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Tribune 4 avril 2025

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Pour le respect des libertés publiques en Kanaky

« Nous estimons qu’il appartient au peuple kanak de déterminer librement son avenir », déclarent un ensemble de juristes et avocats. « Partisans du droit à l’autodétermination, nous estimons que, “restaurer le processus politique”, comme le prétend le gouvernement, suppose nécessairement, au préalable, l’abandon des mesures attentatoires aux libertés prises par l’Etat ». 

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Depuis bientôt une année, l’Etat colonial français poursuit sa politique répressive en Kanaky, au mépris des droits les plus fondamentaux. 

En février, le gouvernement a annoncé la reprise du dialogue sur le sort de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, avec des entretiens bilatéraux. 

Pour cela, le Premier ministre a confié au ministre des Outre-mer la mission de “restaurer le processus politique”. 

Peut-il y avoir restauration d’un « processus politique », sans que ne soit abordée la question du rétablissement des droits les plus fondamentaux sur l’archipel ?  

Si, au printemps dernier, le gouvernement avait été contraint de renoncer au projet de réforme constitutionnelle en vue du dégel du corps électoral en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, il n’a pas pour autant renoncé à la mise en œuvre de mesures particulièrement attentatoires aux libertés du peuple Kanak. 

Souvenons-nous, le 15 mai dernier, le Président Emmanuel Macron avait instauré l’état d’urgence, fondé sur la loi du 3 avril 1955, qui lui avait alors permis de recourir à des mesures d’exception et, sur décision directement prise par le ministre de l’intérieur, d’assigner à résidence une trentaine de militants politiques et syndicaux de la cause indépendantiste. 

Au même moment, le Gouvernement bloquait l’accès au réseau social Tik Tok sur l’archipel (une telle mesure n’avait jusqu’alors été prise qu’en Chine, en Russie ou en Corée du Nord). Parallèlement, un total de 6 000 agents des forces de l’ordre étaient déployés, soit 1 fonctionnaire chargé du maintien de l’ordre pour 50 habitants.

11 kanak étaient tués, soit par des milices caldoches, soit par les forces de l'ordre. Le Haut-commissaire de la République ordonnait une vaste opération de perquisitions administratives, et le Procureur de la République de Nouméa poursuivait massivement les participants aux manifestations, devant les juridictions pénales. 

À la mi-janvier 2025, le Procureur rendait publics les chiffres suivants : 2 600 gardés à vue (soit 1 kanak sur 100), 502 personnes présentées au parquet pour poursuites judiciaires, 243 Kanak incarcérés, 650 convoqués en justice, 30 informations judiciaires ouvertes et 520 personnes faisant l’objet d’alternatives aux poursuites (c’est-à-dire que leur culpabilité était retenue sans pour autant qu’elles soient jugées par un tribunal). 

Le 22 juin, 11 militants politiques et syndicaux (dont Christian Tein, élu depuis à la tête du FLNKS) étaient mis en examen, dont 7 placés en détention provisoire et transférés vers la métropole, le procureur estimant alors que les faits « relèvent d’un mouvement insurrectionnel, sur fond de radicalisation identitaire ».

Ce n’est que le 28 janvier 2025 que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a finalement fait droit à la demande de dépaysement de ce dossier, le parquet s’y étant toujours refusé. 

Plus globalement, depuis le mois de mai 2024, une soixantaine de prisonniers a été transférée dans l’Hexagone, à 17 000 km de leurs familles. 

À partir du mois d’août 2024, et dans un contexte de tensions, le Haut-Commissaire de la République « verrouillait » la route servant d’axe de communication entre Nouméa et le sud de la Grande Terre, interdisant de facto à des milliers de personnes de se déplacer pour se rendre dans les écoles, sur leurs lieux de travail ou à des rendez-vous à l’hôpital et créant d’importants problèmes d’approvisionnement.

Depuis 10 mois et encore à ce jour, des arrêtés portant interdiction générale de manifester sur le territoire des communes principales de l’archipel sont prononcés sans discontinuité, empêchant toute expression collective sur la voie publique.  

Sont par ailleurs prises des mesures sociales pénalisant directement les kanak. A partir du mois de juin 2024, la Province Sud a supprimé les aides alimentaires, suspendu l’aide médicale gratuite et a fermé plusieurs dispensaires. Ainsi, au début de l’année 2025, l’allocation de rentrée scolaire et l’aide au transport scolaire ont été supprimées ; l’aide allouée pour le financement de la cantine scolaire a été quant à elle drastiquement diminuée, conduisant de nombreuses familles à devoir choisir entre financer le repas à la cantine et financer le transport scolaire, contraignant de nombreux enfants à parcourir plusieurs kilomètres à pied, matin et soir, pour se rendre à l’école. 

Illustration 1
© Aisdpk Kanaky

De manière inédite, beaucoup d’inscriptions scolaires sont désormais refusées, sur la base de prétextes vétilleux rejetant par exemple la possibilité de justifier d’une adresse à l’aide d’une attestation d’hébergement. De nombreux élèves demeurent ainsi déscolarisés.

Parallèlement, aujourd’hui, plusieurs organisations politiques et syndicales dénoncent l’esprit revanchard du patronat, largement acquis aux positions loyalistes, se manifestant par des pratiques discriminatoires à l’embauche ou par les manœuvres privant de nombreux travailleurs kanak d’un accès aux marchés publics.

Déjà en août dernier, un collège d’experts de l’ONU s’était alarmé de la situation faite aux kanak, estimant que « la tentative de démantèlement de l'Accord de Nouméa porte gravement atteinte à leurs droits humains et à l'intégrité du processus global de décolonisation ».  « Le gouvernement français n'a pas respecté les droits fondamentaux à la participation, à la consultation et au consentement libre, préalable et éclairé des Peuples Autochtones kanak et de ses institutions, y compris le Sénat coutumier », a-il averti, en indiquant que, par ailleurs, la situation « soulève de sérieuses inquiétudes quant à l'état de droit ». 

