L'auteur de BD français, Bastien Vivès est exposé à la galerie Huberty & Breyne à Ixelles depuis le 12 avril et jusqu’au 11 mai. La galerie le décrit comme : « un auteur à la fois adoré et critiqué [...] qui [aurait] connu une année particulièrement tumultueuse induite par l’annulation de son exposition au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 2023, pour cause de polémique ». (1)
La glorification de l’inceste, de la pédophilie et du viol dans des oeuvres artistiques n’est pas une « polémique ». Diverses associations françaises ont porté plainte contre ses oeuvres, notamment Les Melons de la colère (2011), La Décharge mentale (2018) et Petit Paul (2018). La première bande dessinée est décrite sur le site de la Fnac avec ces mots : « Les Melons de la colère en constitue un contrepoint aussi jouissif que nécessaire. Fini de chouiner comme un bébé, place au sexe. Du fin fond de la campagne française, Les Melons de la colère narre les chroniques tendres et crues d’une jeune fermière qui en a plus dans le soutien-gorge que dans le ciboulot. Le jeune prince de la BD française prouve que les romantiques peuvent aussi être des salauds et signe les scènes de viol aussi dures que sera la vengeance finale ».
Dans La Décharge mentale, un homme est invité à passer une soirée dans une famille de trois enfants, à l'issue de laquelle des actes sexuels ont lieu avec les enfants et les adultes. Petit Paul sur le site de Glénat, l’éditeur de l’ouvrage, est décrit ainsi : « Petit Paul vit à la campagne avec son père et sa sœur Magalie. Et il est ce qu’on pourrait appeler un enfant précoce. Bien qu’il ne soit pas encore en âge de penser à la chose, le voici doté d’un formidable attribut difficile à dissimuler et qui déclenche chez les chastes femmes de son entourage les plus violentes des pulsions. À la ferme familiale, chez ses amis ou en classe, notre pauvre petit paysan se retrouve ainsi propulsé, bien malgré lui, dans des situations aussi lubriques qu’absurdes et embarrassantes... Bastien Vivès met à nouveau en scène les héros aussi candides que généreusement pourvus par la nature [...] L’auteur de Polina se nourrit des quiproquos pour coucher sur papier ses fantasmes les plus inavouables et prouve, une fois de plus, que son dessin épuré et virtuose lui permet tout. Aussi immoral que réjouissant ; aussi cru que chaud, Petit Paul nous montre qu’il est parfois bon de rire, même si c’est mal ».
Il est d’ailleurs signalé sur la couverture de l’oeuvre : « ouvrage à caractère pornographique ». Face à l’inceste, l'une des organisations françaises ayant porté plainte, indique sur son site internet que : « Ces trois bandes dessinées ». Les oeuvres de Vivès sont des images fictionnelles, or selon le Code pénal belge la représentation de mineur·e·s dans une scène pornographique est interdite par la loi (article 417/44 du Code pénal) : « La production ou la diffusion d'images d'abus sexuels de mineurs consiste à exposer, offrir, vendre, louer, transmettre, fournir, diffuser, mettre à disposition, remettre, fabriquer ou importer des images d'abus sexuels d'un mineur, par quelque moyen que ce soit. Cette infraction est punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d'une amende de cinq cents euros à dix mille euros ».
C’est le cas des dessins, comme le stipule l’article 417/43 : « des images réalistes représentant un mineur qui n'existe pas, se livrant à un comportement sexuellement explicite, ou représentant les organes sexuels de ce mineur à des fins principalement sexuelles ». Les propos de l’auteur sont clairs et ne laissent place à aucun doute : « J’ai fait avec les fantasmes qui m’excitent personnellement », affirmait-il pour parler de Petit Paul auprès du HuffPost. Il soutient également sur le média MadmoiZelle en 2017 : « Moi l’inceste, ça m’excite à mort ». Exposer Bastien Vivès c’est participer à la banalisation de la culture du viol. De plus, la galerie présente l’annulation de la carte blanche de « l’artiste » au festival d’Angoulême comme une source d’inspiration pour ses oeuvres : « Pour Vivès, cette exposition est aussi l’occasion de dévoiler l’impact que les récentes polémiques ont eu sur son travail et sa personne. Toujours par le biais des composantes qui le caractérisent ; le rire et l’absurde, bien que l’on ne puisse le résumer à cela ». La pédocriminalité n’est pas une affaire de moeurs, c’est un problème de santé publique. La pédocriminalité fait des victimes tous les jours.
