Calendrier de l’Avent 2023. Chaque jour, une chanson. « J’écoute uniquement les chansons parce qu’elles disent la vérité. Plus elles sont bêtes, plus elles sont vraies. D’ailleurs, elles ne sont pas bêtes. » (Fanny Ardant dans La Femme d’à côté de François Truffaut).
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Cinq heures du mat' j'ai des frissons/Je claque des dents ? Non, on n’est pas encore dans les années 80. Front populaire et 1936. « Y’a d’la joie ! ».
Le présentatif « Il y a » se contracte (pas par frissons) en un familier et jovial « Y’a ».
« Bonjour les hirondelles ». Le printemps ne va pas Trenet.
Le jeune Trenet, alors deuxième classe à l’école militaire, écrivit cette chanson, dit-on, au trou. En effet, il avait du mal à se plier à la règle militaire. Et, qui plus est, il voulait donner, le soir des concerts, des galas. Chose interdite évidemment. Au trou !
On raconte que l’on aurait retrouvé la partition gravée sur le mur d’une cellule. Aucune trace, aucune photo. Un peu comme les fresques romaines surgies fugitivement dans le Fellini Roma. Les seuls témoins sont ceux qui ont vu ce brouillon légendaire avant que le bâtiment soit détruit. Y’a du mythe !
Si l’approche de la guerre fut le théâtre de rapprochements vénéneux, de zones grises poisseuses et de Liaisons Dangereuses. Cette chanson reste L’élision heureuse : Y’a…d’la joie. Comme une parenthèse enchantée où le narrateur rêve de soleil, de ciel bleu, d’amour, de bon pain ("Il fait du bon pain du pain si fin que j'ai faim"), de métro qui part dans la forêt, de Tour Eiffel qui part en balade…
Rêve, fantaisie, poésie. Refrain plein d’entrain. Mais ce n’est qu’un rêve. Ce n’est pas une formule magique. « Donc j'avais rêvé, oui, car le ciel est gris ».
Le monde est gris, terne. La chanson le transfigure par une insouciance revendiquée, par son rythme trépidant, son rythme ternaire (« Mon cœur bat, chavire et chancelle », Il fait du bon pain du pain si fin que j'ai faim », « Il faut se lever, se laver, se vêtir ») et la gestuelle en concert de Trenet (la chanson fut d’abord chantée par Maurice Chevalier, dans le film "L'Homme du jour" de Julien Duvivier en 1937).
Front popu. Révolution sociale. Une mise en mouvement. « L'Internationale », « La Carmagnole » et « Y’a d’la joie ».
Trenet cristallise le moment…Et puis on va se cogner au réel.
Trenet, et notamment par cette chanson, ouvre un chemin pour d’autres, pour des héritiers. L’air chantant, l’air frais souffle alors sur la chanson française.
Jacques Brel a déclaré : « Sans Trenet, on serait tous experts-comptables. ». On imagine déjà l’expert-comptable lâchant son portable, les conseils, les tableaux Excel, s’improvisant partenaire clé des champs. Loin du blé, le blé.
Chanson de printemps, chansonnette d'amour
Chanson de vingt ans chanson de toujours.