Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République française
Monsieur Abdelmadjid Tebboune, Président de la République algérienne démocratique et populaire
Nous vous écrivons aujourd’hui, en tant qu’Algériens, Français, Franco-algériens et amis des deux rives, avec inquiétude et gravité, mais aussi portés par un espoir sincère.
Gravité, car les relations entre nos deux pays traversent une nouvelle phase de tensions, d’incompréhensions et de crispations. Espoir, car nous restons convaincus qu’une approche politique courageuse et une volonté partagée peuvent ouvrir la voie à une réconciliation durable.
Ce qui relie nos deux pays s’inscrit dans l’Histoire et ses blessures. Cette mémoire commune ne peut être ni effacée, ni détournée, ni instrumentalisée à des fins de division. Les séquelles de la colonisation, de la guerre, de l’exil et des discriminations demeurent vives des deux côtés de la Méditerranée. Pourtant, elles ne doivent pas entraver la construction d’un avenir apaisé, fondé sur le respect mutuel et l’intérêt commun.
Algériens, Français et toutes celles et ceux concernés par ces liens historiques et humains portent une double mémoire, une double appartenance et une double espérance. Ils aspirent à vivre en paix sans être stigmatisés, caricaturés ou transformés en boucs émissaires ; être reconnus dans leur dignité ; ne plus être pris en otage dans des tensions politiques dont ils ne sont ni les auteurs ni les responsables, mais au contraire contribuer pleinement à la société française et à la société algérienne, au développement des deux pays, à consolider les nombreux liens entre-deux, sans devoir choisir un camp ni justifier leur loyauté.
Dans ce contexte, Messieurs les Présidents, votre responsabilité est grande. Vous avez le pouvoir et le devoir d’ouvrir une voie de sortie de crise : rétablir un dialogue franc, traiter avec courage et honnêteté les questions mémorielles, renforcer les échanges humains, culturels et économiques entre nos deux pays, surtout placer les jeunes au centre des préoccupations et protéger les populations prises dans cet entre-deux sans voie de sortie : souvent blessées, mais toujours dignes.
L’avenir des relations entre la France et l’Algérie ne peut se réduire à des calculs électoraux ou à des postures diplomatiques éphémères. Il concerne des millions de vies, engage les générations à venir et façonne l’image de nos nations à l’échelle mondiale.
Le silence des peuples n’est pas indifférence : il exprime un profond malaise et une inquiétude face à l’escalade des tensions entre l’Algérie et la France. Chacun espère un retour rapide à l’apaisement, à une relation fondée sur la confiance, la dignité et la solidarité. C’est animés de cette espérance que nous vous adressons cette lettre, tout en espérant que soit retrouvé l’esprit qui a animé les hommes d’Etat qui ont su trouver les solutions idoines au sortir d’une guerre atroce.
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Messieurs les Présidents, l'expression de notre haute considération.
Premiers signataires :
Lyazid Benhami, président du Groupe de Réflexion sur l'Algérie (GRAL) ;
Aissa Kadri, professeur des universités, ancien directeur de l'Institut Maghreb Europe Paris VIII ;
Nils Andersson, président de l'Association Contre la Colonisation Aujourd'hui (ACCA), ancien éditeur ;
Ahmed Mahiou, agrégé des facultés de droit, ancien doyen de la Faculté de droit d'Alger, ancien directeur de l'IREMAM (Aix en Provence) ;
Stanislas Hutin, membre de l'Association la 4ACG (Anciens appelés en Algérie contre la guerre et leurs amis) ;
Michel Berthelemy, membre de l'Association la 4ACG (Anciens appelés en Algérie contre la guerre et leurs amis) ;
Jacques Pradel, président de l’Association des Pieds Noirs Progressistes et leurs Ami·e·s ;
Louisa Ferhat, présidente de l'Association Femmes Berbères Européennes ;
Farid Yaker, président du Forum France-Algérie ;
Nadir Marouf, anthropologue du droit, professeur émérite des Universités UPJV - Amiens ;
Alain Ruscio, historien ;
Gilles Manceron, historien ;
Catherine Brun, professeure Université Sorbonne Nouvelle - Paris ;
Viviane Candas, cinéaste ;
Christophe Lafaye, docteur en histoire contemporaine, Université d'Aix Marseille, chercheur-associé à l'Université de Bourgogne Europe ;
Alice Cherki, psychiatre, psychanalyste ;
Todd Shepard, professeur - Johns Hopkins Université - Baltimore USA ;
Hocine Zeghbib, juriste, maître de conférences honoraire, Université de Montpellier, ancien directeur du Master européen « Migrations Inter Méditerranéennes » ;
Bruno Laffort, maître de conférence - HDR en sociologie - Etude des migrations entre la France et le Maghreb ;
Fatiha Rahmouni, avocate ;
Kader A. Abederrahim, maître de conférences Sciences-Po Paris et chercheur en sciences politiques ;
Pierre Pradel, membre de l’Association des Pieds Noirs Progressistes et leurs Ami·e·s ;
Madjid Si Hocine, chef de service hospitalier ;
Fayçal Zeggat, opérateur économique agroalimentaire - Algérie ;
Myassa Messaoudi, universitaire et écrivaine ;
Guy Jourdain, ancien Officier de Marine et membre du corps du Contrôle Général des Armées ;
Mustapha Boutadjine, artiste-plasticien - Paris ;
Tarek L. Radjef, ingénieur à la retraite ;
Abdelhalim Zeggat, avocat - Alger ;
Nabéla Aïssaoui, directrice juridique ;
Boukhari Nacer-Eddine dit N.E. Tatem, journaliste ;
Omar Lamourit, historien ;
Ouarda Merrouche, économiste ;
Omar Adel Belarbi, directeur de projets Groupe immobilier - France , Conseiller de quartier Paris 15 ;
Hocine Admeziem, cadre et entrepreneur - France ;
Ahmed Ghouati, consultant en éducation et formation ;
Betitra Amour, cadre secteur bancaire - France ;
Brahim Oumansour, géopolitologue ;
Rahim Rezigat, association de Promotion des Cultures et du Voyage ;
Fernand Poncet, ancien appelé en Algérie ;
Karim Houfaid, réalisateur et expert en coopération internationale - France ;
Mohamed Khandriche, sociologue et militant associatif dans les deux pays ;
Tewfik Allal, correcteur, militant associatif ;
André Gazut, réalisateur...