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Usain Bolt n’offre aucune trêve olympique à ses adversaires. Pas de trêve, le cauchemar. Le petit sourire narquois en prime pour la demi-finale. Que ces viennent-ensuite se rassurent : Bolt est un bolide humain, simplement humain.
Ce sprinter ne tient pas à une extension du domaine de la lutte dans le monde animal. Et pour cause. Depuis 8 ans, ses adversaires à armes égales l’arrangent bien. Pas de griffe, pas de croc, pas de quadrupède.
Or, le règne animal pourrait en remontrer aux beaux athlètes adorés.
Un guépard ridiculiserait Usain Bolt. Pensez donc : il suffit de 5,8 secondes à Acinonyx jubatus (son petit nom latin de félin) pour faire un 100 mètres (cf la revue britannique Veterinary Record). Qui se sent maître ?
Non, le guépard n'en fait pas tout un foin (en plus, il n'aime pas ça, le foin). En revanche, l'homme le déteste. Puisque ça dame Usain, l'Irak…euh, cet animal doit disparaître. Le sprinter préfère Puma, son plus gros partenaire.
Oui, le guépard est modeste (il ne la ramène pas, il laisse ça au chien, bien sage). Maître de ses crocs, il se fiche du chronomètre.
Les flashs qui crépitent et les stades enfiévrés ne l'intéressent pas.
Si l’être humain court après le fric - auri sacra fames ! - le guépard préfère l’Afrique.
Le carnivore n’aime guère les zoos, alors ce n’est pas pour finir dans un couloir, fût-il de 100 m. Le félin se contrefout des lignes. Le mot ‘piste’ lui occasionne même de noires pensées : il pense à la chasse, à celle que les hommes lui livrent, à lui et aux lions comme Cécil.
Le guépard préfère naturellement les tapis de hautes herbes, bien caché. Adepte de l’affût, il ne goûte pas le raffut olympique. Il n'a pas besoin de Nissan, Samsung, Virgin, Visa ou de Puma, ce traître, pour être heureux.
Dans une pose shakespearienne, il se dit que c’est bien trop de bruit pour sa fourrure. ‘100 mètres’ ou ‘pas 100 mètres’ telle est la question. L’Homo sapiens (ou ce qu'il en reste) gère sa course et le guépard-ça-pionce digère sa course à la gazelle (le repos du guerrier, de ce spécialiste du Sang mètre sur piste de proie).
En action, c'est un bien bel athlète que cet animal. Il a un mental à toute épreuve : ce n’est pas un faux-départ, comme celui du Bahreïni Andrew Fischer, qui déstabiliserait un guépard. Il dispose d’une élasticité admirable dont des sponsors épouseraient bien les formes.
Il est capable d’une accélération renversante : la révolution en quelques foulées. Enfin, il utilise sa queue comme gouvernail. Un usage bien plus légitime que celui en vigueur chez certains animaux politiques.
Pour toutes ses raisons, le guépard ne voit pas la nécessité de confronter ses qualités bestiales à celles de ce bipède sans poil (ou presque) qu'est l’homme.
Question de classes, de séries, de capacités. Pauvre homme qui court moins vite qu’une autruche, qu’une antilope et qui s'essoufle et s'époumone pour franchir la ligne en même temps que le fait un…dromadaire.
Au fond d'un zoo, s'élève un émouvant Chant du guépard :
"La victoire en chantant nous ouvre la barrière / La Liberté guide nos pas. » C'est un guépard qui n'a pas eu de Bolt. Un roi oublié de l’épreuve reine.