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Tribune 17 juillet 2025

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Ils veulent faire taire Francesca Albanese parce qu’elle a refusé de faire taire les victimes

« Depuis deux ans, les attaques pleuvent » Parce que Francesca Albanese a documenté, analysé, qualifié la guerre génocidaire à Gaza, en décrivant « les mécanismes du déplacement, de la dépossession, de l’effacement des Palestinien·nes », médias, groupes de pression et États s’en prennent à la légitimité même de son mandat. Un ensemble de militant·es, personnalités et universitaires expriment leur solidarité : « Francesca Albanese n’est pas seule. »

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Parce qu’elle a écouté les voix qui montent des ruines de Gaza. Parce qu’elle a fait parler les décombres. Parce qu’elle a nommé l’innommable. Parce qu’elle a documenté, analysé, qualifié et révélé l’anatomie d’un génocide en cours, en décrivant les mécanismes du déplacement, de la dépossession, de l’effacement des Palestinien·nes. Parce qu’elle a exposé l’architecture des profits qui soutiennent l’entreprise coloniale israélienne.

Pour toutes ces raisons, ils veulent non seulement réduire au silence Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, mais également la briser.

Depuis deux ans, les attaques pleuvent, féroces, diffamatoires, voire injurieuses. Le puissant lobby juridique International Legal Forum, fort de plus de 4 000 avocats à travers le monde, demande sa démission. Israël l’a déclarée persona non grata et refuse de lui délivrer un visa pour exercer son mandat onusien. En mars dernier, 43 députés français de droite avaient écrit au ministre des Affaires étrangères pour s'opposer à la reconduction de son mandat. Les États-Unis viennent d’annoncer des sanctions officielles à son encontre, un acte inédit contre une experte indépendante de l’ONU.

Illustration 1
Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, à Pantin le 5 avril 2025. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Ces sanctions ne sont pas une première. Elles s’inscrivent dans la lignée de celles imposées à la Cour pénale internationale, lorsque cette dernière osa enquêter sur des crimes de guerre commis par les forces américaines en Afghanistan et décida d’émettre des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et Yoav Gallant, l'ancien ministre de la Défense d'Israël, pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité dans les territoires palestiniens.

Médias, groupes de pression et États ne s’en prennent pas seulement à la personne de Francesca Albanese, mais également à la légitimité même de son mandat, à ce qu’il représente : l’indépendance, la rigueur juridique et le courage de nommer les crimes là où ils sont commis, même quand les responsables sont puissants. Ce n’est pas uniquement la voix de Francesca Albanese qu’on cherche à étouffer, mais plus largement tous les mécanismes internationaux de protection des droits humains.

A quoi mènent ces campagnes et cet acharnement, sinon au refus de reconnaître toute justice qui échapperait à la volonté des puissants ? Un État qui se permet de sanctionner un organe onusien ne viole pas seulement un principe, il ébranle tout l’édifice du multilatéralisme. Devons-nous accepter que demain, chaque État sanctionne à sa guise les enquêteurs·rices, rapporteurs.es, juges ou procureurs.es qui le gênent ? À quoi servirait alors le droit international ? Devons-nous renoncer à cette promesse fragile née des cendres d’Auschwitz et d’Hiroshima, ce rêve de paix qui a donné naissance à l’ONU, aux Conventions de Genève, aux mécanismes des droits humains ?

En s’attaquant à elle, on criminalise l’impartialité, on délégitime le droit international, on envoie un message glaçant à tous ceux qui, dans d’autres contextes, pourraient être tentés de dire l’indicible. Ce n’est plus seulement une campagne contre une experte, c’est une entreprise de démolition de tout ce qui reste du rêve universaliste né des horreurs du XXe siècle.

Face à cela, Francesca Albanese n’a jamais baissé les bras. Elle a poursuivi son travail avec dignité et précision. Elle n’a jamais appelé à la haine. Elle a seulement exigé la justice. Son dernier rapport, rigoureux et accablant, ne se contente pas d'accuser à la légère. Il documente, méthodiquement et identifie des entreprises qui soutiennent concrètement le projet colonial israélien, un crime au regard du droit international. Il n’a fallu que quelques jours pour que la riposte s’organise. 

Aujourd’hui, la faire taire serait enterrer un peu plus les voix de Gaza qui sombrent dans le déni de justice, et avec elles, les fondements mêmes du droit international.