Le monde de l’art et de la culture a un rôle à jouer dans la lutte contre la pédopornographie afin de lutter contre sa normalisation. La sexualité imposée n’a rien d’un amusement ni d’une distraction artistique. Nous sommes fatigué·es de voir l’art et la culture du viol encore liés. Les conséquences d’oeuvres fictionnelles sur les lecteurs et lectrices sont elles toujours bien concrètes et réelles. On parle de traumatismes avec de véritables impacts : impacts psychodramatiques, tentatives de suicide, déscolarisation, marginalisation, addictions, mutilations etc... En Belgique, il n’existe aucune statistique officielle sur l’inceste. C’est pourtant un fléau majeur : en France, par exemple, selon les chiffres de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, on estime qu’un enfant est victime d’inceste toutes les trois minutes, soit 160.000 enfants chaque année. En Belgique, l’ASBL SOS Inceste, qui propose une ligne d’écoute téléphonique pour les victimes, a reçu en 2023, environ 2.000 appels soit 5 à 6 appels par jour selon les chiffres donnés par RTL.
Le cas de Bastien Vivès est un exemple parmi tant d’autres d’une société symptomatique. Les galeries d'art sont parties intégrantes de la société et elles ne peuvent contribuer à l’impunité ni ignorer les mécanismes qui justifient et perpétuent les violences sexuelles. Elles ont une responsabilité sociale et éthique comme tout un chacun. La culture se fait protectrice de la culture du viol et de l’inceste si elle accepte de rester sourde et aveugle face aux luttes contre le sexisme et les violences sexuelles.
Non, Bastien Vivès n’est pas sujet à controverses et polémiques. Non ce n’est pas être un génie provocateur que de banaliser la pédopornographie et la pédocriminalité. Non ce n’est pas être subversif, ni défendre « la liberté d’expression » et « la censure » que de lui vouer une exposition. Bien que les oeuvres d’art fassent partie du champ de la fiction elles ont le pouvoir de façonner des réalités sociales et politiques. Choisir de programmer un auteur qui banalise des comportements pédocriminels et qui tend à faire perdurer un modèle sexiste est un exemple de plus du maintien de la culture du viol et du déni dans les milieux artistiques.
Programmer un tel artiste est une prise de position. C’est une décision réfléchie que nous ne pouvons soutenir au regard du vécu des personnes concernées. L’art et la culture ont une responsabilité sociétale, et doivent dès lors répondre de leur choix politique. Nous nous levons aujourd’hui car nous souhaitons défendre une culture accessible, inclusive, décoloniale, qui protège les victimes au lieu de promouvoir et de visibiliser des artistes qui fantasment sur l’inceste et qui font l’apologie des violences sexuelles sur mineur·es. Ignorer cette réalité c’est mépriser les survivant·es et victimes de violences sexistes et sexuelles et surtout être complice.
