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Billet de blog 10 avril 2022

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Faire mieux à l'avenir

D’un point de vue « convivialiste », il me semble assez logique qu’aucun appel à voter pour un-e candidat-e en particulier ne peut s’imposer en tant que tel au nom de l’ensemble des convivialistes

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 Faire mieux à l'avenir

par Erwan Lecoeur  

 N’intervenant que très peu sur la liste de discussion convivialiste mais lisant régulièrement les échanges pour alimenter ma réflexion (écrits et interventions médias), vous me permettrez quelques mots rapides, d’étonnement et de proposition, à la lecture des échanges qui se croisent depuis quelques semaines à propos de la présidentielle. 

 D’un point de vue « convivialiste », il me semble assez logique qu’aucun appel à voter pour un-e candidat-e en particulier ne peut s’imposer en tant que tel au nom de l’ensemble des convivialistes (merci Alain). Par contre, je m’étonne régulièrement de constater que les échanges tournent beaucoup autour de tentatives de convaincre de voter pour tel ou tel sur des argumentaires liés aux « manques » supposés des autres candidiat-e. Rien de comparable à ce que l’on voit sur les réseaux sociaux, heureusement, où un certain “amour des petites haines” semble être devenu un sport de combat affectionné par les militant-es et sympathisants de l’axe social-écologiste. Tout cela a-t-il vraiment un intérêt ?  Je crains que non. Et surtout, cela a des conséquences mortifères et regrettables, à court, moyen et long terme. Tous ces noms d’oiseaux et ces vérités parcellaires entament fortement les capacités de jouer un rôle dans la nouvelle tripolarisationd u champ politique. Alors qu’il serait urgent de refonder un « bloc » socio-politique autour des idées largement partagées au sein du pôle « social-écologiste », face à la montée des 2 autres forces socio-politiques adverses : le pôle réactionnaire-identitaire et le pôle « libéral-gestionnaire ». C’est pourtant à cela qu’il faudrait s’attacher, de toute urgence, en pariant sur les convergences (fortes) et en cessant de vouloir asséner sa petit part de vérité à tous prix. 

  Et plus grave encore, je m’inquiète de ne pas lire ici  (et assez peu ces derniers mois ailleurs) ce qui me paraît être la nouveauté radicale de cette élection : nous avons des adversaires désignés et revendiqués, puissants, conquérants, aux portes du pouvoir. Et nous n’en parlons pas, n’avons que peu discuté stratégie, ou feignons de ne pas voir ce qui se passe. Serait-ce que nous aimons danser sur le volcan ?   Non, Le Pen ou Macron, ce n’est pas du tout l même chose. Et j’espère que la vulgate relativiste du trotskisme révolutionnaire de LO et des révolutionnaires de pacotille n’a pas trop obscurci les esprits. 


Je me retrouve dans la situation inconfortable et étrange que j’ai déjà connu avant le 21 avril 2002 : annonçant la possibilité forte de Le Pen au second tour (dans ma thèse en sociologie sur le FN, soutenue le 3 mai 2002) et observant les gauches et les écologistes se disputer une once supposée de vérité supplémentaire, une légère progression / prééminence dans leur camp politique et se répartissant les places pour le festin… qui n’eut pas lieu.  Jospin, Mamère, Taubira, Chevènement, 3 trotskistes, etc.   Et l’abstention à 28% = Le Pen au second tour. Et Chirac ("super menteur » des Guignols) réélu sans effort. J’avais mis en exergue de mon livre  «un néo-populisme à la française » paru en 2003 ces quelques mots de Serge Moscovici (1988), penseur écologiste remarquable (trop peu connu), psycho-sociologue de génie (minorités active, l’âge des foules, l'influence, la nature, l’écologie comme forme de vie, etc., etc.), toujours d’actualité : 

