Dans ce calendrier de l’avent 2022, il y aura eu des écrivains déguisés en adjectifs.
Ils se sont fait des noms tout seuls. On en a fait des adjectifs. Un inventaire à la Prévert avec ses ratons laveurs.
Ce calendrier de l'avent est désormais terminé. Les écrivains déguisés en adjectifs s'offrent un dernier tour de piste.
Pour le 25, l'adjectif est…
Le calendrier de l’avent arriva à son terme.
Bien sûr les adjectifs qui y avaient participé étaient toujours là. Trop curieux de savoir qui serait leur successeur puis celui du lendemain et encore et encore…
Ce 25 décembre au matin, ils allaient enfin savoir quel adjectif avait été choisi pour la première place, la 25ème dans ce calendrier à la numérotation de podium particulier.
La jalousie avait déjà été nourrie par les places de troisième et de second dont avaient hérité orwellien et shakespearien qui n’en demandaient pas tant. Le premier se plaignant de cette hiérarchie arbitraire, le second s’indignant de ces jeux de pouvoir et de ce monde d’abjectifs.
Le moment arrivait. Ils allaient enfin savoir.
À la surprise générale le calendrier disparut laissant place à un filet lexical, aux mailles très fines, qui causa la réunion de tous les adjectifs en une même foule, en une même masse compacte.
Tortiller ne servait à rien pour s’échapper. Préfixes, suffixes, radicaux pêle-mêle. Les mots se frottaient, les adjectifs fusaient.
Chacun des impétrants empêtrés, attentif à ne pas perdre son suffixe, réagissait à la situation.
Balzacien ne pouvait s’empêcher d’admirer le travail de l’artiste qui, par ce filet, parvenait à saisir tout un ensemble.
Beauvoirien avait l’intime conviction que c’était l’œuvre d’un adjectif masculin, une façon de montrer sa toute-puissance jupitérienne.
Borgésien s’amusait à chercher un chemin dans ce labyrinthe de radicaux, de préfixes et de suffixes.
Cartésien, malgré le bruit et l’agitation, pensait.
Cornélien se demandait s’il valait mieux bouger ou ne pas bouger. Persuadé que dans les deux cas ce ne serait pas indolore, répétant à propos de calendrier : « “Il m’a fait trop de bien pour en dire du mal, il m’a fait trop de mal pour en dire du bien. »
Dantesque, qui attendait depuis le premier jour, voyait dans ce piège tendu un nouveau cercle de son fameux Enfer.
Percuté, Durassien lança à Hugolien « Tu me tues mais tu me fais du bien»
Hugolien, surpris, se présenta « Ego, Hugo »
Kafkaïen, observant l’itinéraire de Borgésien, se demanda quels formulaires il faudrait remplir pour sortir de cette fosse lexicale.
Ernausien trouva que cela faisait beaucoup d’adjectifs réunis et que c’était bien trop lourd pour une phrase.
Faulknérien eut la nostalgie de son Sud, de ses marécages où, au moins, l’oiseau chante. À ses côtés, Pagnolesque vit soudain dans cette masse d’adjectifs un grand troupeau accablé.
Platonique ne pensa plus à l’amour, mais à la possible édification d’une République d’adjectifs.
Stendhalien n’avait pas encore fini de croire à l’amour.
Rabelaisien était au milieu et se frappait la panse suffixale, plein de la drôlerie du moment, « torcheculadjectifs ! » s’amusait-il.
Rimbaldien se demandait s’ils allaient rester là pour l’éternité.
Sadique eut un petit rire à l’idée que cette situation se prolonge.
Kingesque trouvait ça génial et prenait des notes.
Shelleyen reconnaissait dans ce piège la trace d’un récit antique, mais laquelle ?
Ils tournèrent tous la tête vers le sommet céruléen (bref, le ciel). L’adjectif qui regardait la scène (et pas le ciel) éclata d’un rire inextinguible. Tous les adjectifs étaient comme amassés de force dans la fosse d’orchestre, aux premières loges pour admirer l’adjectif du jour. Le voilà le vainqueur, l’adjectif du 25 : homérique.
Son rire dura jusqu’à n’en plus finir. On dit qu’il dura l’année entière jusqu’à l’apparition d’un nouveau calendrier d’avent.