Ce texte émane de l’Assemblée Générale annuelle de l’Association Française des Anthropologues qui s’est tenue à la Cité Internationale Universitaire de Paris le 14 juin 2024, à l’issue d’une journée d’étude dont la thématique - décidée à l’automne précédent - résonnait fortement avec le moment politique où elle se tenait : « Soulèvements, séparations, séparatismes ». Dans un esprit d’unité, de solidarité et de combativité, nous proposons ce court texte à la signature aux autres associations et sociétés savantes ainsi qu’aux revues et équipes de recherche de Sciences Sociales et appelons de nos vœux des prises de position équivalentes des autres disciplines et institutions de recherche et d’enseignement supérieur.
Chercheur·ses et enseignant·es-chercheur·ses en sciences sociales, nous prenons la parole aujourd’hui pour dire notre inquiétude face à la conjoncture politique de montée du fascisme et de fascisation en France, au lendemain des élections européennes et à la veille d’élections législatives anticipées, voulues par le président É. Macron.
Toutefois, cette droitisation extrême de la société française ne nous surprend pas : au fil de nos éditoriaux, de nos recherches, de nos tribunes nous l’avons, depuis plusieurs années déjà, documentée et analysée. Nous en avons examiné les modalités, les processus, les enjeux et nous en sommes alarmé·es. Et ce, sans nous taire face aux accusations d’islamo-gauchisme, de wokisme, de « culture de l’excuse », etc. et en revendiquant nos libertés académiques de recherche et d’enseignement ainsi que notre liberté de parole, de pensée, de débats et de dissensus.
Instruit·es par les expériences de nos collègues universitaires turc·ques, brésilien·nes, argentin·es, etc. qui ont vécu les effets de l’arrivée d’un gouvernement d’extrême droite au pouvoir dans leurs universités, nous savons qu’il est possible que demain, on prétende nous empêcher d’exercer nos métiers librement et dans les directions de notre choix. Déjà, les orientations de nos tutelles se sont récemment faites plus directives, les budgets plus orientés, les choix de colloques, de séminaires et de conférences, plus restreints et leurs interdictions par crainte de « troubles à l’ordre public » ou pure censure se sont multipliées.
Face à cette perspective, nous réaffirmons notre attachement à et notre engagement pour l’existence d’un service public de l’enseignement et de la recherche ; l’existence d’une pluralité de revues et leur liberté éditoriale ; la nécessité de financer sans discrimination l’ensemble de la recherche et l’enseignement ainsi que notre solidarité à venir avec toutes celles et tous ceux de nos collègues et de nos étudiant·es qui pourraient être inquiété·es, fragilisé·es, attaqué·es, empêché·es, de manière explicite ou insidieuse.
Les inquiétudes d’aujourd’hui et l’espoir de voir néanmoins repousser la menace de l’extrême droite au profit d’une orientation politique alternative, ne nous font pas oublier le contexte déjà déplorable dans lequel nous sommes, ni nos luttes récentes, et nous réaffirmons notre revendication de voir révisées ou abrogées des réformes et des lois qui ont considérablement dégradé nos métiers et nos pratiques ainsi que la vie de nos étudiant.es en piétinant méthodiquement les valeurs fondatrices de l’Université.
Pour que l’Université redevienne et demeure accessible à toutes et à tous de manière inconditionnelle sur la base de leurs dossiers pédagogiques et non de leur(s) couleur de peau, nationalité, statut administratif, revenus ou orientation sexuelle, politique ou religieuse, nous demandons l’abrogation du statut des Établissements Publics Expérimentaux, la disparition de la bien mal nommée politique « Bienvenue en France », et enfin l’abrogation de la loi Darmanin qui détruisent les bases d’un service public de l’enseignement supérieur en marchandisant l’Université et en discriminant et en criminalisant les étudiant.es et les collègues étranger·es. Nous appelons les gouvernances universitaires à résister à l’implémentation de politiques injustes et de pratiques autoritaires qui menacent l'exercice de nos métiers et les fondements de nos disciplines.
Paris le 14 juin 2024
Premiers collectifs signataires :
Association Française des Anthropologues / Journal des Anthropologues
Master 2 Dynamiques politiques et mutation des sociétés, Sciences Po Aix
Département d'anthropologie de l'université de Lyon2
UMR LEGS (Laboratoire d'Études de Genre et de Sexualité)
Département de sociologie et d'anthropologie de l'université de Paris 8
Equipe de recherche AE-CTT de l'UMR Environnement Ville Société
Association des Sociologues de l'Enseignement Supérieur ASES
Laboratoire Architecture Anthropologie, UMR LAVUE 7218
Équipe ALTER- Altérités et Territoires, UMR LAVUE 7218
CeRIES, Centre de Recherches « Individus, Épreuves, Sociétés », ULR 3589, Université de Lille
Clersé (Centre Lillois d'Etudes et de Recherches Sociologiques et Economiques) UMR 8019 CNRS
Réseau international des chercheur.e.s « Ethnographies des mondes ruraux »
Société des études sur le Moyen Orient et le monde musulman (SEMOMM), représentée par son bureau
Equipe CSU « Cultures et sociétés urbaines »
Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation (CEMTI), Université Paris 8
Laboratoire Analyse Comparée des Pouvoirs, université Gustave Eiffel
L'Association Internationale d'Ethnopsychanalyse
RUSF Reims
ISS, Institut des Sciences Sociales de l’Université de Lille
Collectif Non-lieux de l'exil (ICM, CESSMA, SOPHIAPOL, UXIL))
Premières revues signataires :
Journal des Anthropologues
Chimères
L'homme et la Société
SAMAJ-South Asia Multidisciplinary Academic Journal (CNRS-EHESS)
Images du travail. Travail des images.