 Nous sommes comme dans une serre, sans bouger, le moindre choc pouvant faire voler l’édifice en éclats.  Il se peut que le fond de l’éthique reste, une certaine terreur de la vie, partout à fleur de peau.  C’est uniquement en cas de péril extrême que nous nous inquiétons les uns auprès des autres :  « Comment trouver une morale ?” Qui nous manque.        Serge Moscovici, La Machine à faire des Dieux, 1988. 
Aujourd’hui, c’est pire. Le Pen sera au second tour. On le sait depuis 2017. Ni l’écran de fumée médiatique Zemmour-Bolloré, ni l’Ukraine n’y ont rien changé, au contraire. Les Gilets jaunes et les antivax, aidés et récupérés par la fachosphère ont bien plus avancé que tous les intellectuels assis (Audiard).  La “tentation de la ruine“ monte, confortée par une base sociale forte et des ressentiments divers. Et le soutien à Macron baisse chaque jour.  Pendant ce temps, les partisans d’une gauche écologiste impuissante avancent vers le scrutin sans espoir, en accusant le concurrent le plus proche d’être « irresponsable », ou pas assez ceci, cela… Nous fonçons vers l’abime, en engueulant les autres et en comptant sur les freins pour éviter l’abîme.  Sociologue et observateur de l’état de nos sociétés (par enquêtes régulières), j’ai une info à partager : la révision de notre vieille machine électorale n’a pas été faite. Les freins sont émoussés. Les jeunes, les catégories populaires, les désaffiliés et bon nombre d’ex « gauchistes » ne viendront pas « sauver le général Macron » cette fois. C’est ce qui ressort de toutes les enquêtes récentes (qualitatives et quantitatives, plus de 5000 personnes) : la « fatigue démocratique » a éloigné 30% de l’électorat, et majoritairement des catégories qui auraient du avoir de l’espoir (jeunes, employés) et qui n’en ont plus. 
En résumé : Le Pen a plus de réserves que jamais (Zemmour et LR au 1er tour) et Macron en a de moins en moins. L’accident électoral est possible.   Que ferons nous, au soir de 24 avril ?  Pour ma part, je serai sur les plateaux de télé et radio et j’annoncerai mon entrée en « résistance ». Sans trop savoir comment, j’avoue.    Contrairement à de nombreux idéologues de salon, qui ne craignent pas grand chose et pérorent sur l’air de « on ne me la fait pas à moi », je suis dans une situation plus simple : comme des millions de migrants, de jeunes, de femmes, de personnes engagées, je vais subir Le Pen directement, dans ma vie et dans ma réalité. Je ne me suis pas donné le choix et je ne l’ai pas ; je travaille, j’écris, je combats (en direct, parfois) et j’argumente en public sur le FN et les dangers de l’extrême droite depuis plus de 20 ans... et Marine Le Pen et ses amis ne m’apprécient guère. :-(. Ma famille vivait en Inde et a quitté ce pays devenu proto-fasciste (nationaliste hindouiste). En Hongrie, en Russie, les choses sont déjà en place. Le néo-fascisme n’est pas une promenade de santé.  

    Voila pourquoi j’aimerais pouvoir compter sur une force socio-politique puissante et déterminée, pour éviter le pire. Voila pourquoi j’espère que cette alerte plus que sérieuse en restera à une frayeur, que nous irons voter en masse, avec tous nos proches, sans illusion, mais un sourire léger au coin de la bouche, en forme de pacte, de serment que nous allons “faire mieux à l’avenir”. J’espère, oui, que de la crise sortira une opportunité, que la séquence nous donnera enfin le sentiment d’urgence réelle, multiforme, qui semble nous manquer, collectivement, depuis des années.  Convivialistes, écologistes, écosocialistes, social-écologistes, humanistes, alter-mondialistes, femmes et hommes de bonne volonté, nous allons devoir construire une maison commune, un lieu d’accueil de nos différences légères et de nos volontés commune, pour nous redonner de la force et de l’espoir.   
Bien convivialement, 

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