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Tribune 19 août 2025

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Au nom des réfugiés afghans bloqués au Pakistan et en Iran

Alors qu'en Afghanistan, « toute voix libre devient une cible », des exilé·es Afghan·es, bloqués dans les pays voisins ou contraint·es de retourner en Afghanistan, sont en attente d'un visa humanitaire français, sans réponse de l'Ambassade. Un collectif de personnalités plaide pour leur accueil : « Ne les trahissons pas une fois encore, accueillons-les comme l’exige le droit international ».

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Quatre années se sont écoulées depuis la chute de Kaboul. Quatre années durant lesquelles l’Afghanistan est devenu l’un des pires endroits au monde pour être femme, journaliste, artiste, athlète ou militant des droits humains.

Les femmes ont été effacées de l’espace public : privées d’éducation, de travail, de liberté de mouvement, condamnées à une vie d’enfermement. Les militant·es, les journalistes, les intellectuel·les qui refusent de plier devant l’idéologie talibane vivent traqué·es, réduit·es au silence ou contraintes à l’exil. Les représailles sont systématiques : toute voix libre devient une cible.

Hamza Ulfat, militant de 32 ans, a payé de sa vie son engagement pour les droits des femmes. Arrêté, battu, torturé puis emprisonné par les talibans, il a succombé en janvier 2025 à ses blessures. Sa mort n’est pas un cas isolé : elle incarne le sort réservé à celles et ceux qui, en Afghanistan, osent encore défendre la liberté et la dignité humaine.

Dans le même temps, les pays voisins qui les ont accueillis en nombre, alors que les dirigeants des pays occidentaux eux n’ont pas tenu leurs engagements, se ferment. Ainsi l’Iran et le Pakistan qui ont accueilli des millions de réfugié·es afghan·es aujourd’hui les refoulent massivement. Le Pakistan a lancé l’Illegal Foreigners Repatriation Plan, provoquant la déportation de plus de 844 000 Afghans et Afghanes. En Iran les Afghan·es accusé d’espionnage pour le compte d’Israël sont l’objet d’une vague d’expulsion sans précédent. Des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, ayant goûté à la liberté, d’étudier, de travailler, circuler seul·es sont désormais contraint·es de retourner en Afghanistan, où les attendent la vengeance, la répression et la mort.

Illustration 1

En France nous nous sommes félicités que la Cour Nationale du Droit d’Asile dans une décision publiée le 11 juillet 2024 « reconnaît l’appartenance de l’ensemble des femmes afghanes à un groupe social susceptible d’être protégé comme réfugié ».

Cette décision de la Cour se base sur les graves atteintes aux droits et libertés fondamentaux des femmes et des jeunes filles afghanes qui constituent des actes de persécution au sens de la convention de Genève. Une avancée majeure pour la protection des Afghanes, encore faudrait-il qu’elles puissent obtenir un visa humanitaire pour venir en France, or depuis plus d’un an elles sont nombreuses à avoir déposé une demande de visa à l’Ambassade de France à Islamabad et n’ayant reçu à ce jour aucune confirmation, aucun numéro de dossier, rien qui leur permette de savoir si leur demande a été prise en compte.

Illustration 2

Si Mozhdeh Neshatati, avocate de la défense, Sahar Sarwari, karatéka, sa sœur Shogofa Sarwari, écrivaine, activiste sociale et coiffeuse, ainsi que leur mère, face à la menace imminente d’un renvoi en Afghanistan, osent témoigner, d’autres, militant.es, artistes, journalistes, sportives, terrifiées par les menaces pour elles-mêmes et leurs familles se condamnent au silence.

Cette attente d’un visa humanitaire est insoutenable pour celles et ceux menacé·es d’un renvoi imminent vers l’Afghanistan et la mort. C’est aussi celle d’hommes recherchés par les Talibans tels Mohammad Naser Nazari, ancien procureur général, Ruhullah Mohammadi, militant social et auteur hazara, Mohammad Teymur (Martin), chanteur, militant des droits humains, persécuté en Afghanistan puis en Iran. Noor Mohammad Faizi, ancien collaborateur des forces internationales. Parmi eux, seul Mohammad Farzad Rahimi, cinéaste et activiste culturel, a reçu un simple accusé de réception automatique.

Ces femmes et ces hommes, qui ont dû laisser leurs familles derrière eux pour éviter qu’elles ne soient prises pour cibles même si à distance leur vie reste menacée, vivent à plusieurs dans une pièce de douze mètres carrés au Pakistan, dans l’attente d’une réponse de l’ambassade de France à Islamabad qui les sauverait d’un retour vers l’enfer.

Depuis le 15 août 2021 et la chute de Kaboul, la situation n’a cessé de se détériorer, les dénonciations des violations graves et les promesses de soutien se sont succédées, et pourtant la société civile afghane a été abandonnée, laissant au Pakistan et à l’Iran la responsabilité de leur accueil. Quatre ans après, ces femmes et ces hommes qui croient en nos valeurs de liberté, égalité, fraternité sont aujourd’hui menacées.

Ne les trahissons pas une fois encore, accueillons-les comme l’exige le droit international, notre humanité.

Tribune rédigée par :

Shakiba DAWOD – Militante afghane, Présidente de l’association Le Cercle Persan

Geneviève GARRIGOS – Conseillère de Paris, ancienne présidente d’Amnesty International France (2008‑2016)

Signataires :

Chirinne ARDAKANI – Avocate à la cour, spécialiste du droit pénal, de l’asile et militante des droits humains

Zakia KHUDADADI : Para-taekwondoïste afghane, première athlète médaillée de l'équipe paralympique des réfugiés

Élisabeth NICOLI – Co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie

Ramin MAZHAR – Poète et journaliste afghan

Anna PIC Députée de la Manche

Sumaia SEDIQI – Cofondatrice de DOR Afghanistan, militante pour l’éducation et les droits des femmes

Gulsom ZAHRA – Militante des droits des femmes, étudiante à Sciences Po