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Tribune 9 décembre 2025

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Désobéissance civile : face à l’agro-industrie, semons la résistance !

En mars 2022, une cinquantaine de militants écologistes ont arrêté dans le Morbihan un train de céréales destinées à l’alimentation animale, une action non violente visant à alerter sur les ravages de l’élevage industriel. Douze d’entre eux comparaissent le 15 décembre devant le tribunal de Lorient. « Une fois de plus, la justice se trompe de cible » alertent de très nombreuses personnalités et organisations écologistes.

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Tandis qu’au Brésil, 1500 lobbyistes ont une énième fois sabordé la COP climat, le traité avec le Mercosur, lui, menace d’aggraver encore la déforestation pour nourrir les cheptels européens. Sous perfusion du soja importé, l’élevage industriel n’a de cesse de dévorer l’Amazonie.

Mais point besoin de traverser l’Atlantique pour constater les ravages de l’agro-industrie. Biberonnées à l’agriculture intensive depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les campagnes françaises en paient aujourd’hui le prix : eaux gorgées de pesticides et autres PFAS, rivières saturées en nitrates et leurs cortèges d’algues vertes, air pollué à l’ammoniac, sols morts, désertification rurale, voisins riverains et travailleurs de l’alimentation empoisonnés...

Il est temps que le gouvernement cesse de défendre les intérêts de quelques-uns au profit d’un modèle agricole mortifère ; temps d’abolir les passe-droits négociés en coulisse par ceux qui empoisonnent nos sols et nos corps. Ils engrangent les profits, et chaque jour, nous en payons le poison. Les travailleurs de la terre en sont les premières victimes : en France, l’un d’eux se suicide tous les deux jours. Cancers, autisme, Parkinson, mortalité liée à la pollution de l’air et de l’eau .. La liste des pathologies attribuables aux pesticides s’allonge chaque semaine.

Un modèle destructeur, et à bout de souffle

Malheureusement, la « transition agricole » promise s’est dissoute dans la rentabilité à court-terme des “champions” agro-industriels. Résultat : en cinquante ans, la France a perdu trois-quarts de ses agriculteurs. Rien qu’en dix ans, 100 000 fermes ont été rayées du paysage, et d’ici 2030, un quart des exploitants partiront à la retraite, souvent sans repreneur. Il est devenu patent que le modèle agro-industriel, fondé sur l’extrême concentration, l’endettement et la dépendance aux intrants, détruit tant la profession paysanne que l’environnement et la santé publique. Le tout avec la bénédiction de l’État et des institutions censées protéger les agriculteurs. Il suffit d’ouvrir les yeux sur les dernières évolutions législatives. La loi d’orientation agricole a renforcé la compétitivité à tout prix ; la loi Duplomb a affaibli les garde-fous environnementaux ; l’accord Mercosur s’apprête à déréguler encore davantage les marchés des produits ne respectant pas les normes auxquelles sont soumis les agriculteurs français. En privilégiant l’intérêt des lobbies, le pouvoir politique ne fait que brader sur l’autel du profit la santé du peuple, des écosystèmes, et les droits des générations futures.

Ceux qui détruisent restent impunis, ceux qui défendent sont poursuivis

Depuis des années, des citoyens, des agriculteurs, des scientifiques et des associations tirent la sonnette d’alarme : l’agro-industrie nous mène droit dans le mur. Le 19 mars 2022, douze militants du collectif « Bretagne contre les fermes-usines » ont arrêté un train de céréales destinées à l’alimentation animale. Une action non violente, conduite en toute sécurité, pour alerter notamment sur la dépendance de l’élevage industriel hors-sol. Quatre ans plus tard, ces défenseurs de l’environnement, de la santé et de la profession agricole, sont renvoyés en correctionnelle. L’audience se tiendra le 15 décembre à Lorient.

Pendant que les tenants de l’agro-business polluent en toute impunité, bénéficiant même de millions d’euros de subventions, les défenseurs de l’intérêt général, eux risquent la prison. Cette inversion morale est le signe d’une démocratie malade. Ce n’est pas par plaisir mais bien pour la défense de l’intérêt collectif et de l’avenir commun qu’un matin d’hiver, ces hommes et ces femmes sont descendus sur les voies pour stopper un train de marchandises, risquant de voir leurs vies bouleversées par des poursuites judiciaires.

La répression qui s’abat sur les militants écologistes s’aggrave, masquant autant qu’elle perpétue l’inaction des pouvoirs publics. « L’urgence écologique ne pourra être affrontée si celles et ceux qui tirent la sonnette d’alarme sont criminalisés », alerte Michel Forst, rapporteur spécial à l’ONU sur la situation des défenseurs de l’environnement, dénonçant « une menace majeure pour les droits humains ». Les actions pacifiques de désobéissance civile relèvent des libertés fondamentales garanties par la Convention européenne des droits de l’Homme. Les condamner, c’est affaiblir la démocratie. 

