Face à l’effondrement en cours du système Terre, et à l’absence de réponse réellement à la hauteur de la part du monde politique, nous sommes un certain nombre de militant·es, responsables et élu·es écologistes à en appeler à la désobéissance civile. En entrant à l’Assemblée avec ses 89 député·es d’extrême droite fraîchement élu·es, Marine Le Pen a déclaré « c’est pas une ZAD ici ! ». Et bien justement si car nous avons besoin de ZAD partout, à l’intérieur comme à l’extérieur des institutions :
Y a-t-il besoin d’être météorologue, expert du GIEC ou de l’IPBES pour constater les effets de l’effondrement du vivant et du réchauffement climatique partout sur Terre et y compris dans nos contrées ?
L’urgence d’agir a bon être martelée par les scientifiques, rien n’y fait ; don’t look up ! L’orchestre joue aveuglément la même partition sur le Titanic néolibéral qui nous enfonce de plus en plus vers l’abîme.
Pourquoi ne parvenons-nous pas à traduire dans le champ politique cette réalité ? Pourquoi ne voyons-nous pas toujours plus d’écologistes dans les institutions et pourquoi est-ce même l’effet inverse qui se produit ?
Pourquoi ce ne sont pas les forces écologistes et progressistes mais les forces politiques totalement climato-sceptiques comme le Rassemblement National qui ne cessent de progresser ?
Sans doute parce qu’il ne s’agit pas d’une défaillance idéologique mais bien plus d’un manque de radicalité et de démocratie !
Après une campagne présidentielle très laborieuse où le “candidat du climat” Yannick Jadot n’a pas atteint les 5% au premier tour, s’en sont suivies des législatives, avec le rassemblement autour de Jean-Luc Mélenchon et de la Nouvelle Union Populaire, Ecologique et Sociale. Si cette union inédite a permis de “sauver les meubles”, avec 131 députés Nupes dont 23 issus d’EELV et du pôle écologiste, elle n’efface pas l’affront fait à nos valeurs démocratiques, avec l’entrée inédite de 89 (!) députés Rassemblement National à l’Assemblée nationale, dont deux viennent d’être élus vice-présidents de l’institution avec la complicité objective de la Macronie.
Nous n’en avons donc pas fini d’entendre parler d’identité, d’insécurité et d’immigration tandis que nous ne cessons d’hypothéquer l’avenir de nos enfants.
« Les racistes sont des gens qui se trompent de colère » écrivait Léopold Sédar Senghor. De toute évidence nous ne répondons pas à la colère, quelle qu’elle soit. Nous en portons même tous la responsabilité.
Que dire de la dédiabolisation des idées de l’extrême droite voulue par Marine Le Pen, amorcée par la droite sarkozienne et poursuivie par Emmanuel Macron et ses partisans qui, encore aujourd’hui, n’hésitent pas à renvoyer dos à dos RN et Nupes ?
Que dire de cette gauche molle qui a abandonné le combat antiraciste pour alimenter les divisions, sur fond de Républicanisme et de laïcité, et se donner bonne conscience ?
Que dire de nos partis politiques et de leurs représentants qui ont, souvent à leur corps défendant, fait perdre toute confiance et qui ont même créé de la défiance auprès d’un électorat désormais définitivement coupé du champ politique ?
Nous serions lâches et malhonnêtes si nous ne dénoncions pas ici leurs fonctionnements démocratiques en apparence mais anti-démocratiques en substance, si nous ne faisions pas le constat qu’ils sont déconnectés des réalités, enfermés dans des visions intellectualisées des phénomènes de société, sclérosés, mourants d’un déterminisme de classe et d’un fonctionnement clanique, ne laissant que très peu de place aux personnalités des quartiers populaires et de la société civile.
Ces mêmes partis ont conduit à l’échec cuisant de la présidentielle et à l’échec relatif des législatives après un rassemblement nécessaire mais venu bien trop tardivement.
C’est bien notre incapacité à créer de l’espoir, nos renoncements, nos divisions, qui concourent à cette colère faisant grandir un peu plus le clan Le Pen et ses Sbires.
Alors, il est grand temps de désobéir !
Le 20 février 2020, quelques jours avant la pandémie,1000 scientifiques appelaient les citoyens à la désobéissance civile et à la recherche de solutions alternatives pour empêcher la sixième extinction de masse.
Ce sont eux, et c’est Extinction Rebellion qui a raison. Au sein des entreprises, des institutions, des partis politiques, des associations, de tout ce que l’être humain compte d’organisations, il va falloir sans aucun doute pratiquer la désobéissance civile et appeler à faire sécession avec cet ordre établi dont ni les partis politiques ni nos dirigeants ne parviennent à sortir.
Ne plus écouter les discours absurdes et les délires identitaires qui nous éloignent de l’essentiel, ne plus accepter de travailler pour produire davantage sur une planète qui étouffe sous les déchets, ne plus mettre dans nos assiettes la mort industrialisée et son lot de massacre animal totalement injustifié, ne plus accepter de se laisser représenter par de trop nombreux politiques à la solde des lobbies, ne plus accepter que les voix des quartiers, des activistes, des humanistes, des écologistes soient étouffées par un système démocratique à bout de souffle.
Reprenons enfin à bras-le-corps le combat antiraciste sur le terrain des valeurs, cessons d’accepter l’inacceptable, rappelons sans cesse que nous sommes toutes et tous interdépendants dans la grande toile du vivant, comme nous le démontre la science quotidiennement, frères et sœurs en humanité confrontés au même danger, celui de l’accélération de la dégradation du système Terre.
La Nupes nous offre une chance de changer de logiciel politique, elle appelle les partis politiques à la responsabilité, au devoir de s’entendre et de s’unir pour longtemps.
Mais il est l’heure de parler à celles et ceux qui ont renoncé à s’exprimer, à voter, aux révoltés, aux fâchés, aux déçus, aux désabusés et aux oubliés…
Nous devons bifurquer drastiquement et tout de suite ! Il nous reste moins de trois ans pour agir !
C’est pourquoi nous lançons cet appel. Partout, en dehors et dans les partis politiques, créons des ZAD !
Des Zones d’Alternatives Démocratiques de l’Ecologie, des Zones Antiracistes et Décoloniales de l’Ecologie, des Zones Autonomes Décentralisées de l’Ecologie, des Zones Animalistes et Décroissantes pour l’Ecologie, des Zones Anticapitalistes et Distributives, des Zones Altermondialistes et de Défense des solidarités…
Créons toutes les ZAD nécessaires, pourvu qu’elles nous incitent à nous réveiller collectivement !
Nous n’avons plus le temps d’attendre un sursaut qui ne vient pas, alors désobéissons, sans violence ni vengeance, mais avec urgence et détermination. Devenons des Zadistes de la République !
Premiers signataires :
Zerrin Bataray, avocate et conseillère régionale écologiste d’Auvergne-Rhône-Alpes
Benjamin Joyeux, journaliste et conseiller régional écologiste d’Auvergne-Rhône-Alpes
Myriam Laïdouni-Denis, artiste lyrique et conseillère régionale écologiste d’Auvergne-Rhône-Alpes
Jérôme Gleizes, économiste et conseiller de Paris écologiste
Pierre Janot, avocat et conseiller régional écologiste d’Auvergne-Rhône-Alpes
Alain Coulombel, membre du Bureau exécutif d’EELV
Pierre Monnier, militant écologiste et Enseignant-chercheur à Paris-Dauphine
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