Espaces et Sociétés
Genre, sexualité & société
Critique internationale
Poli - Politiques des Cultural Studies
En Marges ! Revue de sciences humaines et d'arts
L’autre - cliniques, cultures et sociétés
Premiers signataires individuels :
Marc Abélès, anthropologue, directeur d'études à l'EHESS
Pascale Absi, IRD, CESSMA, AFA
Gala Huilén Agüero, CMH-UMR Développement et Sociétés
Charlotte Al-Khalili, Leverhulme Fellow, Université de Sussex/ chercheuse associée au CéSor
Anne-Laure Amilhat-Szary, Pacte, U. de Grenoblr, géographe
Adam Baczko, chargé de recherche CNRS, CERI-Sciences Po
Chloé Barbier, docteure en sociologie, chercheuse associée au LISST-Dynamiques Rurales, UT2J
Yannick Bardy, historien du Japon, université de Lille
Laurent Bazin, anthropologue, chargé de recherche au CNRS, Clersé
Alain Bertho, Professeur émérite d'anthropologie, Université Paris 8
Alessia de Biase, professeur d'Anthropologie ENSA Paris La Villette, LAA-LAVUE UMR 7218 CNRS
Adèle Blazquez, chargée de recherche CNRS, LAP-EHESS
Bruno Boidin, économiste, Université de Lille
Geoffrey Carrère, MCF, Département de Sociologie UT2J, CERTOP
Glòria Casas Vila, MCF Département de Sociologie, UT2J, co-responsable du master GEPS, membre du CERTOP
Eric Chauvier, Professeur ENSAP Bordeaux, Laboratoire PAVE
Riccardo Ciavolella, anthropologue, CR CNRS, Laboratoire d’anthropologie politique
James Costa, PU, U. Sorbonne Nouvelle
Chantal Crenn, professeure, UPVM Montpellier, UMR SENS
Marie-Aude Depuiset, ingénieure de recherche en SHS, enseignante vacataire, Université de Lille
Sophie Djigo, philosophe, Institut Convergences Migrations, STL
Catherine Deschamps, professeure ENSA Paris La Villette, laboratoire LAA
Amalia Dragani, Marie Sklodowska-Curie Fellow EHESS- LAP
Benjamin Dubertrand, MCF anthropologie, UPVD
Gilles Favarel-Garrigues, directeur de recherche CNRS, Sciences Po-CERI
Fabrice Flipo, Pr Philosophie, LCSP
Laurent Gaissad, Professeur associé, Université de Toulouse le Mirail (UT2J)
Alexandra Galitzine-Loumpet, anthropologue, Non-lieux de l'exil
Nadia Garnoussi, Sociologue, CERIES, Université de Lille
Luca Greco, professeur des Universités, Université de Lorraine
Judith Hayem, Professeure d'Anthropologie, Université de Lille, Clersé
Véronique Hébrard, Professeure d'histoire et civilisation Amérique latine, Université de Lille
Valeria Hernández, IRD, CESSMA
Isabelle Hillenkamp, Directrice de recherche, IRD
Bernard Hours, Directeur de recherche émérite IRD
Pauline Jarroux, LAMC, Université Libre de Bruxelles
Agnès Jeanjean, Pr anthropologie UNICE
Noël Jouenne, professeur ENSA Toulouse, LRA
Fatiha Kaouès, chargée de recherche CNRS, GSRL
Yves Lacascade, anthropologue, AFA
Stéphanie Latte Abdallah, directrice de recherche CNRS (CéSor-Ehess)
Alix Levain, chargée de recherche CNRS, UMR AMURE
Bernard Maitte, Professeur émérite Histoire des sciences, université de Lille
Véronique Marchand, CLERSE, Chargée de recherche CNRS
Elise Massicard, directrice de recherche CNRS/CERI Sciences po
Jérôme Michalon, Chargé de recherche CNRS
Estelle Miramond, sociologue, LCSP/CEDREF, Université Paris Cité
Nadja Monnet, anthropologue, maître de conférences de l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Marseille, LAA-LAVUE UMR7218, CNRS
Barbara Morovich, Anthropologue, MC HDR, IFRA-Ibadan
Nathalie Ortar, directrice de recherche, ENTPE
Irène Pereira, professeure et philosophe.
Flavia Pertuso, Enseignante ENSAPB, chercheure membre LAA_LAVUE UMR 7218
Raphaël Porteilla, Professeur de sciences Politiques, Université de Dijon
Stéphanie Pryen, sociologue Clersé, MCF université de Lille
Gilles Raveneau, professeur d'anthropologie, Université Lumière Lyon 2, EVS.
Anolga Rodionoff, professeure des universités, université Jean Monnet, UR ECLLA
Elisabeth Rossé, anthropologue, URMIS et AIHP Géode
Laurence Roulleau-Berger, sociologue, directrice de recherche émérite au CNRS, ENS Lyon, Triangle
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky, Professeure Inalco
Jorge P. Santiago, Professeur émérite, Anthropologie, Université Lyon 2
Monique Selim, Directrice de recherche émérite IRD
Éric Verdeil, Pr géographie, Sciences Po
Christiane Vollaire, philosophe, chercheure associée au LCSP, au CNAM et à l'Institut Convergences Migrations
Florian Vörös, maître de conférences en sciences de l'information et de la communication, Université de Lille
Piero Zanini MCFA ENSAPLV, LAA-LAVUE UMR 7218 CNRS
Zaihia Zéroulou, MCF univ de lille, Clerse