La proposition de loi Duplomb a été examinée en Commission mixte paritaire, à huis clos, loin des regards citoyens, scientifiques et agricoles qui n’ont cessé de dénoncer ses dangers. S'ouvre alors l’ultime débat législatif d’un texte profondément contesté, qui pourrait acter un recul majeur pour la santé publique, la protection de la nature, l’indépendance scientifique et l’avenir de notre agriculture.
Lors de son examen à l’Assemblée nationale, le débat démocratique a été contourné, avec la motion de rejet qui a privé les parlementaires d’une discussion approfondie. Ainsi, la loi risque d’être adoptée avec la commission mixte paritaire. Pourtant, collectifs, chercheurs, agriculteurs, professionnels de santé et citoyens ont adressé des alertes précises sur les risques systémiques de ce texte. Une loi aux enjeux aussi cruciaux – pour notre agriculture, notre alimentation, notre santé – mérite un examen rigoureux et transparent à la hauteur de ses conséquences.
Si elle prétend répondre à la détresse du monde agricole, cette proposition organise en réalité un recul démocratique et environnemental sans précédent et compromet gravement la santé publique. La crise agricole récente a révélé les impasses du modèle productiviste dominant, mais la loi persiste dans le déni. Prenant la protection de la nature comme bouc émissaire de la détresse des agriculteurs, elle n’aborde aucun des problèmes structurels – dépendance aux intrants, pression économique, isolement…– et rien n’est prévu pour accompagner la transition agroécologique à laquelle aspirent une majorité d’agriculteurs (85% d’entre eux selon une étude du Collectif Nourrir).

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Pire, la loi affaiblit les instruments de protection collective, désarme la puissance publique face aux intérêts industriels, et au nom d’un prétendu « bon sens » agricole, s’attaque frontalement à l’indépendance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES). En restreignant ses compétences d’évaluation et d’autorisation des pesticides, elle ouvre la porte à une influence accrue des lobbies agroindustriels sur les décisions publiques. Ce n’est pas un simple ajustement administratif, mais une remise en cause du principe de précaution, un effacement assumé des contre-pouvoirs indispensables à une gouvernance démocratique des questions et sanitaires et environnementales.
Alors que nous fêtons ce dimanche 29 juin les 2 ans de la condamnation de l’Etat pour sa responsabilité dans la contamination massive des écosystèmes par les pesticides, le texte réautorise directement des pesticides actuellement interdits et favorise aussi des pratiques agricoles destructrices, telles que la construction accélérée de méga-bassines, l’affaiblissement des normes environnementales pour les élevages industriels, ou encore la réduction des obligations de préservation des zones humides. Ce modèle intensif, déjà en échec sur les plans économique, social et écologique, est ainsi renforcé à marche forcée.
La loi Duplomb procède d’un choix politique délibéré qui n’apporte aucune solution durable aux crises agricoles et environnementales actuelles. Au contraire, elle ouvre une dangereuse brèche dans notre contrat social : celle d’un abandon assumé de la science, de la transition écologique, du droit de l’environnement et de la démocratie sanitaire. Pour préserver la santé publique, garantir l’indépendance scientifique, et défendre la démocratie environnementale, nous appelons à un véritable débat démocratique et au refus de ce recul majeur.
Dans toute la France, des agriculteurs, des scientifiques et des citoyens se sont déjà mobilisés et se mobiliseront dimanche 29 juin dans plus d’une centaine de villes pour dire non à la loi Duplomb.
Pour signer la tribune, cliquez ici.
Premiers signataires :
Julien Kien, Président de Bio Consom'acteurs
Jérémie Suissa, Délégué Général de Notre Affaire à Tous
Frédéric Chassagnette, co-Secrétaire Général SNETAP-FSU
Pierre-Michel Perinaud, Président d'Alerte des médecins sur les pesticides
Ludovic Brossard, Elu alimentation durable Ville de Rennes
Evelyne Boulongne, porte-parole MIRAMAP
Jean-Jacques Mabilat, président de Coquelicots de Paris
Pascale POUPIN, Présidente SOS MCS (Sensibilité Chimique Multiple)
Julie Stoll, Commerce Équitable France, Déléguée Générale
Hélène GROSBOIS, Chemical Interests
Pierre Rustin, Directeur Recherche CNRS CE2, Émérite
Marie-Monique Robin, Journaliste, documentariste, écrivaine
Pascal Vaillant, Enseignant-chercheur à l'Université Paris Nord
Kim Vo Dinh, co-président de Combat Monsanto
Francis Chateauraynaud, sociologue, EHESS,
Camille Dorioz, directeur des campagnes Foodwatch
Nadine Lauverjat, déléguée générale de Générations futures
Paule Benit, Ingénieure de Recherche Inserm
Magali Payen, Fondatrice d’On est prêt
Tatiana Giraud, Directrice de recherches CNRS, Université Paris Saclay, Académie des Sciences
Malaury Morin, co-fondatrice et chargée de campagnes de Blutopia
Yann Arthus-Bertrand, photographe
Béatrice Robrolle, Présidente de Terre d’Abeilles
Marc-André Selosse, professeur du Muséum National d'Histoire Naturelle, membre de l'Institut universitaire de France, membre de l'Académie d'Agriculture de France
Jean-François Corty, Président de Médecins du Monde
Eric John, président de la Fédération Terre de Liens
Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture et Alimentation chez Greenpeace France
Bénédicte Hermelin, Directrice Générale de France Nature Environnement
Caroline Chevé, Secrétaire Générale de la FSU (Fédération Syndicale Unitaire)
Jacques Caplat, coordinateur des campagnes “agriculture et alimentation” à Agir pour l’environnement
Philippe Richard, président de l'APSH
Dr Jean-Michel JEDRASZAK Président de AIVES (Association InterVillage pour un Environnement Sain)
Galy Extinction Rebellion France