Semons la résistance

De Belem à Lorient, partout, un front citoyen se lève.

Nous appelons les pouvoirs publics à prendre leurs responsabilités. A ne plus plier devant l’agro-industrie. A cesser de criminaliser les lanceurs d’alerte. Et à engager - enfin - la réorientation radicale que l’urgence impose.

Nous réclamons une politique agricole juste, solidaire et écologique : 

- un revenu décent garanti pour les agriculteurs et leurs salariés, par régulation des prix et rémunération des pratiques vertueuses ;

- la conditionnalité des aides publiques à des pratiques agroécologiques paysannes ;

-la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation garantissant l’accès de tous à une nourriture saine et choisie ;

- un moratoire sur les fermes-usines et sur tous les grands projets agro-industriels attentatoires à la préservation de l’environnement.

Le consensus scientifique est clair et sans appel : seul un modèle agro-écologique peut nourrir neuf milliards d’humains, garantir des revenus décents aux agriculteurs et préserver la planète. Les solutions existent. Manque la volonté politique. 

Désormais, il n’est plus question d’urgence, mais de survie.

Ensemble, semons la résistance.

Tribune initiée par le Collectif Bretagne contre les Fermes-Usines

Signataires :

Geneviève Azam, économiste, Marianne Blanchard, sociologue, Vincent Bonnecase, politiste, Christophe Bonneuil, historien, Denis Chartier, géographe, professeur à l’université Paris Cité, Antoine Chopot, philosophe, Philippe Descola, anthropologue, Aurélien Gabriel Cohen, géographe et philosophe, Sophie Gosselin, philosophe, Moritz Hunsmann, chercheur en santé publique, Jean-Michel Hupé, chercheur en écologie politique, François Jarrige, historien, Pierre de Jouvancourt, philosophe, Guillaume Lachenal, historien, Léandre Mandard, historien, Tanguy Martin, agronome, essayiste, Dorothée Moisan, autrice et journaliste, Baptiste Morizot, philosophe, Christian Mouchet, agronome, Flaminia Paddeu, géographe, Laurent Perrin, biologiste, Isabelle Stengers, philosophe, Laure Teulières, historienne, Vincent Verzat, cinéaste et journaliste.

Personnalités politiques :

Lisa Belluco, députée écologiste de la Vienne,

Manuel Bompard, député LFI des Bouches-du-Rhône, coordinateur national de la France insoumise,

Pierre-Yves Cadalen, député LFI du Finistère,

David Cormand, eurodéputé écologiste,

Claire Desmares, Présidente du groupe écologiste au Conseil Régional de Bretagne,

Mathilde Hignet, députée LFI d’Ille-et-Vilaine,

Murielle Lepvraud, députée LFI-NFP des Côtes-d’Armor,

Marie Mesmeur, députée LFI d’Ille-et-Vilaine,

Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire LFI, députée LFI du Val-de-Marne,

Marie Pochon, députée de la Drôme,

Anne Souyris, sénatrice de Paris,

Marine Tondelier, Secrétaire nationale Les Écologistes,

Marie Toussaint, eurodéputée écologiste,

Organisations :

Cancer Colère national

Cancer Colère Bretagne

Cancer Colère Finistère

Cancer Colère Cap Sizun

Coalition Mines de Rien

Coalition RAFU (Résistances Aux Fermes-Usines)

Collectif Bretagne Contre les Fermes-Usines

Collectif Reprise de Terres

Comité Breton de Soutien aux Faucheurs Volontaires d’OGM (CBSFVO)

Comité local des Soulèvements de la Terre – Quimperlé

Comité nantais des Soulèvements de la Terre

Confédération paysanne Bretagne

Défense des Victimes des Marées Vertes (Bretagne)

Extinction Rébellion Cherbourg

Extinction Rébellion Brest

Extinction Rébellion Quimper

Extinction Rébellion Saint-Brieuc

FORCE 5 (Bretagne)

Greenpeace France

Halte aux marées vertes (Bretagne)

L’Atelier paysan

L’éclairage public, fini d’s’taire (Finistère Nord)

Les ami.e.s de la Confédération paysanne du Morbihan

Les Amis de la Terre – France

Minga – Faire ensemble

NPA – L’Anticapitaliste Pays de Lorient

OzACTES (Pays de Quimperlé)

Paysans de Nature France

PIG BZH (Pisseurs et Pisseuses involontaires de Glyphosate en Bretagne)

RAFU Bretagne (Résistances Aux Fermes-Usines)

Soulèvements de la Terre Bigouden

Terres de Luttes

Union syndicale Solidaires 29 (Finistère)

Action non-violente COP 21

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