Le 17 novembre les élections dans les conseils centraux de l’Université de Strasbourg se sont traduites par un court succès des listes soutenant la candidature de Michel Deneken, président par intérim de l’université, mais également théologien et ministre du culte de l’Église catholique.
L’élection d’un prêtre catholique à la tête d’une grande université publique de recherche, bénéficiaire des Investissements d’avenir, apparaît désormais possible.
Or trois raisons nous conduisent à considérer qu’une telle élection n’est pas souhaitable.
Tout d’abord, la direction d’une université par un prêtre contreviendrait aux principes fondamentaux de la laïcité dont le respect apparaît aujourd’hui plus important que jamais. L’Université publique française doit demeurer neutre à l’égard de tout engagement religieux.
Nous observons ensuite que notre pays est de plus en plus divisé sur la question de la laïcité et en particulier sur la place des religions dans notre société. Ces questions sont légitimement débattues, mais elles sont aussi instrumentalisées par différents acteurs politiques. Dans un tel contexte il est à craindre que l’élection d’un religieux à la tête d’une université n’avive les tensions, alors que notre pays a besoin d’apaisement.
Enfin, c’est la réputation même de l’Université de Strasbourg, et par conséquent de l’Université française, qui serait mise à mal par une telle gouvernance. Le crédit public de l’ensemble des recherches menées dans cette université, recherches souvent développées en partenariat avec des établissements et organismes de premier plan (CNRS, INSERM…), en serait affecté et amoindri. La visibilité scientifique internationale de l’Université de Strasbourg, aujourd’hui portée par 41 projets d’excellence et par ses nombreux Prix Nobel, serait gravement altérée par la singularité d’un président qui entretient des liens étroits avec les autorités religieuses et exerce des missions pastorales (1).
Dans l’intérêt du Service public et par respect pour le principe de neutralité de l’Etat, Michel Deneken s’honorerait à reconsidérer sa décision de se porter candidat à la présidence de l’Université de Strasbourg.
Signataires :
Claude Calame, helléniste, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS; Claude Debru, professeur émérite de philosophie des sciences à l'École normale supérieure, membre de l'Académie des sciences; Juliette Grange, agrégée de philosophie, docteur d’État, professeur des universités; Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherche au CNRS; Jean-Pierre Kahane, mathématicien, membre de l’Académie des sciences; Henri Pena-Ruiz, philosophe, écrivain, ancien membre de la Commission Stasi sur l'application du principe de laïcité dans la République.
(1) Michel Deneken assure pour l’année 2016-2017, entre autres missions pastorales, une formation diocésaine dans l’Évêché de Nancy-Toul, au titre d’ « abbé, prêtre du diocèse de Strasbourg et professeur à la faculté de théologie catholique de Strasbourg ». Voir ici, p. 5.