Dans la même ligne, nous, juristes et avocats, estimons qu’il appartient au peuple kanak de déterminer librement son avenir. Partisans du droit à l’autodétermination, nous estimons que, « restaurer le processus politique », comme le prétend le gouvernement, suppose nécessairement, au préalable, l’abandon des mesures attentatoires aux libertés prises par l’Etat, le retour en Kanaky des prisonniers politiques détenus en métropole ainsi que l’arrêt immédiat des poursuites à l’encontre des militants de la cause kanak. Il faut parallèlement, que la lumière soit faite sur l’assassinat, par des miliciens, de militants et jeunes kanak.

Signataires :       

  • Mathieu ADOUTTE, juriste, collectif de soutien aux prisonniers politiques de Kanaky (CSPPK)
  • Mihidoiri ALI, avocat au barreau de Saint Denis de La Réunion
  • Prisca ANCION, avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis
  • Nino ARNAUD, avocat au barreau de Marseille
  • Néjia BACHA, avocate au barreau de Grenoble
  • Romane BARTOLI, avocate au barreau de Paris 
  • Rose-Marie BEAUFORT, avocate au barreau de Paris
  • Ambre BENITEZ, avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis
  • Célia BERT LAZLI, avocate au barreau de Paris
  • John BINGHAM, avocat au barreau de Seine Saint Denis
  • Livia BIRIBA, avocate au barreau de Paris
  • Antoine BON, avocat au barreau de Strasbourg
  • Matteo BONAGLIA, avocat au barreau de Paris
  • Nohra BOUKARA, avocat au barreau de Strasbourg
  • Suzanne BOUYSSOU, avocate au barreau de Paris
  • Cécile BRANDELY, avocate au barreau de Toulouse
  • Henri BRAUN, avocat au barreau de Paris
  • Julien BREL, avocat au barreau de Toulouse 
  • Vincent BRENGARTH, avocat au Barreau de Paris
  • Charlotte CAMBON, avocate au barreau de Toulouse
  • Océane CHOTEL, avocate au barreau de Toulouse
  • Anina CIUCIU, avocate au barreau de Seine-Saint-Denis
  • Dominique COCHAIN, avocate au barreau de Paris
  • Raphaël CONSTANT, avocat au barreau de Martinique 
  • Lionel CRUSOÉ, avocat au barreau de Paris 
  • Mireille DAMIANO, avocate au barreau de Nice, ancienne présidente du Syndicat des avocats de France
  •  Benoit DAVID, avocat au barreau de Paris
  • Carole DEBAZAC, avocate au barreau de la Seine-Saint-Denis
  • Amel DELIMI, avocate au barreau de Seine Saint Denis 
  • Sébastien DELORGE, avocat au barreau de Toulouse
  • Samy DJEMAOUN, avocat au barreau de Paris
  • Marion DODIER, avocate au barreau de Seine Saint Denis
  • Claire DUJARDIN, avocate au barreau de Toulouse 
  • Nawel GAFSIA, avocate au barreau du Val-de-Marne
  • Clara GANDIN, avocate au barreau de Paris
  • Marjane GHAEM, avocate au barreau d’Avignon
  • Patrick HENRIOT, magistrat honoraire
  • Brigitte JEANNOT, avocate au barreau de Nancy
  • Louisa LAMOUR, avocate au barreau de Paris
  • Justine LANGLOIS, avocate au barreau de la Seine Saint Denis
  • Mathilde LANTE, avocate au barreau de Marseille
  • Camille LANTE, avocate au barreau de Paris
  • Maya LINO, avocate au barreau de Paris
  • Tamara LOWY, avocate au barreau de Seine Saint Denis
  • Elsa MARCEL, avocate au barreau de Seine-Saint-Denis
  • Christine MARTINEAU  avocate au Barreau de Paris
  • Stéphane MAUGENDRE, avocat au barreau de Bobigny, vice-président du Syndicat des avocats de France
  • Laura MENGE, avocate au barreau de Paris
  • Ingrid METTON, avocate au barreau de Paris
  • Céline MOREAU, avocate au barreau de Genève (Suisse)
  • Camille NEVE, avocate au barreau de Nantes 
  • Karine Parrot, Professeure de droit à l'Université de Cergy-Pontoise
  • Aïnoha PASCUAL, avocate au barreau de Paris
  • Olivier PETER, avocat au barreau de Genève (Suisse)
  • Sonia PLAZOLLES, avocate au barreau de Toulouse
  • Foucauld PRACHE, avocat au Barreau de Paris 
  • Juan PROSPER, avocat au barreau de Paris 
  • Lorraine QUESTIAUX, avocate au barreau de Paris
  • Antoine RAMOGNINO, avocat au barreau de Toulouse
  • Emilie ROQUE, avocate au barreau de Toulouse
  • Constance RUDLOFF, avocate au barreau de Marseille
  • Sarah SAMEUR, avocate au barreau de Paris
  • Chloé SAYNAC, avocate au barreau de Paris
  • Lucie SIMON, avocate au barreau de Créteil 
  • Vincent SOUTY, avocat au barreau de Rouen
  • Rachel SPIRE, avocate au barreau de Paris
  • Gérard TCHOLAKIAN, avocat au barreau de Paris 
  • Flor TERCERO, avocate au barreau de Toulouse 
  • Camille VANNIER, avocate au barreau de Seine Saint Denis
  • Louis WEINLING-GAZE, avocat au barreau de Saint-Denis de la Réunion