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Tout d’abord j’ai été étonné que le livre n’ait pas reparu depuis sa première édition, en 1987, chez Flammarion. C’est le premier livre de l’actrice… à 77 ans. Gros succès de librairie.
La présentation de l’autrice est limpide et piquante. Jugez plutôt : « Katharine Hepburn est une actrice. Elle aime le tennis et le jardinage. Elle vit dans une petite ville du Connecticut. C’est son premier livre. »
Le titre du livre est superbe : « African Queen ou Comment je suis allée en Afrique avec Bogart, Bacall et Huston et faillis perdre la raison ». L’édition américaine lui rend bien hommage (voir image). Plein cadre.
Bon, l’Afrique, c’est en réalité le Congo (et un peu l'Ouganda). Il ne faut pas s’attendre à un guide du Routard sur le pays. Cela reste le point de vue d'une actrice d'Hollywood, dans les années 50. Le tournage a lieu dans un camp de fortune et c’est là que l’essentiel se passe.
Ce film, African Queen, est tout d’abord un roman de l'écrivain C.S. Forester. Il y eut le film. Puis, plus de trente ans après, il y eut ce livre de témoignages.
On est embarqué. Hepburn raconte comme si elle nous parlait.
Les personnages, au casting, sont Huston, Bogart, Bacall (qui ne joue pas mais a accompagné son Humphrey de mari), le producteur Sam Spiegel. Sans oublier Tahili Bokumba qui veille sur l’actrice pendant le tournage.
Si le bateau, l’African Queen, est très célèbre, le tournage lui aussi méritait d’être mis en lumière. Dantesque. Epique. Picaresque. Faites votre choix. On apprend que c’est à Katharine Hepburn que l’on doit une grande partie du scénario de ce livre sur le tournage. C’est elle qui a exigé que le film soit tourné dans un pays d’Afrique.
Si le film African Queen eût été tourné en Angleterre, toute la face de ce livre de souvenirs aurait changé.
Pour ce qui est du scénario du film, c’est une grande préoccupation d’Hepburn. Et, au milieu du livre elle s’en inquiète encore.
Le récit fait par l’actrice est vivant. Elle joue avec le lecteur. S’excuse de développer tel passage. Annonce qu’elle parlera d’un sujet plus tard et puis non, elle va en parler tout de suite. Elle fait preuve d’autodérision. Elle donne une image nuancée de ses collègues de travail.
Elle parle de la vie quotidienne sur le tournage. Ses aléas, ses surprises. Elle évoque les complexités des déplacements. Quand on transporte un immense miroir, quand on fait couler l’African Queen et qu’il faut la remettre à flot… Et significativement, à plusieurs reprises, de toilettes (lieux d’aisances comme dit la traduction), sujet dont Katharine Hepburn s’excuse de parler de manière répétée, mais comme elle le dit, elle est fille et sœur d’urologue. À propos de John Huston, elle dit justement ne jamais l’avoir aperçu allant aux toilettes. Peut-être n’y est-il jamais allé. Ce qui expliquerait bien des choses, termine-t-elle avec humour. Sa relation avec le réalisateur évolue durant le film. Tout d’abord, il lui fait l’effet d’un enfant qui désire être toujours le centre de l’attention et puis elle finit par beaucoup l’apprécier.
Elle ne connaissait pas Bogart et Bacall et ce fut le début d’une grande amitié.
Elle fait aussi la connaissance de fourmis invasives, d’un mamba noir, de la bilharziose, de crocodiles, de la rivière Ruki, affluent du fleuve Congo… Bon, les scènes dans l’eau seront tournées en Europe !
« Filmed in Africa » dit le générique du film. On pourra regretter, mais cela reste tenace, qu’un pays résume un continent.
Peter Viertel, scénariste du film, dans son roman Chasseur Blanc, Cœur Noir (1953) évoquera ce tournage. Clint Eastwood en fera un film en 1990.
Lecture conseillée, mais à dénicher dans les brocantes. A moins qu'un éditeur se penche sur une republication. Sait-on jamais, Katharine Hepburn reste une figure, une icône du féminisme. (à ne pas confondre avec Audrey).