Alors que les États membres de l'ONU se préparent à se réunir à New York le 17 juin pour la Conférence internationale de haut niveau sur le règlement pacifique de la question de Palestine, coprésidée par la France et l'Arabie saoudite, et alors que la France s'apprête à réunir certains acteurs choisis le 13 juin dans le but déclaré de lancer avant la conférence « un appel clair et urgent à agir » à destination de la communauté internationale, nous, organisations et coalitions de la société civile palestinienne en Palestine et en exil, réaffirmons nos revendications unitaires en faveur d'une résolution juste dont la légitimité repose sur les droits inaliénables du peuple palestinien.
Ancrée dans des décennies d'engagement auprès de nos communautés et de plaidoyer international, la société civile palestinienne a constamment été témoin des conséquences néfastes d'approches politiques internationales inefficaces, exclusives et symboliques. La conférence à venir pourrait marquer un tournant – mais seulement à condition qu’elle se recentre sur son fondement juridique : la résolution ES-10/24 de l'Assemblée générale des Nations unies, qui s'appuie sur les obligations de droit international en vigueur depuis des décennies. Cette résolution appuie l'avis consultatif rendu en juillet 2024 par la Cour internationale de justice (CIJ), qui ordonne à Israël à se conformer au droit international – notamment en mettant fin à son occupation illégale, en permettant au peuple palestinien d’exercer son droit à l'autodétermination et son droit au retour, et qui exige des États tiers qu'ils adoptent des sanctions concrètes et des mesures de responsabilisation pour faire respecter le droit international.

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Pourtant, les processus préparatoires et les discussions, y compris l’évènement présenté comme conférence de la « société civile » à Paris, ont choisi d’écarter ce principe juridique pour soumettre un programme sans envergure en faveur de la solution à deux États, incapable de répondre aux réalités de la fragmentation, du siège et du génocide sous un régime de colonialisme de peuplement. Pendant des décennies, les approches internationales ont occulté les asymétries de pouvoir. Elles ont mis sur un pied d'égalité le colonisateur et le colonisé et ont canalisé les ressources diplomatiques et économiques dans des processus et des approches exemptant Israël de toute responsabilité, tout en gérant la situation, plutôt que s’attaquer aux causes profondes de l'injustice – plus de sept décennies de colonialisme de peuplement et d'apartheid israéliens, maintenus par l'occupation militaire, le blocus et le génocide.
Les approches qui favorisent le dialogue avec les autorités, les organisations ou les individus israéliens qui ne remettent pas en cause la réalité du colonialisme de peuplement ou ne reconnaissent pas les droits fondamentaux des Palestiniens à l'autodétermination et au retour servent en fin de compte à blanchir les crimes actuels d'Israël. Une résolution juste de la « Question de Palestine » nécessite un changement fondamental pour passer des cadres étroits et trompeurs de « construction de l'État » et de « consolidation de la paix » sous occupation continue, à une approche politique fondée sur le démantèlement du régime colonial, d'apartheid et d'occupation d'Israël et sur l’application des droits des Palestiniens à l'autodétermination et au retour.
Alors que notre peuple subit le génocide, la famine, le nettoyage ethnique et de nouvelles spoliations, l'heure n'est pas à la répétition des échecs du passé sous un nouvel habillage. Il est plus que temps de prendre des mesures concrètes : une responsabilisation significative, une pression internationale soutenue et des sanctions urgentes pour démanteler le régime illégal d'Israël et faire respecter les droits inaliénables du peuple palestinien.
Nous appelons donc tous les États, institutions et acteurs participant à la Conférence à :
- Fonder toutes les solutions sur les droits inaliénables du peuple palestinien, notamment :
- Le droit à l'autodétermination, une norme impérative du droit international, pour les 15 millions de Palestiniens. Ce droit ne commence ni ne s'achève avec la création d'un État, mais inclut la volonté collective du peuple de déterminer librement son statut politique et de pourvoir lui-même à son développement économique, social et culturel – ce qui implique la souveraineté sur ses terres et ses ressources.
- Le droit au retour pour tous les réfugiés palestiniens déplacés pendant la Nakba (1948), la Naksa (1967) et toutes les vagues de déplacements forcés qui ont suivi.
- Le droit à une réparation intégrale, y compris la restitution, l'indemnisation, la satisfaction et les garanties de non-répétition.
- Mettre fin immédiatement au génocide et au siège de Gaza :
Cela nécessite un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, le retrait des forces militaires israéliennes de Gaza et la fourniture immédiate et sans restriction de l'aide humanitaire.
