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Tribune 18 octobre 2016

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La communauté internationale a la responsabilité de protéger les femmes syriennes

Alise Mofrej, Bassma Kodmani, Suheir Atassi et Hind Kabawat, quatre femmes du Haut Comité des négociations (HCN) de l’opposition syrienne, font le point et analysent le rôle essentiel des femmes dans le conflit en Syrie.

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Selon les Nations Unies, plus de 150 enfants ont été tués à Alep ces deux dernières semaines. Chacun avait une mère. Comme tant d’autres, ces femmes sont marquées par cette guerre brutale, qui dure maintenant depuis six ans. Mais les épreuves ont rendu les Syriennes incroyablement résistantes. Ces femmes sont protectrices, elles rendent les choses possibles. Ce sont elles qui constituent la pierre angulaire de leur communauté. Ce n’est qu’avec leur concours que la Syrie réussira sa transition politique et prendra le chemin de la paix.

À Alep, les femmes veillent à ce que l’âme de la ville demeure, en dépit des bombardements du régime d’Assad. Dans la deuxième ville du pays ainsi que dans toute la Syrie, des femmes sont à l’origine d’initiatives visant à fournir une éducation, de la nourriture et des soins de santé. Elles constituent les piliers de la société syrienne et sont essentielles à la démocratie et à la construction de la Syrie d’après-conflit.

En tant que membres du Haut comité de négociation (HCN) de l’opposition syrienne, nous avons rencontré le mois dernier 50 femmes issues de certaines des organisations les plus actives de la société civile syrienne. Si nous n’avons eu qu’un aperçu du rôle majeur des femmes syriennes, nous avons néanmoins découvert les efforts qu’elles mènent sur le terrain pour que la vie locale se poursuive malgré les immenses défis auxquels il faut faire face. Ces femmes nous ont transmis des revendications légitimes quant à la manière de parvenir à une transition politique en Syrie. Elles nous ont clairement indiqué qu’elles voulaient – et avaient besoin de – participer davantage à la construction de la Syrie de demain. Notre travail est de leur en donner les moyens. Voilà pourquoi nous enjoignons à nos alliés internationaux de garantir la participation équitable des femmes syriennes et leur pleine implication dans toutes les initiatives visant à atteindre une paix durable, comme exigé par la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité de l’ONU.

Mais avant tout processus politique, et pour permettre la participation des femmes, nous devons mettre fin à un obstacle majeur : les attaques aveugles perpétrées contre des civils. Le mois dernier, le secrétaire d’État américain John Kerry a lui-même fait ce constat devant le Conseil de sécurité des Nations unies, avant de réclamer l’interdiction du survol de la Syrie par les appareils russes et par ceux du régime d’Assad.

Les crimes abjects commis par le régime à l’encontre de civils innocents ont pratiquement anéanti tout espoir quant aux pourparlers de Genève et à un processus politique. Pendant que, aux côtés des Syriennes, nous débattons de la manière de lancer la reconstruction de notre pays, nos efforts sont bloqués par le régime d’Assad et son allié russe, qui ciblent et affament des civils à Alep et dans tout le pays. Le régime continue de refuser l’accès à l’aide humanitaire, afin de maintenir la population sous contrôle. Un million de Syriens au moins se trouvent actuellement en état de siège. Par ailleurs, en ordonnant de déplacer les combattants de l’opposition vivant dans les zones qu’il a regagnées, le régime d’Assad provoque un changement démographique. Ces déplacements forcés de population ont des conséquences très néfastes sur les femmes et les enfants laissés pour compte.

Néanmoins, malgré les horreurs quotidiennes de la vie en Syrie, nos compatriotes féminines gardent espoir. Dans leur travail pour reconstruire les écoles, les hôpitaux et leurs communautés, nous voyons la résistance des femmes syriennes. Leur engagement avec le HCN prouve que les Syriens n’ont pas renoncé à la paix, ni au rôle des femmes dans ce processus. Alors que Bashar el-Assad bombarde des civils à Alep et dans toute la Syrie pour détruire l’avenir de notre pays, les Syriens travaillent sans relâche pour le reconstruire.

Selon certains médias, l’administration américaine envisage à présent des frappes aériennes contre des positions militaires syriennes, en réponse aux attaques de civils à Alep. L’objectif est d’établir une « zone de non-bombardement ». La question est également discutée au Parlement britannique. Conjointement à de nombreux Syriens issus de la société civile, à des défenseurs des droits de l’homme et à des militants civils, le HCN prône l’établissement d’une telle zone. Il s’agit à nos yeux de la seule manière de protéger les civils en Syrie. Nous nous réjouissons donc que la communauté internationale y voie une possibilité crédible.

Mais les mots ne suffisent pas. La communauté internationale doit maintenant agir pour garantir que les civils soient protégés et cessent d’être pris pour cible.

La communauté internationale, et en particulier nos partenaires européens, doit reconnaitre les efforts des femmes syriennes et leur apporter son soutien. Nous avons tous une dette envers les centaines d’enfants innocents tués ou victimes de crimes de guerre à Alep et dans toute la Syrie. Il faut mettre un terme au conflit et veiller à ce que les personnes responsables soient poursuivies en justice. Nous le devons aux mères de ces enfants, à leurs pères et à leur communauté. Nous savons que les Syriennes participent de plus en plus à ces efforts. Il est temps que la communauté internationale les protège aussi et leur donne les moyens d’agir.

Les femmes du HCN:

Alise Mofrej

Bassma Kodmani

Suheir Atassi

Hind Kabawat