
"Margaret Thatcher once said anyone on a bus over the age of 25 is a failure"
Les ratés, les sans-dents, ceux qui ne sont rien, ceux qui prennent le bus. Le pauvre change de dénomination selon les époques, les pays, les dirigeants.
Le pauvre change de nom. Pas forcément de bus. Il a son quartier, il a ses trajets.
Il est bruyant. Il remplit les bus. On ne lit pas son avenir dans les lignes de sa main, mais dans la ligne de son bus.
La topographie de sa vie est simple. Son premier bus indique « Maternité ». Son dernier « Cimetière ».
Sa trajectoire changerait si seulement on l’aidait à vivre mieux. Hélas, l’ascension sociale ne passe pas par un couloir de bus, manifestement.
L’avion, c’est la classe, la modernité recommencée. Dans la pensée néolibérale, prendre le bus est un signe d’échec.
La voiture des années cinquante a rendu le bus obsolète. Une fois de plus, ceci tuera cela.
La monarchie anglaise a ses pauvres. Un bus s’arrête devant Buckingham Palace.
À un certain âge, prendre encore le bus est un signe d’échec dans sa vie sociale. La phrase a été prêtée à Margaret Thatcher.
On prête vie à cette formule depuis le milieu des années quatre-vingt. Peut-être 1986. L’année, où Miss Maggie décida de privatiser les transports publics.
L’âge qui marque l’infamie varie. 25, 26, 29, 30 ans…selon la mansuétude du contexte social, du dominant en place.
Tout comme Boris Johnson sillonnant l’Angleterre pour défendre son Brexit, Margaret Thatcher voyait l’utilité du bus.
Un bus servit en effet aux tournées politiques de la Dame de Fer. Pas n’importe quel bus. Pas un bus de ligne. Un bus d’élite. Blindé, du plancher aux parois, en passant par les vitres. Pare-balles. Pare-éclats.
Mieux.
Sur roues, ce bus était un abri antiatomique, antiarmes chimiques et biologiques. Ce que la peur des pauvres et de toutes ces masses incontrôlées génére chez les riches, tout de même.
Anyone on a bus over the age of 25 is a failure.
Margaret Thatcher a-t-elle prononcé cette phrase ? On ne peut le jurer, mais on se battra jusqu’à la mort pour qu’on ait le droit de lui prêter cette phrase néolibérale. Ce mot lui va si bien.
Années 2000. La phrase apocryphe de Miss Maggie a sa déclinaison française sous le mandat de Sarkozy. Le président porte une Rollex. Jacques Seguéla, la star des années quatre-vingt de la pub, du slogan et de la bonne formule, avait cru malin de déclarer à la télé « "Si à cinquante ans on n'a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie !".
Les objets de référence changent. Les idées, les préjugés, non.
Et pourtant, le bus n’est-ce pas la réalisation concrète de la devise de la République : Liberté, Égalité, Fraternité ?
Anyone on a bus over the age of 25 is a failure ?
Failure. Heureuse soit la fêlure, car elle laisse passer la lumière.
Peut-être qu’avec ce monde qui change, il serait de bon ton de rendre le bus plus tendance et de corneriser l’avion.
Celui qui prend constamment l’avion après 30 ans a raté sa vie et celle des autres, non ?