Lundi 11 janvier, à la Cour d'assises de Bobigny, s'est ouvert le procès de Damien Saboundjian, officier de police, qui comparait pour « violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ». Les faits se déroulent le 21 avril 2012, D. Saboundjian, alors en fonction, tire une balle dans le dos d'Amine Bentounsi. Cette balle lui sera fatale. Le procès revient sur les incohérences du dossier.
Pour la Mafed (Marche des Femmes pour la Dignité), l'espoir de ce procès est d'en finir avec l’impunité policière. L'hypothèse selon laquelle les policiers en fonction seraient objectifs et agiraient avec discernement quelles que soient les circonstances de l'exercice de leur fonction n'est pas recevable. A l’appui de ce doute légitime, on découvre dans une étude récente que 51,5% des fonctionnaires de policier ont voté FN en 2015 (enquête CEVIPOF, déc.2015).
Loin de la surenchère qui prévaut, la reconnaissance des crimes policiers et leur juste condamnation est essentielle dans le rétablissement de la confiance en la justice. Les dizaines d'affaires mettant en cause des policiers, ce qui est communément appelé des "bavures policières" et que nous appelons crimes policiers, sont généralement classées sans suite. Les quelques fois où il y a procès, puis condamnation, elles n'entraînent que des peines avec sursis voire la relaxe (procès Zyed et Bouna). Cela donne le sentiment d'une solidarité de corps au détriment des principes de justice et de dignité qu’exige la considération des vies perdues.
Le fossé se creuse de plus en plus entre deux blocs : d’un côté, l’Etat, qui protège et fait sienne la version policière et de l'autre, les cités populaires et les jeunes arabes, noirs et roms exposés au délit de faciès et à une justice à deux vitesses. D’un côté, la solidarité étatique qui a le pouvoir et de l’autre, la misère sociale et l’impuissance face à des institutions qui font bloc et semblent mépriser la réalité et la vie de ces jeunes.
La manière dont est présentée le procès de l’assassin d’Amine Bentounsi en dit long sur la position que l’on craint de voir s’exprimer vendredi lors de la délibération. Ainsi les crimes policiers, qui sont d'évidence racistes lorsqu'ils se déroulent aux Etats-Unis, sont nuancés lorsqu'ils se déroulent en France. Pourtant, le scénario funeste reste le même : une balle dans le dos. Les médias offrent des arguments à ce crime : Amine était un multirécidiviste en cavale. Etait-il recherché "mort ou vif" ? Quel principe de la République entérine ces justifications ? Il semblerait que c'est ce qui se profile avec le principe de "légitime défense" qui couvrirait ce type de défense : celle où le policier qui se sent menacé pourra impunément tirer sur un homme de dos, en fuite.
Par cette tribune, nous souhaitons en appeler à l’humanité et non aux logiques de peur et de haine. Amine Bentounsi est né en France, c’était un citoyen qui n’a pas eu les mêmes opportunités que n’importe quel autre, c’était un enfant qui a grandi trop vite dans un espace où l’égalité et la justice n’existent pas. Amine est mort trop jeune.
Justice pour Amine car seule la justice pourra apaiser les esprits, les coeurs et les mémoires.
Venez faire entendre votre voix en faveur d’une justice équitable vendredi 15 janvier à 17h au terme du procès au tribunal de Bobigny.