On oublie momentanément Melody Nelson. On laisse la roue de la bicyclette tourner. Mais on n’oublie pas la voix.
- Tu t’appelles comment ?
- Jane
- Jane comment ?
- Jane B. Good.
Jane, une drôle de Johnny. "Hey Johnny Jane / Toi qui traînes tes baskets et tes yeux candides". Good, parce que tant de gentillesse émanait de sa personne. Personne ou personnage tant elle était une figure, par exemple celle de la réconciliation entre les Anglais et les Français. Un timbre de voix affranchi et reconnu par deux pays. Sa maladresse pleine d’accent, l’amour des feintes du français comme on le parle académiquement, la rendait touchante et sincère. Voix pop et peuple. Les mots de Jane avaient bon chic bon genre. Avec cette Jane-là, c’est nous qui entendions des voix célestes, et c’est nous qui serions allés brûler au bûcher.
Comme le chantait Nougaro, « Moi, ma langue, c’est ma vraie patrie et ma langue c’est la Française ». Elle se nourrit de diversité et de tonnes d’accents. Avec Jane, downtown accent.
Après avoir découvert Gainsbourg, j’avais petit à petit acheté tous les disques de Birkin. Comme on dit "j'ai tous les disques", Jane, tous les disques. J’étais un fan des nineties. Je me souviens de l’année 90 lorsque Gainsbourg présentait la pochette de l’album tant attendu « Amour des feintes » qu’il avait composé pour Birkin. Le disque n’était pas encore sorti et déjà l’objet vibrait du portrait à l'encre de sa Muse. Il y avait quelques taches sur la pochette. La faute à cette plume que Gainsbourg disait avoir brisée en plein vol et en plein dessin d’une mèche de cheveux que lui demandait Jane. Plume, parce que c'était lui, parce que c'était Elle. Cet album, il lui avait offert quelques mois avant sa disparition. Une dernière complicité. La plume s’est à nouveau brisée. Pas de feintes, cette fois. Le portrait est indélébile. Écoutons encore la fausse ingénue Jane. Le monde de l’Art est triste. L’artiste reste. Dans les années qui viennent, beaucoup vont avoir encore le bonheur de la découvrir.
Jane B. Good même dans la Gadoue avec ses Négresses vertes. Une chanson pour faire aussi l'actrice.