Nous, personnes engagées contre la stigmatisation des boucs émissaires dans notre pays, nous n'irons plus chez CNews tant que la chaîne maintient son projet d’émission qui donnera tous les soirs la parole au polémiste d'extrême-droite Éric Zemmour.
Entendons-nous bien, ce n'est pas la pluralité des opinions que nous réfutons. Le débat d'idées, les désaccords sont nécessaires à la démocratie. Des voix s'expriment tous les jours sur nos chaînes de télévision, se positionnent sur l'immigration, les droits des femmes, des homosexuels, des étrangers, soit. Mais il y a un moment où certaines voix, d’inspiration suprématiste, dépassent toutes les bornes, tombent sous le coup de la loi, et qu'il devient criminel de leur donner une telle audience. Le racisme, l’appel à la haine et à la violence contre les minorités sont des délits !
Le 28 septembre 2019, à la tribune de la « convention de la droite » (contre laquelle les gens de "droite" républicaine devraient s'indigner qu'elle ait tant sali le mot), Zemmour a comparé les djellabas aux « uniformes des armées d’occupation », accusé les musulmans de se comporter « en colonisateurs », dénoncé une « guerre d'extermination de l'homme blanc hétérosexuel ». Le tout en appelant les citoyens à s’affranchir « des droits de l’homme, des juges » et à « se battre » contre cette armée d’occupation en djellaba... à savoir contre chaque musulman.
Mais M. Zemmour se souvient-il de ce que veulent dire les mots ? Des armées d'occupation ? Des comportements de colons ? Une guerre d'extermination ? Sait-il qu'il parle des nazis armés qui arrêtaient des juifs pour les faire tuer ? Des comportements de colons qui pouvaient décapiter, poser en photo avec les têtes de leurs victimes, avec des femmes autochtones nues, torturer, exécuter en toute impunité dans les colonies ? Des camps de concentration où ont été exterminés des millions de déportés ? Il accuse chaque musulman, votre amie, votre voisin, votre collègue, du simple fait d'être musulman, d'être comparable à ceux qui ont organisé l’holocauste et participé à des crimes contre l'humanité d'une insoutenable cruauté ?
Éric Zemmour a déjà été condamné deux fois. En 2011 en prétendant que les employeurs avaient « le droit de refuser des Arabes ou des Noirs ». Le lendemain, ovationné par les parlementaires UMP, il suggérait de supprimer les lois sur la discrimination raciale et les lois mémorielles. En effet, quand on a un peu de mémoire historique, on a toutes les raisons de conspuer cet homme. Il a été condamné une seconde fois pour provocation à la haine pour avoir déclaré que « tous les musulmans, qu'ils le disent ou qu'ils ne le disent pas », considèrent les jihadistes comme de « bons musulmans ». Il a donc prétendu que tou-tes vos ami-es musulman-es se réjouissent secrètement des actes les plus barbares, sont donc incapables d'empathie et d'humanité, ne sont pas tout-à-fait des humains.
Zemmour a été condamné pour provocation à la haine. La haine ! Et les crimes contre l’humanité commis lors de la seconde guerre mondiale ont d'abord été des discours de haine, des "Je suis partout", montrant du doigt le juif, le bouc émissaire, dangereux, trop différent, qu'il faut exclure, des cafés, des métiers, de la rue, provoquer la haine à son encontre, pour mieux organiser son extermination dans les camps de la mort. Aujourd'hui, c'était 32 minutes de haine, comparables selon l’historien Gérard Noiriel aux discours du polémiste Edouard Drumont qui ont influencé l’antisémitisme des années 30. Demain ce sera tous les jours sur Cnews. Que dirons-nous, dans dix ans, quand le pire sera arrivé ? Que nous avons laissé s'installer un tel climat, en complices silencieux ?
STOP aux fantasmes fascistes ! La France a traversé les siècles et l'Histoire en étant une terre d'immigration. Sa langue a changé, ses mœurs ont évolué, son identité politique, ses lois, qui ont par exemple permis il y a moins d'un siècle aux femmes de voter, et tout ça n'a rien à voir avec ses migrations. Ce sont ses propres réflexions sur son projet de société qui a fait de la France une République, et la France en soi est toujours restée.
Nous nous réjouissons de la décision de RTL de se séparer de lui en tant que chroniqueur bi-hebdomadaire, et celle de la MAIF de ne plus diffuser ses publicités sur CNEWS si la chaine confirme son recrutement. Quant à nous, nous n'irons plus sur CNEWS tant que la chaîne prévoit de donner une audience inégalée et quotidienne à ce polémiste d'extrême-droite.
Les signataires
Rebecca Amsellem, Créatrice de la Newsletter «Les Glorieuses» ;
Fatima Benomar, Membre de #NousToutes ;
Maxime Combes, Porte-Parole d’ATTAC ;
Elen Debost, Adjointe à la jeunesse du Mans, conseillère départementale ;
Laurence De Cock, Historienne ;
Elliot Lepers, Directeur de l'ONG le mouvement ;
Arnaud Gallais, Directeur Général de l'association Enfant Présent, porte-parole du collectif Prévenir & Protéger ;
Caroline de Haas, Membre de #NousToutes ;
Gilles Lazimi, Responsable des actions prévention santé de la ville de Romainville en Seine-Saint-Denis ;
Anaïs Leleux, Membre de #NousToutes ;
Lyes Louffok, Membre du Conseil National de la Protection de l'Enfance ;
Guillaume Mélanie, Co-président d’Urgence Homophobie ;
Madjid Messaoudene, Conseiller municipal délégué à la mairie de Saint-Denis ;
Laure Salmona, Fondatrice du collectif «Féministes contre le cyberharcèlement».