquement les chansons parce qu’elles disent la vérité. Plus elles sont bêtes, plus elles sont vraies. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes." (Fanny Ardant dans La Femme d'à côté de François Truffaut).
Un album à écouter pour rentrer dans l’univers de Brigitte Fontaine. Dans son univers et ses multi vers de poète over the Rimbaud.
«Brigitte Fontaine est ? » aka « Brigitte Fontaine Est…Folle » est un album de 1968. Un pavé dans la mare de la chanson française.
Son premier vrai album solo. Entre douceur et étrangeté. Arrangements de Jean-Claude Vannier (bientôt arrangeur du Melody Nelson de Gainsbourg). Un objet non identifié à l’époque et qui conserve sa dynamique-dynamite.
À l’époque, Brigitte fontaine est la so-fille-stiquée de la chanson française avant de devenir, plus tard, pythie punk-rock mondiale. Les lauriers, elle ne les veut pas en couronne, elle les mâche.
Les textes sont tous de Brigitte Fontaine. Émouvants, surréalistes, percutants, au choix. En une demi-heure, dit-elle, les textes sont ficelés, écrits, ça passe ou ça casse.
Le disque est édité par le Saravah de Pierre Barouh dont le slogan est « Il y a des années où l’on a envie de ne rien faire ». Le droit au pressage et à la Paresse. Cet album est une pierre Barouh et baroque dans la chanson à textes.
Agrandissement : Illustration 2
La pochette de l'album est culte. Réalisée par Maurice Tapiero, elle s’inspire de Jérôme Bosch. Pleine de détails, torturée, grouillante. Et le trou temporel, le vortex, représenté est l’occasion de se souvenir de cet album et surtout de cette piste n°11 :
C’est la dernière piste de l’album. Higelin à la guitare et à la musique ; Fontaine aux paroles. Aux arrangements, Jean-Jacques Vannier.
Brigitte Fontaine et Jacques Higelin chantent ensemble. Une sorte de malentenduo. Dialogue de sourd troublant, la jeune femme a la grippe.
« Que disiez-vous ? »
« Te souviens-tu ? »
Il lui dit Tu. Elle lui dit Vous.
Il s’attache à avoir des réponses. Elle se détache de ses questions.
L’enfant est un objet. « Pas le premier mais le second » Déposé quelque part. Mais où ? La conversation se grippe.
« Cet enfant que je t’avais fait ?
Où l’as-tu mis ? »
L’amener ?
Où l’as-tu mis
L’amnésie ?
Brigitte Fontaine réfute le thème de l’incommunicabilité. C’est vrai, c’est plus drôle de ne pas verser dans le thème pompeux. C’est une enfantaisie.
Une Chanson, une perle rare
« Je l’avais fait rien que pour toi. » chante Higelin.
Père, le rare.
Une chanson-gag qui blague, assure Brigitte Fontaine. Mélange de plaisanterie et de sérieux.
Malgré tout, difficile de ne pas voir dans cette chanson, une chanson à obus féministe. Sous des airs surréalistes, absurdes, parlerait-elle de féminisme, voire d'avortement ? Certains l'ont pensé.
Une chanson drôle et, en duo, en douce, émouvante dans ses tréfonds.
On trouve la chanson dans le film oublié - te souviens-tu ? - Les Encerclés de Christian Gion (1967).
La chanson a bel et bien existé, la preuve son bulletin de naissance figure sur le site de la SACEM : https://musee.sacem.fr/index.php/Detail/objects/12155. Déclarée en 1970.
Depuis elle a été plusieurs fois adoptée. Par exemple, Françoise Hardy et Rodolphe Burger (2006) ou Albin de la Simone et Kahimi Karie (2016).
La chanson : https://www.youtube.com/watch?v=00qwj6VXVOw