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Devant l’injustice, il n’avait aucune envie de neutre. Difficile de pousser pépé vers la sortie ! Jusqu’à 86 ans, il fit résonner sa voix. Il a coupé ses derniers rushes en janvier 2015.
Vautier, c’est l’auteur du premier film français anticolonialiste, Afrique 50. Un auteur, fauteur de troubles fructueux, au Moteur ! dynamiteur. À la caméra, il ne se calma pas. Toujours à l'affût. Faction !
Un homme sincère à s’insérer, à s’immiscer dans les contradictions françaises. Il y a eu Touvier et il y a eu Vautier. Les mots ont la parole. Le quasi palindrome parle. D’un côté, la collaboration, de l’autre l’absence de compromis.
Cet homme souffrit dans sa chair et s’offrit d’en faire le Moteur ! de son action. Docs et Sacerdoce. La caméra lui servit et viscères. Caméra-prêtre, n’exagérons pas.
Tendrement ému par l’amour de l’Afrique, pas du fric ; viscéralement mu par ces incontinents de la trique sur le dos des moins puissants.
Militant par ses mille irritantes positions, Vautier fut censuré. On n’est pas sérieux quand on filme Avoir vingt ans dans les Aurès. Quand un cinéaste refuse la censure étatique, l’État tique. Forcément. Puis, plus tard, il récupère, célèbre l’audace de celui qui posait sa caméra au milieu des croche-pied. Avant ce revirement, il faut accepter de rester dans les bras de la sœur de Big Brother, la censure. Pas vu, pas pris en considération. Pauvre breton, victime d’une curée de Camaret.
CinéHasta sempre. Il réalisait des films qui ne font pas bâiller mais qui font bâillonner. Gueule de Ferré et œil de Caméra pour de grandes histoires pour Grand Soir.
Un breton, aux films phares, qui bretonna et transforma ses projecteurs en foudres. Il ne cherchait pas quand ? mais choisissait son camp. Même s'il avait la taille d'un trou de souris. La force du clandestin. Une breteigne qui s’engage, qui s’enrage, sans âge. Membre éminent du Clan Destin.
Ce héros malgré lui fut célébré par Malraux « René Vautier est un Français qui a vu juste avant les autres » et fit pleurer Eluard qui le remerciait d’avoir fait passer un de ces poèmes dans la bouche du peuple (« un homme est mort »)
Protégeons-le contre cette grève de la fin qui transforme sa mort en oubli. Non, ses bobines ne cherront pas. Continuons à regarder Vautier et à l’écouter. Y’a même un pense-bête. René, c’est un joli prénom pour un cinéaste à ne pas oublier.