Mais Francesca Albanese n’est pas seule. Nous sommes par milliers, femmes et hommes à travers le monde, à ne pas nous tromper de côté de l’histoire. Nous portons l’humanisme, les valeurs universelles, et nous refusons de céder à la loi du plus fort, du dominant, du colonisateur. Malgré les failles que nous dénonçons, nous continuons de croire à un monde meilleur, à la force du droit, et aux outils disponibles pour préserver la paix, tout en exigeant leur réforme profonde, afin qu’ils garantissent enfin une paix juste et durable.

Défendre Francesca Albanese, c’est défendre le droit. Notre silence aujourd’hui serait un abandon. 

Il nous faut choisir : le silence complice ou le courage de la vérité.

Signataires :

  1. Yosra Frawes, Avocate, ex-présidente de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates, Tunisie
  2. Guissou Jahangiri, Directrice exécutive d’OPEN ASIA/Armanshahr, Secrétaire générale de la Fédération internationale des droits humains (FIDH), Iran-France
  3. Sonia Dayan-Herzbrun, Sociologue, France
  4. Diana Alzeer, feministe, Al Haq, Vice-présidente de la FIDH, Palestine 
  5. Azadeh Kian, Professeure de sociologie à l’Université Paris Cité, Directrice du CEDREF, France 
  6. Hela Ben Youssef, Vice-présidente internationale socialiste des femmes, Tunisie 
  7. Pinar Selek, Féministe antimilitariste, Turquie-France 
  8. Nathalie Tehio, Présidente de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), France 
  9. Gloria Gano, Avocate, directrice exécutive, Asociación Pro Derechos Humanos (APRODEH), Sécretaire generale de la FIDH, Peru 
  10. Khadija Ryadi, Secrétaire générale de l'Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), lauréate du prix de l'ONU pour les droits de l'Homme en 2013, Maroc 
  11. Nassera Dutour, Présidente du Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie et de la Fédération Euro-Méditerranéenne contre les Disparitions Forcées, France-Algérie 
  12. Sophie Bessis, Féministe, historienne et philosophe, France-Tunisie 
  13. Kati Verstrepen, avocate et présidente de la Liga voor Mensenrechten, Belgique
  14. Alice Mogwe. Présidente de la  Fédération internationale des droits humains (FIDH),  Directrice de DITSHWANELO - The Botswana Centre for Human Rights, Botswana 
  15. Gerard van Vliet, Dutch League for Human Rights (LvRM), Pays-Bas 
  16. Safa Chebbi, Militante décoloniale à Tiohtià:ke-Montréal, Canada 
  17. Kaari Mattila, Secrétaire générale de la FIDH, Finland 
  18. Shahinda Ismail, Fondatrice du Maldivian Democracy Network, Maldives 
  19. Kawther Alkholy Ramadan, Directrice exécutive de Women for Justice Foundation, Egypte
  20. Bernedette Muthien, chercheuse, Institute for African Alternatives, WASL, Afrique du Sud
  21. Joumanah Merhy, Féministe et défenseure des droits humains, Liban 
  22. Horia Mosadiq, Directrice générale Conflict Analysis Network (CAN), Afghanistan
  23. Marie-Christine Vergiat, LDH, Euromed Droits, ex-députée européenne, France 
  24. Abdallah Lefnatsa, Association Marocaine des Droits de l’Homme, Maroc 
  25. Adel Boucherguine, Président du  Collectif de sauvegarde de la ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (CS-LADDH), Algérie-France 
  26. Aida El Amri, Médecin, Présidente de l’Association Tunisie Culture et Solidarité, Tunisie 
  27. Aissa Rahmoune, Avocat au Barreau d’Alger, Vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme, Secrétaire générale de la FIDH, Algérie 
  28. Alaa Talbi, Directeur du Forum Tunisien des Droits Économiques et Sociaux, Tunisie 
  29. Amina Izarouken, militante féministe, Algérie
  30. Alexis Deswaef, Avocat, Président d’honneur de la Ligue des Droits Humains, Vice-président de la FIDH, Belgique 
  31. Ali Ait Djoudi, Président de Riposte Internationale, France-Algérie 
  32. Alice Santinelli, Éditrice et consultante de photographie, Italie 
  33. Amel Hadjadj, militante féministe, Algérie 
  34. Anne-Marie Bence, ancienne rédactrice en chef de la revue Missive, France 
  35. Bianca Shanaa, Entrepreneuse, Palestine-France 
