Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

1142 Billets

15 Éditions

Tribune 16 septembre 2023

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Un programme commun pour des européennes unies dans la diversité

En prévision des élections européennes de 2024, dans un appel à « faire fructifier utilement les divergences pour en faire collectivement des richesses et non des menaces », un collectif de membres d'EELV appelle à co-constuire un programme commun de la gauche, et à sortir des logiques intra et inter-partisanes, afin de « ne pas laisser s’installer la petite musique de la fatalité ». « Nous n’avons pas le droit de désespérer à nouveau toutes celles et ceux qui aspirent au vrai changement ».

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Du 6 au 9 juin 2024 se dérouleront les prochaines élections européennes. Nous serons alors plus de 400 millions d’Européennes et Européens appelés à nous déplacer aux urnes pour désigner nos futurs 705 eurodéputés (81 pour la France). Une autre voie pour l’Europe est non seulement possible, mais surtout urgente et nécessaire ! Pour lutter au bon échelon en faveur de la paix, de la sauvegarde du climat et de la biodiversité, et renforcer nos droits et libertés, contre l’évasion fiscale et l’explosion des inégalités sur une planète de plus en plus cramée et abîmée.

Certes l’Europe actuelle, celle qui refuse la solidarité aux exilés venus s’échouer contre ses murs, celle qui organise la concurrence libre et non faussée au détriment de nos services publics, celle qui sacralise la toute-puissance des technocrates et des banquiers et privilégie les grandes entreprises au profit des rentiers, est détestable. Mais celle qui protège nos ressources en eau, notre biodiversité ou encore nos droits et libertés souvent contre la volonté même de nos Etats, n’est-elle pas utile ? Et est-ce que le drapeau bleu étoilé ne sert pas souvent de paravent bien commode aux impérities de nos politiques nationaux, se dissimulant derrière Bruxelles quand sont prises des mesures impopulaires relevant pourtant de leurs prérogatives ? 

Les temps sont trop graves, la guerre est à nos portes, tandis que Poutine et ses sbires ne cessent de déstabiliser nos démocraties, relayés par une extrême droite complaisante soi-disant « patriote » en nos contrées, pour abandonner notre idéal européen alternatif sur l’autel de nos petites différences. Un idéal qui doit sublimer les oppositions du passé, de Maastricht au TCE de 2005, pour hisser à l’échelon européen notre ambition de transformation écologique et sociale de nos sociétés et répondre enfin aux immenses enjeux de notre temps. 

Oui, les élections européennes sont à la proportionnelle, et ainsi elles permettent à chaque force politique de faire entendre sa spécificité, contrairement au scrutin majoritaire généralisé de notre 5e république à bout de souffle. Oui aujourd’hui certains sondages montrent que les écologistes et les forces de gauche séparées pourraient faire un meilleur score additionné qu’une liste unique, surtout si celle-ci masquait les divergences de fond qui peuvent demeurer. Sauf qu’aucune projection n’est capable aujourd’hui de prédire les résultats électoraux putatifs que pourrait engendrer un large rassemblement de la gauche et des écologistes susceptible de passer devant la Macronie et la droite extrême, provoquant dans son sillage la potentialité d’un enthousiasme retrouvé, en particulier parmi la jeunesse et les classes populaires.

Le rassemblement autour de la NUPES lors des législatives de 2022 a suscité un très grand espoir et permis enfin de relever la tête à gauche et au sein de l’écologie. Alors quand 76% des sympathisants de gauche et 70% de ceux d’EELV se disent aujourd’hui favorables à un rassemblement de la NUPES aux prochaines élections européennes [1], en particulier parmi les plus jeunes, nous n’avons pas le droit de désespérer à nouveau toutes celles et ceux qui aspirent au vrai changement. Des jeunes qui dans leurs organisations politiques respectives ont fait preuve d’une véritable maturité politique en sachant mettre de côté leurs divergences afin de travailler à l’élaboration d’un programme commun pour les européennes [2] .

Alors sachons écouter les premiers concernés par l’accélération de l’effondrement du monde. 

Le chapitre 8 du programme commun de la NUPES a un objectif clair sur l’Europe : « Ensemble, nous voulons faire bifurquer les politiques européennes vers la justice sociale, l’écologie, le progrès humain et le développement des services publics »[3]

Alors sachons dépasser les logiques de chapelle en gardant à la bouche et à l’esprit cet horizon commun, cette zone européenne à défendre, dans une logique de solidarité et de complémentarité plutôt que de concurrence exacerbée. Sachons faire fructifier utilement nos divergences pour en faire collectivement des richesses et non des menaces, partant de la logique de l’archipel chère à Patrick Viveret et des principes de la pensée complexe d’Edgar Morin. Il s’agit de co-constuire un espace commun qui ne soit sous la domination d’aucun des acteurs, respectant les identités de chacun de ses membres tout en permettant d’entretenir des relations fécondes plutôt qu’annihilantes, emblèmes de nos interdépendances et symboles des nouvelles manières d’aborder la politique et la démocratie dans le monde d’après.

