Monsieur le Président,
Le programme sur lequel votre majorité a été élue, en 2012, prévoyait une taxe « ambitieuse» sur les transactions financières (TTF) à l’échelle européenne. Votre mandat touche à sa fin, et il est désormais acquis que cette taxe – si seulement elle voit le jour – ne sera pas appliquée avant 2018.
Depuis son lancement en 2013 par onze pays de l’Union, la France a freiné des quatre fers le projet de taxe européenne. Dès juillet 2013, le ministre des Finances Pierre Moscovici dénonçait des dispositions «excessives». En juillet 2014, le nouveau ministre français des Finances Michel Sapin confirmait à son tour qu’il «n’accepter[a] pas un projet qui serait déséquilibré pour notre place financière». La France a multiplié les demandes d’exemptions, notamment sur les produits dérivés, une spécialité des banques françaises. Mais ces exemptions ont rencontré l’opposition ferme de ses partenaires et notamment des gouvernements autrichien et allemand.
Courant 2015, alors que se profilait la COP21 à Paris, une position commune a finalement été trouvée autour d’une taxe large assortie de taux faibles. Mais le temps perdu a coûté cher. D’autres délégations demandent désormais des exemptions. Entre temps, l’Estonie s’est retirée des négociations. Les négociations s’enlisent. Ces derniers jours, le ministre de l’économie belge a proposé qu’elles soient encore repoussées, au prétexte des retombées du Brexit. Certains responsables politiques appellent même à ce que la Belgique se désengage des négociations.
Un échec des négociations européennes aurait de graves conséquences. Même si ses ambitions ont été revues à la baisse, la TTF européenne aurait son utilité. Elle contribuerait à lutter contre la spéculation qui menace la stabilité financière, et à dégager des fonds pour faire face aux enjeux du XXIème siècle, notamment la lutte contre le réchauffement climatique. Un abandon de cette taxe européenne témoignerait d’une absence de volonté politique face à la puissance des lobbies financiers. Il serait un carburant supplémentaire pour les forces les plus réactionnaires.
L’Allemagne et l’Autriche ont, jusqu’à présent, porté à bout de bras le projet de taxe européenne. Alors que les négociations patinent, M. le Président, il est temps que vous agissiez. Pendant trop longtemps, la France a joué la montre : elle doit désormais s’engager résolument pour débloquer la situation. Elle en a la capacité. Elle en a la responsabilité. L’adoption de cette TTF européenne constituerait un premier pas pour désarmer la finance.
Les signataires :
Dominique Plihon, Attac France
Alexandra Strickner, Attac Autriche
Peter Wahl, Attac Allemagne