Tout le monde se souvient du viol présumé de ce jeune habitant d’Aulnay-sous-Bois par des policiers en février dernier. L’« affaire Théo » avait mis en lumière la dégradation des relations entre les forces de l’ordre républicaines et une partie de la population française.
Ce drame avait rappelé l’urgente nécessité de mettre fin à certaines pratiques – voire certains abus – qui sapent la confiance des citoyens dans la République. Quand celle-ci faillit à sa mission, et qu’elle ne protège pas, elle offre en effet une image d’indifférence face à la souffrance et à l’isolement des victimes du quotidien. Rappelons qu’il ne s’agit pas dénigrer le travail des policiers, qui œuvrent souvent dans des conditions difficiles, mais précisément de leur donner les moyens de remplir correctement leurs missions de service public.
Pour rétablir la confiance entre les citoyens et la police, plusieurs propositions avaient été faites dans le cadre de la campagne présidentielle, comme la mise en place d’un corps de contrôle anti-discriminations, la création d’un récépissé de contrôle d’identité, l’expérimentation de caméras-piétons sur les policiers, ou encore le rétablissement de la police de proximité.
Si un retour de la police de proximité a été évoqué comme une possibilité, sans plus de précisions, par le gouvernement Philippe, il y a une chose dont nous pouvons être sûrs : le projet de loi antiterroriste adopté hier à l’Assemblée nationale prend le contre-pied de tout le reste de ces propositions.
Plusieurs associations ont, à juste titre, pointé le danger de l’élargissement des contrôles aux frontières, qui pourront également concerner les flux d’immigration. Mais ce n’est pas tout : en autorisant les contrôles d’identité aux abords – et non plus seulement à l’intérieur – des gares internationales, ainsi que dans un rayon de vingt kilomètres autour des aéroports et des ports, on s’expose à un autre risque tout aussi insidieux. En effet, si l’on trace un cercle autour de la gare du Nord et un autre autour de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, on réalise que la quasi-totalité du territoire de la Seine-Saint-Denis sera concerné. Par conséquent, on peut craindre avec certitude que ces nouvelles dispositions législatives servent à normaliser la détestable et triste réalité du contrôle au faciès.
Nous ne pouvons accepter cela. Faire respecter l’ordre, ce n’est pas réprimer et intimider toujours les mêmes personnes.L’autorité de l’Etat doit être employée en premier lieu pour défendre les principes fondamentaux de notre République, et non pour faire du chiffre au détriment de citoyens présentés comme de seconde zone. Nos jeunes et leurs parents ont besoin d’avoir confiance en une police qui les respecte, qui connaisse leurs préoccupations et qui soit en capacité de les protéger.
Lors de l’adoption définitive du projet de loi antiterroriste, ces dispositions dangereuses devront a minima être supprimées afin de ne pas donner pas lieu à des dérives comme le contrôle au faciès. La lutte contre le terrorisme n’en pâtira pas car le droit existant, déjà fortement renforcé ces dernières années, est largement opérationnel, sous le contrôle du juge judiciaire, garant des libertés. Nous devrons aller plus loin en réactivant les propositions évoquées – corps de contrôle anti-discriminations ou encore récépissé de contrôle d’identité – afin de recréer du lien entre les citoyens et la police et de permettre à cette dernière de se consacrer à sa véritable mission : garantir la paix et protéger l’ordre républicain.