Si nous sommes toutes et tous, à gauche et chez les écologistes, favorables à la sortie de la 5e république, commençons à nous l’appliquer à nous-mêmes en sortant des logiques intra et inter-partisanes de fait majoritaire pour insuffler enfin dans notre vieille monarchie républicaine la culture du débat et du compromis. Les élections européennes, à la proportionnelle à un tour, sont le parfait outil pour cela. Qui sait, parmi les électrices et électeurs que dès le lendemain des européennes, des eurodéputé·es se retrouvent, notamment au sein du « left » ou « progressive » caucus, pour étudier ensemble la possibilité d’une feuille de route commune afin de voir s'il peuvent proposer un.e candidat commun (la ou le "spitzenkandidat") pour la présidence de la Commission européenne ? Ces négociations se déroulent en à peine quatre semaines loin des regards, mais sont le fruit d’un processus démocratique moderne dans lequel les gagnant.es du suffrage cherchent à rassembler plutôt qu’à écraser les autres. C’est ainsi que fonctionnent la plupart des démocraties parlementaires européennes, mais pas la France qui depuis De Gaulle souffre de la maladie du fait majoritaire, du « grand homme » et de la verticale stérile du pouvoir.

Il faut bien avoir en tête qu’en 2024, étant donné le rapprochement idéologique actuel entre la droite (PPE) et l'extrême droite européennes (ECR et ID), tout l'enjeu pour qu'ils ne raflent pas tous les postes européens importants sur une ligne à la fois néolibérale et identitaire, et qu'on en prenne pour cinq années supplémentaires de catastrophe climatique et démocratique, est que la gauche et les Verts européens se rapprochent davantage. Imaginer la possibilité d’une victoire commune en 2027 sans un travail d’équipe d’ampleur dès à présent relève du vœu pieu. Ces échéances électorales intermédiaires doivent réellement être l'occasion de poser sereinement nos désaccords afin de les lever et de construire dans nos bases militantes et au sein de nos organisations politiques les bases d'un programme commun indispensable pour espérer une victoire en 2027.  

Et pour cela, la meilleure chose à faire est de partir du slogan européen « uni.es dans la diversité ». Que des listes autonomes continuent d’exister puisque c’est leur souhait démocratiquement exprimé au sein des appareils politiques, pour envoyer un maximum d’eurodéputé.es dans chacun des groupes des Verts, du PSE et de la GUE, mais que toutes les bonnes volontés se réunissent très rapidement pour l’élaboration d’une plateforme programmatique européenne commune. Un exercice nécessaire pour être prêt demain à peser véritablement à Bruxelles et Strasbourg et surtout en débattant avec le plus grand monde en toute transparence, devant l’opinion publique, afin de démocratiser enfin la question européenne. Car depuis le référendum de 2005, dans lequel le peuple s’était clairement exprimé, pour voir son avis nié à peine deux ans plus tard, quand a-t-on réellement débattu de l’avenir de l’Union européenne en France ?

Nous appelons donc les représentant·es de l’ensemble de la gauche et des écologistes à prendre dès à présent part à ce chantier pour ne pas laisser s’installer la petite musique de la fatalité et redonner goût à la construction européenne par un large front populaire, écologique et social, susceptible de gagner la bataille des esprits sur une base électorale enfin élargie.

Que les jeunes et les classes populaires désabusées retrouvent le chemin des urnes et de l’espoir, pour dessiner enfin cet autre monde possible ! 

Ne jamais oublier, à l’instar d’un des pères spirituels de l’Europe, Victor Hugo, que : « Rien n’est plus imminent que l’impossible ».

Cette tribune est à signer ici.

[1] Voir https://www.ifop.com/publication/le-regard-des-francais-sur-une-candidature-unique-de-la-nupes-pour-les-elections-europeennes-de-2024/

[2] Voir notamment cet article

[3] Voir le programme, chapitre 8

Premiers signataires : 

Raymonde Poncet, Sénatrice écologiste du Rhône

Fabienne Grébert, Co-Présidente du groupe écologiste à la Région Auvergne Rhône-Alpes

Benjamin Joyeux, journaliste et conseiller régional d’AuRA

Alain Coulombel, membre du bureau exécutif d’EELV

Zerrin Bataray, avocate et conseillère régionale d’AuRA

Bénédicte Monville, candidate écologiste aux européennes 2024

Géraldine Boÿer, co-secrétaire régionale d'EELV PACA 

François Benoit-Marquie, militant EELV NUPES

François Dubreuil, Co-mandataire de la demande de référendum d‘initiative militante sur les européennes au sein d’EELV

Pierre Monnier, écologiste

Guénolé Carlier, EELV Bretagne

Krystele Appourchaux, co-mandataire de la demande de référendum