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Tribune 1 févr. 2023

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Constitutionnalisation de l’IVG : les sénateurs ne peuvent plus reculer !

En consacrant le droit à l’IVG dans la Constitution, la France lui offrirait une solide protection contre ses actuels ou futurs détracteurs. Un ensemble d'organisations et personnalités appelle les sénatrices et sénateurs à « réaffirmer l’indivisibilité des droits des femmes » en constitutionnalisant ce droit : « Il en va de notre responsabilité collective, envers les futures générations de filles et de femmes ».

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Le 1er février, le Sénat aura la lourde responsabilité d’examiner la proposition de loi inscrivant le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Un grand pas a déjà été fait par l’Assemblée Nationale, qui a l’a adopté le 24 novembre dernier. Désormais, c’est aux sénateurs de se prononcer sur ce texte fondamental pour les droits des femmes.

En écrasante majorité des hommes, de bords politiques conservateurs, ils ont rejeté la précédente proposition de loi tendant à constitutionnaliser le droit à l’IVG, en octobre dernier. Pourtant, les sénateurs ont déjà pu consacrer certaines avancées pour les droits des femmes. Encore récemment, ils ont adopté en première lecture à l’unanimité la création d’une aide universelle pour les victimes de violences conjugales.

Aujourd’hui, nous sommes plus nombreux.ses que jamais à affirmer la nécessité de constitutionnaliser le droit à l’IVG. Le Sénat ne peut s’obstiner à ignorer la voix des femmes mais aussi celle de tous les français.es, dont 81 % sont favorables à cette décision.

Une nécessité aussi pratique que symbolique

Les risques encourus par les femmes qui avortent clandestinement ne sont plus à démontrer : les complications physiques (hémorragies, infections, lésions, décès…) et psychologiques constituent des dommages irréversibles pour ces femmes. Ces risques sont des réalités pour celles vivant dans les pays qui ont restreint le droit à l’IVG. En Pologne, au moins 3 femmes sont mortes depuis la quasi totale interdiction de l’avortement dans le pays.

En consacrant le droit à l’IVG dans la Constitution, la France lui offrirait une solide protection contre ses actuels ou futurs détracteurs. En effet, sa valeur constitutionnelle rendrait le processus de remise en cause de l’IVG sensiblement plus long et plus difficile que la simple abrogation d’une loi. Les majorités politiques à réunir seraient davantage exigeantes, permettant alors de préserver ce droit sur le long terme.

Cette décision serait également hautement symbolique : la France pourrait enfin redorer son blason, en mettant ses actions en cohérence avec ses valeurs prônées de “libertés” et de “droits humains". Devenir le chef de file d'une diplomatie féministe l’oblige également à mettre d’abord en œuvre chez elle ce qu’elle dénonce ailleurs. Condamnant fermement le recul des droits des femmes en Iran ou en Afghanistan, la France n’est pourtant pas à la hauteur de ses engagements féministes, contrairement à certains de ses voisins européens. L’Espagne ou la Belgique ont par exemple fait des violences fondées sur le genre des priorités politiques. Devenir le premier pays à verrouiller ce droit dans sa loi fondamentale enverrait un message fort sur la scène internationale.

Le moment ou jamais de réaffirmer l’indivisibilité des droits des femmes 

Intégrer le droit à l’avortement dans la Constitution, et ce aujourd’hui, est indispensable. Les attaques envers l’IVG et la liberté de disposer de son corps se multiplient dans le monde. Après sa restriction en Pologne, les Etats-Unis sont revenus sur la protection constitutionnelle accordée à ce droit depuis 1973. L’évolution politique récente se montre défavorable aux droits humains, surtout en Europe, qui voit les mouvements conservateurs et anti-choix prendre de l’ampleur.

Si de tels mouvements ne sont pas encore au pouvoir en France, les majorités politiques restent instables. Le Sénat a donc entre ses mains une opportunité unique de consacrer ce droit. Dans le cas inverse, nous prenons le risque de ne plus jamais voir une telle occasion se présenter.

Il devient également impératif de sacraliser le fait que nos droits en tant que femmes sont indivisibles. Le droit de disposer de nos corps en fait partie intégrante, et se doit d’être inscrit dans le marbre.

La lourde responsabilité du Sénat

Le temps est venu que les sénateurs et sénatrices honorent les voix des premières concernées par ce sujet. Ce vote pourrait également inciter le gouvernement à reprendre lui-même cette initiative sous forme de “projet de loi constitutionnelle”. Cette procédure permettrait non pas de soumettre le texte au référendum, mais seulement à un ultime vote du Congrès (la réunion de l'Assemblée Nationale et du Sénat).

La constitutionnalisation est le seul rempart envisageable contre les instabilités politiques et le recul de nos droits, pour lesquels nos courageuses prédécesseures se sont battues. Il en va de notre responsabilité collective, envers les futures générations de filles et de femmes. Mesdames et Messieurs les sénateurs, vous avez le devoir de ne plus reculer.

Signataires : 

Charlotte Kan, Journaliste et Présidente de Humanity Diaspo

Rana Hamra, Directrice Générale de Humanity Diaspo

Justine Arnoux, Chargée de plaidoyer droits des femmes de Humanity Diaspo

Caroline Sakina Brac de la Perrière, DG Fonds pour les Femmes en Méditerrannée (FFMed)

Jeanne Hefez, Conseillère Plaidoyer de Ipas

Kakpotia Marie-Claire Moraldo, Fondatrice et directrice générale des Orchidées Rouges

Fanny Benedetti, Directrice Exécutive d’ONU Femmes France

Dr Guila Clara Kessous, Artiste de l'UNESCO pour la paix 

Amina Bouri, Présidente Empower'Her 

Hanna Assouline, Réalisatrice et Co-présidente de Guerrières de la Paix 

Christèle Galpin, Présidente de Alfafaz

Esther Fouchier, Présidente du Forum femmes Méditerranée (FFM)

Véronique Moreira, Présidente de WECF France

Caroline Neyron, Directrice Générale de Mouvement Impact France 

Aïssata Ndiaye, Présidente Fédération nationale du GAMS

Noanne Tenneson, DG de l’Alliance des Avocats pour les Droits de l'Homme (AADH)

Alice Barbe, Présidente de l'Académie des Futurs Leaders

Ramata Kapo, Présidente Excision, Parlons-en !                                                                     

Magali Bragard, Présidente de MaMaMa

Lamia Batata, Chargée des relations avec les associations du FFMed

Frédérique Martz, DG associatif

Maÿlis Buonomo, Head of social impact 

Anne-Claire Roux, Directrice générale d’un Fonds de dotation et co-créatrice de la campagne #SiJétaisElles

Hua Mai, Réalisatrice 

Mélusine Mallender, Réalisatrice 

Cécile Pellault, Écrivaine

Sabrina Ganeswaran, Élue municipale de la Courneuve (93) et Responsable informatique

Loline Bertin, Adjointe Mairie de Montreuil (93)

Binta Jammeh, Féministe, anti-raciste et facilitatrice à la conduite du changement

Eva Sadoun, Entrepreneure et militante 

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