  36. Cahors@ldh-france.org  pour LDH 46 ET AFPS 46, France 
  37. Catherine Choquet, LDH 93, France 
  38. Christian Eypper, la Ligue des droits de l'Homme, France 
  39. Dada Azouz, Activiste Queer Féministe, France 
  40. Daisy Schmitt, documentariste, France 
  41. Denis Richard, militant Ligue des droits de l'Homme, France 
  42. Evelyne Sire-Marin magistrat honoraire, Vice-présidente de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), France 
  43. Fabienne Messica, Ligue des Droits de l’Homme, France 
  44. Fatiha Fadil, retraitée, France 
  45. Fatma Chérif, Cinéaste, Tunisie-France 
  46. Fatma Oussedik, Sociologue, Algérie 
  47. La Fondation du journal féministe algérien, Algérie
  48. Gilles Manceron, Historien, France 
  49. Hajer Chraiti, féministe, France
  50. Hakima Naji, professeure retraitée Maroc 
  51. Hélène Henry, militante à la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), France 
  52. Jacques Rigaudiat, Conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, France 
  53. Jacqueline Charretier, militante des droits de l'Homme et du droit, France 
  54. Kaouther Ben Azouz, Enseignante, Artiste plasticienne, France-Tunisie 
  55. Khadija Ainani, Association Marocaine des Droits de l‘Homme, Maroc 
  56. Khadija Bahyaoui, Association Marocaine des droits humains, Canada 
  57. Khadija Chérif, militante féministe, Tunisie 
  58. Khaoula Taleb Ibrahimi, professeure des universités, Algérie 
  59. Laurent Aspis, militant de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), France 
  60. Leila Kannouda, Génération.s 46, France 
  61. Ligue iranienne de défense des droits de l'Homme (LIDDH), France 
  62. Maitre Mustapha Bouchachi, Ancien Président de la LADDH, Algérie 
  63. Manel Mabrouk, Artiviste, France 
  64. Martine Rigo Sastre, éditrice Voix-Tissée, France 
  65. Marwa Frawes, féministe intersectionnelle, France-Tunisie 
  66. Maryam Ashrafi, Photographe documentaire sociale, France 
  67. Maryse Artiguelong, Ligue des droits de l'Homme (LDH), Vice-présidente de la FIDH, France
  68. Mohammed Ghafri, Coordonnateur national du Réseau démocratique de solidarité avec les peuples, Maroc 
  69. Mouad El-Johri, Membre du secrétariat national du Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation, Maroc 
  70. Moumene Khelil, Ancien Secrétaire générale de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH), Algérie 
  71. Naima Benwakrim, Militante féministe et pour les droits humains, Maroc 
  72. Naima Naim, activiste, Maroc 
  73. Nicolas Puig, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), France 
  74. Norman Tjombe, militant des droits humains, Namibie 
  75. Pascal Maillard, universitaire, poète, co-fondateur de l’Académie des écrivain·es pour les droits humains, France
  76. Patrick Navaï, Artiste, Citoyen du monde 
  77. Philippe Leclercq, activiste, France 
  78. Rania Majdoub, activiste décoloniale, France-Tunisie 
  79. Sahar Talaat Elbassiony, Professeur d’Université, Egypte-Grande Bretagne 
  80. Said Ourabah, Président de la Fédération des travailleurs Africains en France et en Europe (FETAFE), France 
  81. Samia Fraouis, activiste, France
  82. Serpilekin Adeline Terlemez, Dr. en art de la scène, poète, écrivaine-traductrice, co-responsable de la collection "Regards turcs" l'Harmattan, Turquie-France 
  83. Sevgi Türker-Terlemez, écrivaine-traductrice franco-turque et co-responsable de la collection "Regards turcs" l'Harmattan, Turquie-France 
  84. Shawan Jabarin, Al-Haq, Palestine 
  85. Simone Susskind, Actions in the Mediterranean, ancienne sénatrice fédérale et députée bruxelloise, Belgique 
  86. Sylvie Forestier, artiste, France 
  87. Vida Farhoudi, Poète, traductrice, membre de l'Association des écrivains iraniens en exil, Iran-France 
  88. Zied Abidi, Défenseur des droits humains, Tunisie 
  89. Zohra Koubia, Défenseure des droits humains, Maroc 
  90. Zohra Oueslati, Conseillère en développement de la formation professionnelle, France-Algérie