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Billet de blog 10 août 2023

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Sixto Rodriguez : un péan pour un péon

Large chapeau, lunettes noires, totem indien autour du cou

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Illustration 1

Cold fact. Fait froid. Brrrr. Sixto Rodriguez n’est plus.

Quelle histoire que celle de Sixto Rodriguez, cet artiste américain devenu star en Afrique du Sud (célébré aussi en Australie et Nouvelle Zélande) tout en restant anonyme dans son pays d’origine. C’est ce que nous racontait en 2012 Sugar man (Searching for Sugar Man), documentaire du réalisateur suédois Malik Bendjelloul.

Quand le succès (et la chaleur du public qui va avec) se fait lâcheur, et part vivre sa vie tout seul. La scène mondiale est bi-polaire : moitié bondée, moitié déserte. Dancing et dents de scie.

Sixto, avec son prénom à la romaine, indiquant sa place dans la fratrie, ne s’est pas fait en un seul jour. Loin de là. 

D’origine mexicaine, large chapeau et lunettes noires, l’artiste commence sa carrière au début des années soixante-dix. Deux albums (Cold Fact, 1970 et Coming from Reality, 1971) produits aux USA qui aboutissent à un échec complet. Le silence. 

Bide on the USA.
Ses LP need somebody Help.

Puis il obtient du succès en Afrique du Sud, mais nimbé pour lui-même du même silence : il ne sait rien de sa notoriété pendant presque dix ans.

Sounds of Silence.
Âme seule. Âme Soul.

C’est grâce à des enregistrements pirates que son œuvre débarque sur le continent africain. Ce piratage n’est pas du vol mais son salut. Une carrière cassée sauvée par des cassettes à la sauvette. Des milliers et des milliers de copies. Afrique du Sud. Et sa vie change de cap au Cap.
Sa guitare sèche, ses trompettes, son melotron, ses sifflets à eau font recette. Son totem indien en bois autour du cou.

Un retour inespéré, comme un Buena Vista Social Club à lui tout seul.

Loin du clap de fin américain, c’est le Cap du début. Dans le pays de l’Apartheid, il devient herault des temps à venir avec ses paroles contestatrices, libératrices, génératrices d’un succès générationnel. Il ouvre des consciences dans une Afrique du Sud fermée, raciste où la télé est interdite et passe pour communiste.
Le poste communiste a été remplacé par la post-vérité et les vérités alternatives. Sixto Rodriguez devient une bande-son de la contestation. Sex, drugs and Folk rock.

Quel destin. Anonyme, quasi SDF dans sa ville de Détroit et, star sur un autre continent. Comme si la voix s’était séparée du corps.  D’un continent à l’autre, à la dérive ou au sommet.
Ad astra per aspera. Vers les étoiles en passant par les chemins de Détroit. 

Si le succès rata son rendez-vous, il n’empêcha pas l’homme de vivre une vie ordinaire, de citoyen engagé, candidat même aux élections à Détroit.
Une belle vie d’homme offerte par son étoile filante.
Cold fact. Fait froid. Brrrr.

L’homme qui se voulait chanteur, a passé une vie professionnelle à bosser sur des chantiers, à aider des jeunes défavorisés. La légende le laissait pour mort, à la Hendrix ou Morrison. Voire suicidé, immolé sur scène.

Celui qu’on croyait disparu est retrouvé. De l’ombre, jailli. Des CD, ressuscité. En chair et en disque. Un beau documentaire, une enquête artistique et poétique. Cette redécouverte lui permet alors de faire de la scène, une tournée internationale. Une belle histoire. Un péan pour un péon.

Ce 8 août, le chanteur n’est plus. Mort, il conserve sa légende vivante. Comme le dit joliment le titre de Libération «  « Sugar man » redisparaît »

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