Convivialisme
par Claude Alphandéry
Je suis assez vieux pour avoir vécu les sombres années de l’invasion nazie et participé à la Résistance contre la barbarie. Je ne puis oublier l’idéologie et les actes inhumains qui ont sévi à travers le monde et souillé notre pays. Et je ne garde pas moins la mémoire inverse des maquis ; c’est là que le peuple de citoyens unis, solidaires, a appris à s’interroger sur l’avenir commun et que s’est forgé l’élan qui a renversé la situation, libéré la France et régénéré la démocratie.
Ces souvenirs résonnent amèrement aujourd’hui lors d’une campagne électorale présidentielle et législative engageant notre avenir, où rebondit la même idéologie d’une extrême droite plus haineuse que jamais, mais où malheureusement les forces de la gauche, cette fois désunies, sont à la peine pour y faire face comme alors.
Beaucoup de convivialistes, quelle que soit la nature de leur engagement politique s’inquiètent de cette désunion qui mine la Résistance alors même que des dangers redoutables s’accumulent : catastrophes écologiques – risques de guerre ou d’accidents nucléaires – mise en péril social ou vitale de nombreuses population.
Nous sommes décidés à mener un effort de rassemblement autour des valeurs de respect d’autrui, de sauvegarde de la nature et de biens communs, qui fondent notre civilisation.
Nous savons aussi que se rassembler ne va pas de soi. Car, inspirés, attachés à des principes communs, nous sommes divisés sur leur application, portés par des valeurs de liberté et de régulation, d’universalisme et de diversité qui peuvent être contradictoires et par des interprétations différentes de l’égalité et la laïcité.
Sur le respect et le partage de ces valeurs, nous avons, selon des proportions et des moments variés, une double tendance contradictoire au radicalisme et au compromis.
Le radicalisme sans nuance risque de glisser vers l’agressivité et l’oppression.
Le compromis,, l’ouverture, l’acceptation de la différence peuvent glisser vers le relativisme et la compromission.
Beaucoup d’entre nous ressentent les difficultés de cette ambivalence mais ont su par la réflexion écarter les divergences et les malentendus, réduire les désaccords, dès lors qu’ils ne touchent pas les valeurs fondamentales, avancer dans la discussion en explorant comme Edgar Morin les chemins d’un radicalisme tempéré, maitrisé.
J’essaye d’être l’un d’eux vis à vis des propositions foisonnantes qu’Alain Caillé réussit à faire converger. Je le fais aussi au sein des 2 grandes organisations que j’ai cofondées, France Active et le Labo de l’ESS, et qui privilégient la coopération plutôt que l’isolement, la solidarité plutôt que le profit.
Elles m’ont permis de m’intégrer dans des groupes de citoyens qui s’efforcent par leurs initiatives à faire émerger des jours heureux dans un monde respectueux de la nature et des humains. Ce qui est, je crois, le sens du convivialisme.