- Démanteler les structures de colonialisme de peuplement et d’apartheid d’Israël :
- Garantir le droit à l’autodétermination et le droit au retour
- Abroger toutes les lois discriminatoires à l'encontre des Palestiniens
- Mettre fin à l’occupation militaire
- Lever le blocus de la bande de Gaza
- Mettre en œuvre des mesures concrètes de responsabilisation, conformément aux obligations erga omnes des États tiers à ne pas reconnaître, aider ou soutenir les crimes d'apartheid, de génocide, d'occupation et de déni du droit à l'autodétermination perpétrés par Israël – notamment :
- Imposer un embargo militaire bilatéral à Israël, couvrant toutes les armes, les technologies militaires, les équipements de surveillance, le kérosène, la formation, les exercices conjoints, les bases militaires, ainsi que l'exportation, l'importation, le transfert et le transit de toutes les pièces, composants et biens à double usage ;
- Appliquer des sanctions diplomatiques, notamment en expulsant les ambassadeurs israéliens et en suspendant les visites officielles et la coopération avec les autorités israéliennes ;
- Imposer des sanctions ciblées, notamment des interdictions de voyager et le gel des avoirs, à l'encontre des personnes et des institutions complices des crimes de droit international commis par Israël ;
- Mettre fin à toute aide économique et à tout accord de coopération qui soutiennent l'occupation illégale et le régime d'apartheid d'Israël, y compris en annulant les accords de libre-échange ;
- Imposer un embargo énergétique bilatéral en suspendant toutes les importations/exportations de pétrole, de gaz et de charbon ; se désengager des projets d'extraction ; et résilier tous les accords relatifs au transit et aux pipelines, ainsi qu’aux infrastructures impliquant le territoire palestinien occupé, y compris ses zones maritimes ;
- Interdire le passage côtier et l'accostage dans leurs eaux territoriales des navires transportant des armes, du matériel militaire et à double usage, du carburant ou des marchandises soutenant l'occupation, le génocide, l'apartheid ou les colonies illégales d'Israël ; interdire aux navires battant leur pavillon de transporter ce type de matériel militaire et à double usage.
- Mettre fin à tous les accords bilatéraux et multilatéraux de libre-échange et de coopération, en particulier l'accord d'association UE-Israël en se basant sur la violation de son article 2, ainsi qu’à tous les programmes de coopération financés par l'UE, y compris les programmes universitaires, culturels et sportifs, ainsi qu'à l'accord de libre-échange Mercosur-Israël ;
- Adopter une législation nationale empêchant les entreprises relevant de leur juridiction d'investir dans l'occupation illégale par Israël ou son maintien – notamment par le fait de poursuivre des opérations, d’entretenir des relations commerciales et de participer au projet de colonisation ;
- Veiller à ce que les entreprises, organisations et institutions financières relevant de leur juridiction se défassent de tout actif détenu par des entreprises et sociétés israéliennes et des sociétés complices impliquées dans des crimes de droit international.
- Abroger toutes les lois et politiques nationales qui criminalisent la solidarité avec la Palestine, en particulier les manifestations et campagnes de boycott, de désinvestissement et de sanctions (BDS) ;
- Enquêter et poursuivre leurs ressortissants impliqués dans des crimes contre les Palestiniens, y compris les citoyens binationaux enrôlés dans l'armée israélienne, et publier des directives décourageant l'enrôlement.
- Activer la compétence universelle pour poursuivre les auteurs de crimes de droit international contre les Palestiniens devant les tribunaux nationaux.
- Faire appliquer les mandats d'arrêt de la CPI contre Netanyahu et Gallant en arrêtant ces derniers et en les transférant à La Haye s'ils se trouvent dans leur juridiction – espace aérien compris.
- Soutenir l'enquête de la CPI sur la situation en Palestine en protégeant son personnel, en s'opposant aux sanctions, en augmentant le soutien financier et en faisant pression sur Israël pour qu'il permette au personnel de la CPI d’accéder à la Palestine pour mener des enquêtes indépendantes ;
- Si cela n'a pas encore été fait, saisir la CPI au sujet de la situation en Palestine, en mettant l'accent sur les crimes d'apartheid, de génocide et les crimes liés à l'occupation illégale.
- Soutenez les actions intentées contre Israël devant la CIJ par l'Afrique du Sud pour génocide, et par le Nicaragua contre l'Allemagne pour complicité, notamment en déposant une déclaration d'intervention en vertu de l'article 63 du Statut de la Cour.
- Rejoindre le Groupe de La Haye, qui s'aligne sur les États du Sud global pour faire progresser les mesures de responsabilisation en soutien à l'autodétermination du peuple palestinien.