Manon Rondeau, Galerie Magmatic
Les signataires :
ABDIL (fédération des Auteurices de la Bande Dessinée et de l’Illustration) ;
Mathilde Merchiers, Galerie La Forest Divonne, Bruxelles ;
la Maison du Livre, asbl du secteur socioculturel ;
Perrine Ledan, Echevine culture d’Uccle, Écolo ;
atelier210 (Bruxelles), asbl, salle de spectacle pluridisciplinaire ;
Ladyfest Bxl, Festival Féministe Transdisciplinaire et Inclusif ;
Pauline Rivière, co-fondatrice des Ateliers du Toner et animatrice radio ;
Catherine Morenville, féministe, échevine Égalité des chances et des genres commune de St-Gilles, Écolo ;
Manon Schied, étudiante à La Cambre, Bruxelles ;
Festival Voix De Femmes asbl ;
Matthieu Goeury, directeur des Halles de Schaerbeek ;
Romane Armand, autrice et éditrice chez En 3000 éditions, Bruxelles ;
Sarah Bouhatous, coordinatrice de la plateforme Scivias ;
Benjamin Monteil, auteur, graveur et musicien, Bruxelles ;
Morgane Somville, autrice de bande dessinées, illustratrice et enseignante ;
Julie Beauzac, créatrice du podcast Vénus s’épilait-elle la chatte ;
Léonard Garcia, artiste ;
Dounia Largo, chercheuse en anthropologie et initiatrice de la pétition contre Vivès ;
Luz de Amor, artiste et programmateur/curateur Maison poème ;
Mélanie Godin, co-directrice Maison poème ;
Florent Le Duc, co-directeur Maison poème ;
Bilou Dricot, Musicien.ne, réalisateurice et créateur d’images ;
Coline Caussade, artiste ;
Les Équinoxes Festival ;
Vincent Wagnair, illustrateur ;
Lucie Miguet, artiste ;
Hélène Drénou, artiste plasticienne ;
Bettina Zourli, autrice, journaliste et militante féministe ;
Morgane Griffoul, illustratrice ;
BICOLI Collective, bibliothèque féministe autogérée bruxelloise ;
Élise Gérard, photographe ;
asbl ELI - ateliers du Toner ;
Juliet Flasse, étudiante ;
Marion Lartigue, maquilleuse, modèle et illustratrice ;
Joanna Lorho, autrice, enseignante ;
Guillaume Penchinat, auteur, illustrateur ;
Exaheva, autrice de bande-dessinée ;
Kat dems, illustratrice ;
Rosie Lehance, performeur•euse ;
Amélie Fuseau, architecte ;
Lison Ferné, autrice de bande dessinée et illustratrice ;
Collectif des éditions Mardi Soir ;
Louise Ollivier, autrice et illustratrice ;
Lasse Wandschneider, illustrateur, artiste ;
Liza Reichenbach, autrice de bande dessinée ;
Léna Cheynel, tatoueuse ;
Marion Henry, artiste et autrice ;
Adeline Molle, illustratrice ;
Ivonne Gargano, illustratrice et auto éditrice ;
Racha Belmehdi, autrice ;
Yann Le Razavet, musicien ;
Amandine Bertholet, autrice de Bande Dessinée ;
Elius Bec, auteurice de bande-dessinée et membre de stachmoule ;
Stachmoule, collectif de micro-edition féministe et queer ;
Collective Fémixion ;
Camille Van Hoof, autrice de bande dessinée ;
Coralie de Bondt, illustratrice et sérigraphe ;
Muriel de Crayencour, artiste et journaliste culture ;
Cathie Bagoris, artiste ;
Mathilde Hervé, militante féministe ;
Camille Mormino, professionnelle de la culture ;
Amélie Pécot, Illustratrice et autrice de bande dessinée ;
Camille Lamy, designer ;
Marine Forestier, autrice et membre de La Satellite ;
Margaux De Re, féministe, députée Écolo au Parlement ;
Rajae Maouane, féministe, coprésidente Ecolo ;
Barbara Dupont, chercheuse et autrice du compte féministe @dou.interjection.dexasperation ;
Estelle Depris, Autrice, éducatrice antiraciste du compte @sansblancderien ;
Paul Marique, graphiste et artiste ;
Mariel Nils, typographe et graphiste, membre de Byebye Binary et Velvetyne ;
Cécile Barraud de Lagerie, designer et illustratrice ;
Morgane Batoz-Herges, travailleuse de la culture ;
La guilde des illustratrices ;
Caroline Bertolini, travailleuse de la culture et photographe ;
Plan Sacha, plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu festif ;
Fanny Dreyer, autrice, illustratrice ;
Ntumba Matunga, Tétons Marrons ;
Betel Rose, créateurice du podcast Rose is the new black ;
Mathilde Pecqueur, designeuse textile, co-fondatrice de Maak & Transmettre
