Nice, où vient de mourir Georges Moustaki - n’en déplaise à Claude Nougaro - n’est pas very nice.
Malgré tout, ce 23 mai 2013, nous n’oublions pas «la promesse de vie» des eaux de mars. À n’en pas douter, les chansons du poète feront de vieilles eaux. Sa Mer à lui a de quoi bercer le cœur de chacun à vie. Bye Bye Bahia, C’est le temps de la débine.
Mettons de côté, quelques minutes, les brelles qui inondent les ondes ou ce nouveau Gainsbourg qui plaît à la presse people. Avec les médias, commerce oblige, c'est en Brassens qui vous voudrez ! Moustaki, lui, ne faisait couler de l’encre que dans sa légendaire paresse. Sa paresse ne connut jamais de crise, au contraire de la Grèce de cœur de ce mythique métèque.
Le pâtre grec a donc abandonné la terre de l’éphémère FMI pour faire, éternellement, l’Olympia des douze Olympiens. Certainement tout aussi paresseux dans les cieux, mais élégant : smoKing !
Le PDG d’un grand label musical profite de la mort de l’artiste pour rappeler que le chanteur avait fait des disques qui s’écoutent et s’achètent. Disque-Disque-Rage ! En réponse, l’intéressé, ce Diogène de la chanson française, pourrait lui tweeter, par delà les nuages du buzz médiatique : «Ôte-toi de ma sieste». Le méticuleux métèque a accompli son œuvre tranquillement, sans souffrir d’odieuses courbatures et d’excuses répétées à ceux qui n’ont que «Patron» à la bouche et prolongent sur CD la devise Vinyl-Vivendi-Vixi.
Georges a triomphé du dragon de la marchandisation. Il est, désormais, éternel, comme un diamant. Moustaki a désormais la paix, le «Ciel d’Alexandrie pour dernier toit». Il a suivi les préceptes de Paul Lafargue jusqu’au bout («ce maître en sagesse / Qui ne nous arrivait ni d'Orient ni de Grèce») et il a trouvé la paresse éternelle. «Toute la mort pour se reposer».
Cette paresse, Moustaki en était le militant : mi-Aubrac, mi-aux-bras-cassés, militant et apolitique. Georges, sa guitare et sa route fleurie. Alors qu’on voudrait que l’heure soit à la table ronde et aux négociations, sa jolie fleur du mois de mai se fait encore écueil : «celle qui se soulève, qui souffre et se met en grève». C'est de cette fleur que naît une une Révolution permanente. Drôle de panoplie de paresseux, où les chaussons étaient remplacés par des chansons, les œillères par des œillets portugais. Si ses chansons se gratteront toujours à la guitare, elles gratteront aussi toujours jusqu’à la tête :«Viens, écoute ces mots qui vibrent/Sur les murs du mois de mai/Ils nous disent la certitude/Que tout peut changer un jour».
Moustaki ne vieillira jamais plus. Ainsi, il aura toujours de beaux restes : ses textes.
Rien ne sert de cultiver le souci. La mort a toujours raison. Oui, rien n’est acquis, mais tout peut résonner de chansons de Moustaki. Nougaro souhaitait, en son nom propre, que nous dansions sur lui, Moustaki, lui, chantait : «j’sais pas danser». Que faire ? La même chose que pour Ferrat et Ferré : les écouter.
Ainsi, sans oublier le goût de Moustaki pour les herbes bizarres et cette nature superbe qui pousse en secret, laissons pousser ses chères «fleurs de méninges».