- Exiger que l'Assemblée générale des Nations unies reconstitue le Comité spécial des Nations unies contre l’apartheid et le Centre des Nations unies contre l'apartheid, afin de mettre fin à l'apartheid israélien.
- Exiger que l'Assemblée générale des Nations unies suspende l'adhésion d'Israël pour violation de ses conditions d'adhésion, notamment le non-respect de la résolution 194 – la situation étant aggravée par ses violations systématiques et ses attaques contre les principes et les institutions des Nations unies ;
- Soutenir le mandat de la Commission internationale indépendante d'enquête sur les territoires palestiniens occupés et Israël, notamment en faisant pression sur Israël pour qu'il permette l'accès à la Palestine pour la conduite d’enquêtes indépendantes.
Cette conférence est une occasion cruciale de dépasser les cadres défaillants et d'adopter des mesures significatives qui ouvriront la voie à la résolution de la « Question de Palestine » par des actions fondées sur les principes du droit international. En tant que société civile palestinienne, nous parlons d'une seule voix : toute avancée vers l’exercice du droit à l'autodétermination du peuple palestinien passe par la mise en accusation des structures de domination coloniale et par leur démantèlement.
Liste des signataires :
Palestinian BDS National Committee
The Palestine Institute for Public Diplomacy (PIPD)
Al-Haq
Al-Haq Europe
The Civic Coalition for Palestinians Right in Jerusalem
Applied Research Institute - Jerusalem (ARIJ)
Union of Agricultural Work Committees (UAWC)
Filastiniyat
Bisan Center for Research and Development
Visualizing Palestine
The Social Development Committee (SDC)
The Community Action Center at Al-Quds University
Law for Palestine
MUSAWA - Palestinian Centre for the Independence of the Judiciary and the Legal Profession
Beitna - Palestinian Collective in Belgium
QADER for Community Development
British Palestinian Committee
Women's Studies Centre
The Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy- MIFTAH
Palestinian Youth Association for Leadership and Rights Activation
Center for Refugee Rights - Aidoun
Defense for Children International- Palestine
Palestinian Working Woman Society for Development-PWWS
The Palestinian Center for the Missing and Forcibly Disappeared (PCMFD)
AMAN Coalition
Palestinian Grassroots Anti-Apartheid Wall Campaign (Stop the Wall)
The Palestine New Federation of Trade Unions
BuildPalestine
Adalah Justice Project
Urgence Palestine
The International Commission for Supporting the Rights of the Palestinian People “Hashd”
Friends of Palestinian Medical Relief Society (PMRS)
Social Developmental Forum (SDF)
The Psychosocial Counseling Center for Women
US Campaign for Palestinian Rights (USCPR)
Rihannah Society, al-Azzeh Refugee Camp
Alrowwad Cultural & Arts Society
Reviving Gaza
Gaza Families Reunited
UK Gaza Community
Makan Rights
Sabeel - Ecumenical Liberation Theology Center
Signataires internationaux :
South African BDS Coalition
Palestine Solidarity Alliance, South Africa
Housing and Land Rights Network - Habitat International Coalition
Legal Forum for Kashmir
Pal Commission on War Crimes, Justice, Reparations, and Return
Arab Women Organization of Jordan
International Peace Bureau (IPB)
SERAPAZ (Mexico)
Jenin Freedom Cinema Club California
International Fellowship of Reconciliation (IFOR)
Red Eclesial Justicia y Paz en la Patria Grande (ALyC)
CBJP Comissão Brasileira Justiça e Paz
Llegó la Hora de los Pueblos, Colectivo de Apoyo al CNI CIG – EZLN
Friends of Sabeel North America (FOSNA)
Comisión de Justicia, Paz e Integridad de la Creación
Solidarity 2020 and Beyond
Cuidadores de la Casa Común
Hijas e Hijos por la Identidad y la Justicia contra el Olvido y el Silencio H.I.J.O.S., (Guatemala)
Park Avenue Baptist Church
World BEYOND War
GPPAC Pacific
Global Exchange
The Palestinian Solidarity Organisation (PSO) at Mandela University
Movimiento Franciscano Justicia, Paz e Integridad de la Creación
Mesa Ecuménica por la Paz - MEP -
Coalición de Movimientos y Organizaciones Sociales de Colombia - COMOSOC -
FabLanka Foundation
Australia Palestine Advocacy Network
Muslim Peace Fellowship
Community Media Network
Observatorio Latinoamericano de Geopolitica
Global Solidarity Coalition for Peace in Palestine
STOP the War Coalition Philippines
Palestinian-Canadian Academics and Artists Network
Programa Latinoamericano y Caribeño de tierras y agua