Salomé Corvalan, designeuse textile, co-fondatrice de Maak & Transmettre
Camille Pirritano, Graphiste et illustratrice
Carbonaro Camille, éditrice et photographe
Banana Bill, Illustrateur
Fat friendly, association bruxelloise de lutte contre la grossophobie
Camille Loiseau, journaliste freelance
Ottenwaelter, être humain (mon métier ne définit pas la valeur de mon opinion)
Léno/a Zipper, artiste
Apolline Labrosse, co-fondatrice de la revue artistique et féministe Censored
Ichraf Nasri, artiste et fondatrice de Xeno- ASBL
Léa Charlet, féministe, improvisatrice, musicienne et coordinatrice d’asbl
Aline Pauwels, réalistrice et co-fondatrice de la Horde Productions
Irène Tardif, illustratrice
Mélanie Utzmann-North, autrice, illustratrice
Nicolas Baudoin, chargé de promotion livre/édition
Chloé Horta, graphiste
Pauline Reyre, artiste plasticienne
Arnaud Schmitt, artiste plasticien, scénographe
Mathilde They, militante féministe, photographe
Laura Baiwir, June Benhassan, Manon Baile, Marine Betrancourt, membres de l’aslb Les Sous-Entendues
Hayat Belfaqir, Margaux Van Thielen et Héloïse Laval, de l’asbl CFEP
écolo j, organisation de jeunesse politique
Maïa Hamilcaro-Berlin, autrice de Bande-dessinée
Cecil Behar, artiste-auteur
Léa Jarrin, auteur.ice et illustrateur.ice
Erell Hemmer et Déborah Claire, fondatrices de la collective curatoriale féministe Dis Mon Nom
Eve Brengard, illustratrice
Adlynn Fischer, auteur de bande dessinée
Steph Petre, artiste
Marie Monfils, coordinatrice du Poetik Bazar
Mathilde Van Gheluwe, autrice de bande dessinée et enseignante
Yvan Megal, artiste
Anne-Sophie Guillet, photographe
Lucie Petit Pic, illustratrice, autrice et enseignante,
Sarah Bello Vega, illustratrice
Caroline Gereduz, Costumière
Pelphine, militante du compte @corpscools
Sara Vercheval, artiste illustratrice
Thibault Gallet, auteur
Annabelle Gormand, autrice de bande dessinée et illustratrice
Félix the Rover, auteur illustrateur
Le Poisson sans Bicyclette asbl
Sammy del Gallo, erg
Cyprien Hoffmann, chargé.e de la campagne d’éducation permanente du festival Esperanzah! ;
Garance asbl ;
Le Conseil des Étudiant.es de l’erg ;
Noémie Fachan (Maedusa), autrice BD ;
Risseb, artiste ;
Agathe Dananaï, dessinatrice ;
Maëlle Berthet, artiste ;
Elles* Font Des Films ;
Charlotte Bouillot ;
Leslie Ferré ;
Laurie Hanquinet, professeure de sociologie, ULB ;
FACE B ;
Lysiane Ambrosino ;
Marouchka Payen, DJ et membre de Bye bye Binary ;
Nestra ;
Espace Triphasé, artist run space, Anderlecht ;
Alice Pandolfo, artiste ;
Gaetane Rosell, illustratrice ;
Carole Mousset, artiste ;
Soralia asbl ;
Marine Rouelle ;
Stéphanie Paulus, artiste ;
Alix Juif, designer·euse ;
Fanny Peyratout, artiste imprimeuse ;
Apolline Paquet, production au Kunstenfestivaldesarts ;
Lyne Bnc, experte genre discrimination et sécurité dans le secteur musical et culturel ;
Thiernaud Panier, Gallery Manager & Artistes liaison, Bruxelles ;
Le Massicot, Fédération syndicale des étudiant·es en école de création ;
Victoriæ Defraigne, auteure et activiste pour la visibilité et les droits des personnes trans ;
Conseil étudiant.e.s de l’ARBA ESA ;
Raphaël Prévost, Galerie Manager, Bruxelles ;
Karolina Parzonko, artiste et travailleuse dans le secteur culturel bruxellois ;
Lili Deplus, travailleuse dans le secteur culturel ;
Alice Maës, enseignante ;
Juliette Leyvraz, artiste ;
Carole Ventura, directrice Théâtre CreaNova ;
Cecile Cée, artiste ;
Lena Celnik, travailleuse dans le secteur culturel ;
Nathalie Sottiaux, chargée d’administration à la Maison poème ;
Camille Sart, artiste plasticien ;
Mia Brena-Minetti, autrice et artiste ;
Virginie Cordier, directrice de La Vénerie ;
Julie Crenn, historienne de l'art et commissaire d'expositions indépendante ;
Marine Gohier, aka @seum_euse , projet militant et artistique participatif ;
Pauline Gransac, artiste plasticienne et graphiste ;
Arnaud Gallais, cofondateur de Mouv’Enfants ;
Nina Neuray, autrice, illustratrice et bédéaste...