Madame la Ministre,
Chaque année, le 1er avril marque la fin de la trêve hivernale et, avec elle, le retour du bal funeste des expulsions locatives. Chaque année, cette date représente pour un grand nombre de familles la reprise du cauchemar : celui de perdre son toit, et avec lui, ses droits les plus élémentaires à la dignité.
Par le passé, un certain nombre de maires progressistes, communistes et républicains mais aussi socialistes et écologistes, ont signé des arrêtés conditionnant toute expulsion sur notre territoire à une solution de relogement. C’est une mesure visant à assumer notre responsabilité de maintien de l’ordre public, c’est une mesure visant à protéger nos populations, déjà confrontées à de nombreuses difficultés, du traumatisme de l’expulsion. C’est une mesure visant à protéger le droit au logement, comme un droit fondamental de l’être humain.
Pourtant, ces arrêtés ont été, sur demande des Préfets, systématiquement cassés par les Tribunaux Administratifs.
Sachez, Madame la Ministre, que notre objectif n’a jamais été de disconvenir à la loi. Bien au contraire. Il s’agit d’en assurer son plus strict respect.
La France est signataire, comme bon nombre d’autres pays, de traités internationaux qui, par l’article 55 de notre Constitution, ont « une autorité supérieure à celle des lois ». Et notamment du Pacte des Nations Unies sur les Droits Economiques Sociaux et Culturels dont l’article 11 stipule « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne et sa famille à un niveau de vie suffisant, comportant nourriture, vêtement et logement, et à l’amélioration constante de ses conditions de vie et s’engagent à prendre les mesures nécessaires »
La France, qui a publié ce Pacte au Journal Officiel du 1er février 1981 avec la mention « entrera en vigueur pour la France le 4 février 1981 » reconnaît donc, par une autorité supérieure à celle des lois du pays, le droit au logement et doit s’engager à prendre les mesures nécessaires à son respect.
Il en résulte que l'engagement pris par l'Etat aux termes de l'article 11 lui est opposable, puisqu’un droit proclamé est reconnu, et que toutes les autorités de l'Etat sont tenues d'y conformer leurs décisions.
Mais force est de constater que sur ce sujet, encore plus que sur d’autres, l’Etat manque à ses plus simples obligations. En votant la loi sur le Droit Au logement Opposable, la France a implicitement officialisé la négation du droit au logement en tant que tel. La loi DALO, renverse donc le rapport entre principe et exception.
S’il existe un droit qui serait opposable et des conditions auxquelles on peut en bénéficier, alors cela signifie qu’il y a en face, un droit au logement qui serait non opposable. La loi DALO n'est donc pas une loi qui rend le droit au logement opposable, mais bien une loi qui en réduit l'opposabilité aux conditions qu'elle édicte. Elle dédouane l’Etat de ses obligations internationales. Et oblige les citoyens à démontrer, par une longue procédure, l’opposabilité de leur droit.
Que dit cette loi concernant les expulsions locatives ? Que toute personne menacée d’expulsion sans possibilité de relogement peut être reconnue DALO. Une circulaire de 2012, co-signée par votre prédécesseur Cécile Duflot et par Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, reconnaît même le caractère « paradoxal » pour le Préfet de procéder à l’expulsion tout en ayant la charge du relogement des personnes reconnues prioritaires, et demande à ce que les Préfets veillent « à mettre en œuvre systématiquement le relogement effectif du ménage dans un délai tel qu’il intervienne avant la date à laquelle le concours de la force publique sera mis en œuvre »
Toute personne menacée d’expulsion sans possibilité de relogement ne devrait donc pas pouvoir être expulsée de son logement. C’est le sens des arrêtés que nous signons depuis des années. C’est le sens des engagements de l’Etat au niveau international. C’est le sens du Droit au logement, reconnu comme droit fondamental.
Il est temps que l’Etat mette fin à cette hypocrisie qui consiste à demander à chaque citoyen de démontrer l’opposabilité de son droit au logement. Alors qu’il reste 150 000 personnes sans domicile en France, il est temps d’établir le droit au logement pour tous. Il est temps que plus une seule famille menacée d’expulsion sans possibilité de relogement ne soit victime d’expulsion.
Cela demande le respect des engagements de l’Etat au niveau international. Cela demande le respect des engagements du gouvernement en terme de places d’hébergement, la relance de la construction de logements, et notamment de logements très sociaux, par le rétablissement des aides à la pierre, la réquisition des logements vides, l’application de la loi SRU partout et la condamnation, voire la destitution des maires hors la loi.
Nous sollicitons suite à cet appel, l’ensemble des maires progressistes, parlementaires et associations qui défendent le droit au logement car, Madame la Ministre, nous ne pouvons accepter que le 1er avril marque une année de plus, une année de trop, le jour anniversaire d’une telle indignité nationale.
Les premiers maires signataires :
Sylvie Altman, maire de Villeneuve St Georges; Marie Hélène Amiable, maire de Bagneux; Stéphane Barre, maire d’Oissel-sur-Seine; Marie France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps; Charlotte Blandiot Faride, maire de Mitry-Mory; Stéphanie Daumin, maire de Chevilly-Larue; Franck Demaumont, maire de Chalette-sur-Loing; Meryem Derkaou, maire d’Aubervilliers; Patrick Douet, maire de Bonneuil-sur- Marne; Patricia Fernandes Pedinieli, maire de Port-de-Bouc; Maryvonne Hautin, maire de Saran; Sébastien Jumel, maire de Dieppe; Carine Juste, maire de Villetaneuse; Jean Claude Kennedy, maire de Vitry-sur Seine; Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers; Michel Lefebvre, maire de Douchy-Les-Mines; Jean-Marc Lespade, maire de Tarnos; Dominique Lesparre, maire de Bezons; Gilles Leproust, maire d’Allonnes; Joël Marion, maire de Compans; Annick Matighello, maire de Louvroil; Christine Morel, maire d’Harfleur; Didier Paillard, maire de Saint-Denis; Michèle Picard, maire de Vénissieux; Gilles Poux, maire de La Courneuve; Renzo Sulli, maire d’Echirolles; Azzédine Taibi, maire de Stains; Patricia Tordjman, maire de Gentilly; Sylvie Thomassin, maire de Bondy.
Pour signer cet appel, allez sur www.ville-stains.fr