Et si on jouait du Contact Exquis ? (le cadavre exquis en moins répugnant)
Je donne la phrase de départ et les joyeux contacts continuent le texte par le biais de leurs réactions. Et tous ces biais font un billet !
Voici la première phrase ("Saloperie de moustiques !") et les phrases qui ont été écrites ensuite par les contacts exquis.
Par ordre d'apparition : Pipotin, Olala, Pointvirgule, Tinus, Belange, Monique Arcaix, Oregon, Joseph G, Jean-Paul Bourgès, Lepeuple 74, Julie Guitare, Vancouver.
Saloperie de moustiques ! Leur buzz incessant a fini par me défriser la moustache. J'ai l'air d'un Pekinois mouillé. Faut dire que l'automne à Pékin, il fait un temps de chien... j'ai fini par me raser la moustache. "C'est exquis" commenta quelqu'un qui venait d'Alaska. Et les moustiques en Alaska, c'est pas c'qui manque en été.
Ce lascar alaskain qui n'était pas le premier péquin venu, esquissa un commentaire coquin : "Houmph ! Houmph ! Grooaaaarrr !! !" — ce qui en patois pékinois signifiait : où est passé le décodeur ? — Or donc, depuis que le rasoir du rasant barbier ( dénommé Ockham) m'avait rendu visage glabre, ce qui par conséquent préservait mon incognito, je résolus de mener enquête sur une étrange affaire : la disparition des décodeurs.
Dans les bas-fonds, c'est là qu'ils sont, me sussura un presque alexandrin... Ce sussurement suscita assurément de la suspicion chez moi. Comment un presque alexandrin avait-il pu y mettre les pieds sans en revenir un peu sonnet ? Les bas-fonds ne sont pas en odeur de sainteté, tout le monde le sait. Et pouvait-on traquer le décodeur à l'odeur ? Je décidais donc d'y mettre le nez pour en avoir le coeur net. Pour financer mon projet, je décidai de créer une " start up " où chacun (moyennant 9 euros par mois) pourrait signaler les endroits où ça sent mauvais.
— Par la moustache de Frida Kahlo ! s'écria alors ( dieu le savonne) un Tartare énervé qui cherchait un steak à son goût. Ces bas-fonds me barbouillent et me lèvent le coeur. Que sont mes amis décodeurs devenus ? Seraient-ils cryptogames, comme tant d'autres algues brunes ? Encore eût-il fallu, pour éviter cet imbroglio, qu'ils décodassent correctement.
— Mes godasses sont toujours correctes, protesta l'alaskain, et mes mocassins ont piétiné bien plus de marécages que tu ne pourrais penser !
Il est peut-être droit dans ses mocassins l'Alaskain, n'empêche que les morses meurent faute de banquise...
— Des godasses correctes ? Ça me botte ! Demain, j'enlève mes bas...
— Des bas, des bas, il n'y a pas que le débat dans la vie, il y a aussi le consensus !
Stricto sensu, il n'y avait rien à y redire mais j'y perdais un peu le fil de mes pensées... et perdre le fil dans les bas-fonds n'est pas conseillé, l'oeil du Minotaure n'est jamais loin. D'ailleurs l'alexandrin le savait bien, lui qui ne sussurait plus rien.
— C'est bien beau tout ça, mais qu'est-ce qu'on mange ce soir ? demanda le Tartare énervé et toujours affamé à l'alexandrin qui, plus sûr de rien, ne sussurait plus.
Le Minotaure sous l'effet du fly tox, pris d'une envie irrepressible d'éternuer, secoua sa lourde tête et comptant jusqu'à douze, mugit un alexandrin tonitruant.
— Atchoum ! la mite au logis grecque m'a tuer !
— Ah ah Alexandrin ! L'amour danse au fond des draps. Ce soir j'ai de la fièvre et toi tu meurs de froid !
— Cap sur le phare l'estomac dans les talons, le Tartare ! A défaut de mocassins d'Ô, des sirènes toutes crues devraient faire l'affaire !
— Houmph ! Houmph ! Grooaaaarrr !!
Voilà que ça le reprenait, il fallait absolument faire quelque chose. Je proposais alors à mes compères un pacte secret.
— Jurons nous de ne point nous séparer avant d'avoir rédigé la 6ème constitution ! Oui je sais que ça va faire du boulot jusqu'à 17 heures !
Ça commencait mal, le doyen de l'assemblée secrète, présidant la séance, fut saisi d'un malaise. Normal. Plutôt chétif, il était de faible constitution. Après toutes les fortes constitutions qui nous avaient affaiblis, l'affaire se présentait donc au mieux puisque le président rendait l'âme ... mais non son magot.
— 17 heures ? Puisque c'est comme ça, moi, à cinq heures je sors ! décida la Marquise.
