Serpico, le film de Sidney Lumet sorti en 1973 sent bon le film politique des années soixante-dix.
Montrez-moi un héros et je vous écrirais une tragédie écrivait Scott Fitzgerald.
Dès les premières minutes, le film installe le personnage dans notre imaginaire. Toute la ville en parle. "Ici le New York Times, Serpico s'est fait flinguer." La légende existe déjà. Une descente chez un trafiquant de drogue se déroule mal et voilà qu’on remonte le temps. Onze ans plus tôt. La série de flash-back qui va suivre va s’employer à remplir cet espace, à la constituer pour le spectateur.
Le policier intègre. L’incorruptible.
Participer aux pots-de-vin ou y laisser sa peau.
Avec ses failles, ses instants de colère injustes pris qu’il est dans l’étau policier. La jeune danseuse, Leslie Lane, qui aimerait partager sa vie est aux premières loges de ces dérapages.
C’est un policier qui se fond dans le décor, qui se déguise, qui se sait embarqué dans la société de son temps. Serpico occupe le terrain comme Al Pacino occupe son rôle.
Iconoclaste. Démanteleur de corruption. Dynamiteur de silences. Redresseur de justice.
Pas un super flic, mais un super anti-héros.
Et ce policier aime lire.
Prodigieux et protéiforme. Pacino fait corps. Pas besoin de nous montrer sa carte de l’Actor’s Studio. Barbe, moustache, cheveux à longueur variable. Vêtements, chapeau, bonnet… Une garde-robe à faire pâlir Elizabeth Taylor dans Cléopâtre. Il a troqué les fastes du péplum pour la réalité du terrain, sur fond de contre-culture hippie. Mieux qu’un rôle à César : à Oscar.
Serpico est une légende.
Film organisé sur la corruption inspiré de l’histoire vraie de Frank Serpico, police de New York, que sa hiérarchie ne voulut pas écouter et qui partit faire ses révélations au New York Times.
Un film pour lequel Sidney Lumet avait interdit à son chef opérateur la lumière artificielle.
Une lumière crue.
Serpico, la tragédie d’un homme seul. Avec pour ultime fidèle, durant ses après-midi de chien rebelle, un hirsute et docile Bobtail. Et puis la musique de Mikis Theodorakis.
Un film qui nous adresse un salut salubre du fond des années soixante-dix.