À ces mots, l'alaskain, l'alexandrin et le tartare se levèrent comme un seul homme et plaquèrent la marquise au sol en hurlant : "Tu as juré, tu as juré !" Alex Andrain parut, et leur dit : "vous Ici !" Contact exquis. "Autant pour moi" répondit la Marquise ! La marquise est aux anges. On déplore un p'tit rien. Elle a, pas de panique, avalé un moustique Tigre, tsé tsé, qui pique... Bon sang mais c'est bien sûr! (Bon sang ne saurait mentir...). Le sien est bleu! Le mien ne fit qu'un tour à son tour. Bon sang mais c'est bien sûr! (Bon sang ne saurait mentir...). Le sien est bleu! Le mien ne fit qu'un tour à son tour. Piqué à mon tour, je ralentis. Tout devint flou, mon champ était coton. La porte bâilla derechef, Ockham fit son entrée. Mon barbier Ici ? Ivre de fatigue je larmoyai :
— Sam Ockham !
Avaler un moustique, gober des mouches ? N'importe quoi, mais vite à manger ! supplia le Tartare carnivore qui, à jeun depuis hier, frôlait maintenant l'hypoglycémie...Notre sanguin compagnon qui titubait troublait fortement l'alexandrin qui ne savait plus sur quel pied danser. Nul fricot rassasiait l'affaibli Tartarin. A son tour, il sombra. L'Andrin, mi-rimant, mi-raisonnant, improvisa un pas. Puis trois, six, huit, oubliant l'imposant tapis. Il finit lui aussi, son tarin dans l'Aubusson. Tous nos loustics, dormant dans un tas. Sauf Sam Ockham, qui voyait tout sans pouvoir agir.. Bras ballants, il grattait son occiput ; il avait ce don.
— Nous craignons par dessus tout la mouche tsé tsé, hurla l'Alaskain, car nous n'aimons pas dormir.
Terrassée par trois escogriffes, Angélique Dézanges parvint pourtant à envoyer un SMS au marquis de Peirac : «Viens me chercher mais prends ton casque, y a du chikungunya dans l'air.»
— Eh bien qui donc va me relever maintenant, m'auriez vous oubliée ? pleurnicha la marquise, à moitié étouffée sous le poids du Tartare. Du Tartare, mais aussi du narrateur endormi, d'Alex Andrin estourbi. L'Alaskain avait poussé son dernier cri, car un cousin du cousin avalé venait de lui inoculer la maladie du dodo. Il alla grossir le tas de loustics. Last but not least, le réseau ne passait pas.
— Pour qui sont ces moustiques qui moussent sur vos bêtes ? se demandait l'alexandrin qui avait appris à en faire.
— Vingt-deux, voilà l'angoisse !
L'alaskain, qui était aprenti marin, se dit "y a quelque chose qui cloche, Tsétsé ne serait pas une mouche ? Et voilà pourquoi le mousse tique ! Alors que la mousse tache. Mais c'est déjà de l'histoire ancienne.
Les gémissements de la marquise se faisaient plus faibles. Elle ne mastiquait plus, seul le mousse tiquait en silence. Le barbier Ockham contemplait l'abscons tas de loustics au milieu du salon. Décor né d'un plus Koons que Jeff, il fallut un chuchotis, une larme de la marquise, pour que Sam Ockham quittât son non-agir.
Dégager la marquise ... mais comment ? Hors de sa guerre contre le poil, il ne supportait pas du quidam, ce cadavre, le moindre contact. Pourtant, il finit par surmonter son dégoût. Il s'approcha du tas et prit son courage à deux mains : Sam O. prit deux loustics.
Par tout l'essaim! Autour du Minotaure endormi, la marquise applatie, l'Alaskain et l'Alexandrin emmêlés, le barbier un peu rasoir, le Tartare affamé et moi-même, entassés les uns sur les autres, des moustiques énervés venaient de partout pour piquer dans le vif, profitant de l'aubaine pour se remplir la bedaine de nos sangs mêlés. Je venais de décoder le piège dans lequel nous étions tombés.
Et le con, tact ex ski arriva trop tard...Un dernier râle monta de la mêlée ...Nous aurions mieux fait de faire un pacte du sang mais les bestioles s'en étaient chargé à nos dépens... Vous écoutez Radio Londres ..... Dziouuu .. Dziouuuuuu ... "Sam O. prit deux loustics" ... Je répète : "Sam O. prit deux loustics".....Et dans les bas-fonds, le grésillement de plus en plus faible du poste à galène fit lentement place au silence... couic. La voix de Radio Londres se fit de nouveau entendre. Comme cryptée, comme s'il manquait un décodeur. La voix sentait sa vague moustache, son à peine du 18 juin. Les auditeurs étaient dans la salle mais dans un sale état. Laissons le son tirer la leçon. La voix cracha "Saloperie de moust-couic !"